- Mondial 2022
- Demies
- Argentine-Croatie (3-0)
La bonne étoile de l’Argentine
À défaut d’avoir déjà une troisième étoile sur le maillot, l’Argentine peut compter depuis deux grosses semaines sur un alignement des planètes parfait. La défaite inaugurale contre l'Arabie saoudite est désormais un lointain souvenir, dimanche elle sera comme chez elle à Lusail.
C’est un soleil qui trône au milieu du drapeau de l’Argentine. Tout le monde est censé le savoir, mais ceux qui n’écoutaient ni en cours de géo, ni en SVT et qui ont suivi cette demi-finale peuvent désormais savoir que c’est bien une étoile qui illumine le chemin de tout ce qui est de blanc et de ciel. Les Argentins ont déjà eu l’occasion de voir briller cet astre très fort en 1978 et 1986, au point de pouvoir l’accrocher au-dessus de leur blason. Ils pourront se tourner à nouveau vers lui dimanche, à l’occasion de leur sixième finale de Coupe du monde, après 1930, 1978, 1986, 1990 et 2014. Si on avait juré à ses aficionados qu’ils en seraient là juste après l’éclipse de l’Arabie saoudite, seuls les plus cinglés auraient pu le croire (cela dit, il y en a un paquet). De fait, quand les Faucons d’Hervé Renard faisaient sauter les boutons de chemise de l’Albiceleste, ce sont des supportes aux têtes dans les chaussettes que l’on pouvait croiser à la sortie du métro. À ce moment-là, après une invincibilité de 36 matchs consécutifs, aucun ne se voyait sauter et chanter 21 jours plus tard dans les rames en direction de Lusail.
Le sens de leur histoire
Cet après-midi du 22 novembre, la bande à Lionel Messi avait joué de malchance et laissé les Saoudiens se gonfler de confiance. Depuis, c’est tout l’inverse qui s’est passé : au pied du mur, elle a su retrouver la force qui l’avait portée lors de la dernière Copa América et remettre les éléments de son côté. « Ce que nous avons fait pour atteindre la finale est très difficile à réaliser. Nous avons joué cinq finales, et il nous en reste une à jouer », rappelle le joueur du PSG, encore déterminant ce mardi. Le Mexique, la Pologne, l’Australie, les Pays-Bas et donc la Croatie sont effectivement tombés sur une troupe de morfals, toute dévouée à son chef de gang Lionel Messi, qui a ramassé en chemin une amulette de charisme, et portée par un public dominant aux quatre coins de Doha.
Dans ce Mondial, cette Argentine n’a jamais été la formation proposant le jeu le plus léché, mais celle qui a le mieux maximisé son parcours. Laissant ses talents Di María, Dybala ou Lautaro Martinez la plupart du temps sur la touche, Lionel Scaloni a construit autour du roi Messi un collectif équilibré avec les fous Emiliano Martinez, Cristian Romero, Nicolas Otamendi et Leandro Paredes derrière, les tours Rodrigo de Paul, Nahuel Molina et Facundo Acuna (suppléé par Nicolas Tagliafico) pour couvrir les extérieurs, les fous créatifs Enzo Fernandez et Alexis Mac Allister au cœur du jeu et le prince héritier Julian Álvarez sur le front. « Cette équipe est très intelligente, très sage. Nous sommes capables de parfaitement lire les rencontres : on sait comment souffrir, quand attendre, quand presser, quand jouer la possession, et tout ça, c’est grâce au staff, prolonge Lionel Messi. À chaque fois, on sait exactement quoi faire. » En résumé : il faut bosser si on veut pouvoir suivre cette foutue bonne étoile.
De cette synergie naissent des mouvements naturels, un pressing coordonné, un cadeau fait par un gardien australien, un élan qui peut amener à se battre littéralement pour sa nation sans jamais prendre de rouge, des contres favorables comme sur le second but de mardi soir et, bien souvent, des penaltys. La Pulga en a déjà eu quatre à tirer, n’en laissant qu’un en route, dans les gants de Wojciech Szczęsny. Cela suffit à crisper les rageux, comme Bruno Fernandes qui, même s’il n’a pas eu à l’affronter, se demandait à l’issue de la défaite du Portugal contre le Maroc si un complot n’était pas en train de « donner la Coupe du monde à l’Argentine », juste parce qu’un arbitre argentin dirigeait la rencontre qui leur a été fatale. Quand ils n’y peuvent rien, les Sud-Américains peuvent aussi compter sur les autres pour leur « faciliter » le travail. La Croatie leur avait fait le plaisir de dépouiller leur rival brésilien, mais après deux tours finis aux tirs au but, les Vatreni n’avaient plus le jus pour renverser une nouvelle montagne. Dimanche prochain, c’est un nouveau défi qui s’annoncera pour l’Albiceleste, avec pour but ultime d’offrir à son Diez de 35 ans le trophée qu’il lui manque. Mais s’ils venaient à affronter les Bleus, ils auraient affaire à une autre équipe qui sait jouer avec la chance.
Par Mathieu Rollinger, à Lusail
Propos de Messi recueillis par MB.