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La boîte de Nugent
C'est le fruit du mal d'une génération. Longtemps, David Nugent a été présenté comme l'avenir de l'Angleterre, de sa sélection, mais aussi de la Premier League. Puis, l'attaquant s'est planté à plusieurs reprises au moment de s'imposer. De retour cette saison avec Middlesbrough, le voilà revanchard. Assis sur un banc, aussi, toujours.
Ce n’est aujourd’hui plus qu’une ligne sur les pages noircies des livres d’histoire. Comme une constante dans la vie d’un homme qui a passé la sienne à cultiver les paradoxes. Reste qu’à sa façon, David Nugent a marqué les années 2000. Ce n’était alors qu’un soir comme un autre, une nuit de qualifications pour un Euro 2008 que l’Angleterre ne verra finalement jamais. Le 28 mars 2007, le groupe emmené par Steve McClaren est en déplacement à Barcelone, au stade de Montjuïc, pour affronter l’Andorre. De loin, c’est une formalité : une victoire 3-0 et un doublé de Steven Gerrard. Sauf que tout l’événement réside dans ce troisième but, alors que l’affaire était déjà pliée. Une inspiration de Gerrard, un contrôle parfait de Jermain Defoe, l’arrêt d’Álvarez Koldo – aujourd’hui devenu sélectionneur national d’Andorre – et ce ballon qui roule sur la ligne avant d’être poussé. Defoe a déjà tourné le dos, sûr d’avoir inscrit le troisième but, sauf qu’une fouine est passée par là. Un quasi-inconnu qui fête ce soir-là sa première sélection avec les Three Lions et vient de prendre ce but pour lui. Nugent vient d’entrer dans l’histoire avec son désormais célèbre « one Goal/one Cap » . Pourquoi ? Car à cet instant, l’attaquant joue en Championship, à Preston, et n’aurait jamais dû être là sans la blessure de Darren Bent. Une première pour un footballeur extérieur à la Premier League depuis Michael Gray, alors joueur de Sunderland, en 1999.
Le paradoxe Nugent
Tout le paradoxe Nugent est résumé dans cette histoire singulière. Car l’on ne reverra plus jamais l’attaquant en sélection nationale. Son cas est spécial et fait penser à celui de Charlie Austin, hier révélation et aujourd’hui cantonné au banc de Southampton. Oui, David Nugent n’a jamais été aussi fort que lorsqu’il jouait à l’ombre. Sa réputation n’est aujourd’hui plus à faire, car à trente et un ans, celui qui cavale aujourd’hui pour Middlesbrough a déjà grillé une décennie de saisons professionnelles et plus de la moitié des défenses de Championship. Sauf que voilà : Nugent n’a jamais franchi le pas de la Premier League et s’est toujours planté dans la durée au moment de la rencontrer définitivement. Il y a eu Portsmouth, où son histoire s’est terminée par un retour en seconde division à Leicester en 2011. Et donc les Foxes, où il est devenu une référence avant l’éclosion de l’un de ses meilleurs amis, Jamie Vardy, de qui Nugent a été le témoin de mariage il y a quelques mois. Car une nouvelle fois débarqué en Premier League lors de l’été 2014, il doit se contenter de simples entrées en fin de match, d’instants de gloire éphémères, comme ce but lors de la victoire contre Manchester United (5-3), ou à Anfield (2-2) en janvier 2015. Le paradoxe, donc, pour un joueur viré de l’académie de Liverpool lorsqu’il était gamin – alors qu’il est fan affiché d’Everton – et qui doit sa carrière chez les pros à un changement de poste tardif, de gardien à buteur. Quand même.
Au chaud sur sa banquette
Et voilà où en est aujourd’hui David Nugent. Non, rien n’a changé. Barré à Leicester à l’arrivée de Ranieri, l’ancien international avait alors décidé de filer à Middlesbrough, où il s’est éclaté gomme un gosse la saison dernière avec huit buts en une quarantaine de matchs, aux côtés de Christian Stuani et Jordan Rhodes, sous les caviars de Stewart Downing. Et Boro est monté en Premier League et a décidé de grandir dans les bras d’Aitor Karanka, mais surtout avec plus de clinquant sur le papier. Cet été, le Riverside Stadium a vu arriver Álvaro Negredo en prêt, buteur dès sa première sortie officielle contre Stoke (1-1) la semaine dernière, Víctor Valdés ou encore Antonio Barragán, ce qui a logiquement poussé Nugent à retrouver son banc. Lui veut cette fois réussir, il se dit maintenant « prêt à se battre » pour une place de titulaire, et a repoussé plusieurs offres cet été (Newcastle, Derby County, Wolverhampton) pour rester à Middlesbrough. Comme l’éternel recommencement de la vie d’un homme qui était, lui aussi, un espoir avant de buter sur le haut niveau. Comme si la musique ne voulait jamais s’arrêter. Comme si le paradoxe n’en était plus un et que Nugent devait rester à vie un joueur moyen, un bon buteur, à qui on promettait un avenir doré.
Par Maxime Brigand