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La Bombonera pour tou(te)s

Par Georges Quirino Chaves à Buenos Aires
La Bombonera pour tou(te)s

Le mythique stade de Boca Juniors a, pour la première fois de son histoire, ouvert ses portes à un superclásico féminin entre Boca et River Plate ce mardi. Une révolution pour des footballeuses argentines enfin professionnelles.

Buenos Aires retient son souffle. Encore. Dans une semaine, River Plate et Boca Juniors se retrouvent à nouveau en Copa Libertadores. Déjà. Seulement dix mois après la victoire des hommes de Marcelo Gallardo lors d’une finale houleuse, exilée à Madrid à la suite des débordements survenus à l’Estadio Monumental. Cette fois-ci, ce sera en demi-finale. Revanche ou pas, les médias sportifs et les supporters ne parlent que de ça.

Une révolution dans un pays réputé très machiste

« No somos como los p**** de River Plate ! Dale alegria a mi corazon ! La Copa Libertadores es mi obsesion !(Nous ne sommes comme les p**** de River. Donnez de la joie à mon cœur. La Copa Libertadores est mon obsession) » chantent les hinchas du Xeneize ce mardi après-midi dans les tribunes ensoleillées de la Bombonera. Sur la pelouse, des maillots bleu et or affrontent déjà des tuniques blanches rayées d’un trait oblique rouge. Sept jours avant, il s’agit bien d’un superclásico. Mais le numéro 10 de Boca Juniors qui vient de marquer et enflammer le public n’est ni Carlos Tévez ni Juan Roman Riquelme. Il s’agit de Fabiana Vallejos. Elle a 34 ans, un serre-tête blanc qui retient ses longs cheveux bruns, et elle participe à une rencontre historique. La première confrontation à la Bombonera entre les équipes féminines de Boca et River. « Quand on nous a dit il y a deux jours qu’on allait jouer là et non pas à la Casa Amarilla (N.D.L.R. : le centre d’entraînement), nous étions hystériques. On l’avait rêvé. C’est magnifique » , explique la joueuse.

Cette rencontre, c’est la vitrine de la première journée du championnat féminin argentin de football. Un tournoi enfin professionnel cette année depuis l’annonce par la Fédération le 16 mars dernier du financement d’au moins huit contrats par club. Une révolution dans un pays réputé très machiste. Surtout dans le football. « Sans un mouvement féministe très actif, ce ne serait pas arrivé si vite » , croit Luciana Gargini, journaliste à futfemprof.com. Depuis plusieurs mois, elle militait, notamment aux côtés de Macarena Sánchez, une joueuse figure de la lutte, pour que les footballeuses aient enfin des droits. Un combat entendu dans un pays secoué par l’émergence depuis 2015 du puissant mouvement féministe Ni Una Menos. Mais que la Bombonera, territoire réservé aux gloires masculines depuis toujours, ouvre enfin ses portes aux femmes à crampons, c’est encore un autre cap franchi. « Ça montre l’importance que prend le football féminin dans notre pays » , pense Cecilia Ghigo, défenseuse de Boca. Ce mardi, elle regarde le match en tribunes avec ses amies et un maté : « Que l’on ouvre ce temple juste pour nous, c’est une fierté. » Le stade avait déjà accueilli une rencontre féminine. C’était le 9 mars dernier, au lendemain de la journée internationale des femmes. En ouverture d’un match masculin entre les Xeneizes et San Lorenzo, les filles de Boca avaient étrillé Lanus 5-0 devant des tribunes très clairsemées. Beaucoup ne savaient même pas que les Gladiadoras, leur surnom, jouaient en lever de rideau. Ce mardi, l’évènement, c’est elles. Et seulement elles.

Famille Boca et foulard vert

Les abords de la Bombonera sont bouclés. Mais rien à voir avec le dispositif habituel avoisinant les 900 représentants des forces de l’ordre autour d’un Superclásico. Les supporters adverses, eux, sont tout de même interdits. C’est le cas dans tous les stades masculins professionnels en Argentine depuis 2013. Mais que la directive soit appliquée à un match féminin, où l’ambiance est « familiale » tous les week-ends, surprend. Le match est gratuit pour les spectateurs, mais seulement accessible aux socios du club. Vous ne faites pas partie de la famille Boca ? Vous n’êtes pas le ou la bienvenu(e). De toute façon, vous ne pouvez pas entrer. C’est toujours comme ça à la Bombonera. L’horaire du match ? À 15h15. Retransmis sur une chaîne payante : TNT Sports. En pleine semaine. Beaucoup le regrettent. Surtout les joueuses. En off. 4000 fans, de tous âges, des Bleu et Or remplissent tout de même le bas de la tribune principale. Un record pour un match de clubs féminins de football en Argentine.

Des pancartes « Ahora que estamos juntas. Ahora que si nos ven » (Maintenant que nous sommes unies/ Maintenant vous nous voyez) sont brandies par deux supportrices. De nombreuses femmes présentes portent le foulard vert, signe distinctif de la lutte pour le droit à l’avortement légal, sûr et gratuit. Mais il y a aussi ces supporters, moins dans la revendication sociale visiblement, qui se rapprochent du terrain pour traiter les joueuses de River de « hijas de pu** » pratiquement à chaque touche de balle. Certains ont quitté leur travail prématurément pour assister au match. Comme les amis de Mauro, socio depuis 1997 : « Moi, je ne travaille pas en ce moment, alors j’ai pu venir ! Mais même si j’avais bossé, je serai venu ! Il faut renoncer à tout pour Boca ! Je ne connaissais pas les joueuses, mais maintenant, avec la professionnalisation, je commence à m’y intéresser. Il fallait surtout venir aujourd’hui pour que les filles ressentent la rivalité avec River. » Les tambours, les papelitos et la Doce, la barra brava de Boca, ne sont pas là, mais les chants des supporters contre le rival historique raisonnent bien et fort. Suffisant certainement pour motiver des Gladiadoras qui écrasent leur adversaire 5-0. Sous les yeux satisfaits du président Daniel Angelici, en campagne pour sa réélection en fin d’année, et de l’attaquant du club Wanchope Abila, venu lui aussi assister à la rencontre.

« Mon message pour les femmes ? Tout finit par arriver »

« Au-delà du résultat, je pense qu’il faut se dire que ce qu’il s’est passé aujourd’hui est quelque chose d’historique pour le football féminin. Alors on voulait le faire de la meilleure façon possible » , explique Fabiana Vallejos, la meneuse de jeu de Boca dans une zone d’interview remplie par une centaine de journalistes : « Tout ça prouve que, malgré les discriminations, il fallait continuer de lutter. Il faut croire que l’on pourra jouer partout. À la Bombonera ou dans n’importe quel stade ! » Pour l’heure, les dirigeants n’ont pas précisé si l’enceinte rouvrirait ses portes à l’avenir pour un match féminin. Mais la possibilité est évoquée. Qu’importe pour l’attaquante Fanny Rodríguez, auteure d’un triplé : « C’est tout de même une grande étape pour notre football même s’il manque encore des choses. Mon message pour les femmes ? Tout finit par arriver, il faut continuer. »

La blonde au bandeau rose sera à la Une des médias sportifs dans la soirée. Pas pour ces déclarations. Mais parce qu’elle jouait avec River Plate la saison dernière et célébrait ses buts comme Lucas Pratto, l’attaquant star des Millonarios. Ce mardi, elle atomisait son ancienne équipe en embrassant l’écusson de Boca. De quoi enflammer la rivalité chez les filles ? Clarisa Huber, milieu de terrain des Gladiadoras, invitée le soir du populaire programme Fox Sports Radio mené par l’animateur star Sebastian Vignolo : « Je peux vous dire qu’il y a des supporters de River dans notre équipe. Je ne peux pas dire qui ! (Rires.) Mais je trouve ça très bien ! » Le Superclásico vit bien. Chez les femmes au moins.

Dans cet article :
Argentine : Quand Juan Roman Riquelme monte en tribunes pour calmer une bagarre
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