- Journée mondiale de la bière
La bière est-elle vraiment conseillée après un match ?
Avaler une mousse après une partie, gagnée ou perdue, est une habitude chez les footballeurs. Pour certains, c’est presque même une obligation. Ça tombe bien : elle serait bonne pour la récupération. Vraiment ? Retour, à regret, sur une idée reçue totalement fausse.
« La bière est plus complète que tout autre supplément d’énergie. Cette boisson a des effets positifs, en raison de la quantité moindre de sucre et de la présence plus importante de magnésium, de phosphore, de calcium et de vitamine B. Mais il faut que cela soit limité à une petite quantité. » En février dernier, durant le Congrès « Beer Attraction » , Luca Gatteschi, médecin de la sélection italienne, sous-entend que Thiago Motta et Gianluigi Buffon auront le droit à leur petite mousse après chaque rencontre du championnat d’Europe. Pour lui, c’est très clair : la bière représente un réel outil de récupération physique. Un avis qui ne surprend pas franchement la majorité des joueurs du dimanche, habitués à se jeter quelques godets après le match – marqué par les tacles à hauteur de genoux, un raté à deux mètres des cages « à cause des rebonds de ce terrain pourri » ou par cette frappe lumineuse du numéro 10 gaucher qui ne défend pas. Ceux-là même qui sont allés au bout des propos de Gatteshi relayés par la Gazzetta dello Sport et qui ont fait mine d’oublier la dernière ligne. Bref, la bière est bonne et les deux litres de succulente Kro ou de délicieuse 33 Export seraient quasiment indispensables pour l’organisme après l’effort. On le savait et c’est confirmé de source sûre.
Un monde qui s’effondre
Sauf que ce n’est malheureusement qu’une idée reçue. Ni plus, ni moins. Et bien qu’on le regrette amèrement, il faut avouer que Luca Gatteschi se foire dans les grandes largeurs. « La culture des bienfaits de la bière pour la récupération du footballeur, et du sportif en général, est un imaginaire qui reste ancré dans les têtes. On dit que c’est bon, que ça détend le muscle… C’est tout simplement faux » , commence Jean-Jacques Menuet, médecin du sport et briseur de fantasmes. Pour ceux qui préfèrent toujours se raccrocher comme ils peuvent au discours de l’Italien, Thomas Rozé, kinésithérapeute du sport, diplômé du D. Nutrition, Micronutrition, Exercice, Santé et auteur d’un mémoire sur le sujet, fait couler les larmes : « Non mais Gatteshi, il délire. Il délire ! Non pas que je n’en bois pas, mais je suis bien entendu obligé de descendre la bière. » Débute alors la longue liste des méfaits du fabuleux combiné eau-malt-houblon-alcool. Avec en premier lieu la question de la réhydratation : « Après un effort, tu es déshydraté. La première chose que ton corps cherche, c’est donc à se réhydrater. Or, ce n’est pas un scoop, l’alcool déshydrate encore plus. Plus il y a de l’alcool dans ta bière, plus c’est mauvais. Et même si elle ne fait que 3%, c’est délétère. » Jean-Jacques Menuet confirme cette triste réalité : « La bière, plus que les autres boissons, est diurétique, elle fait pisser. Ce qui déshydrate davantage. »
Notre fidèle ami sans défense
Ok, mais niveau composants, le membre du staff médical de la Squadra indique bien que certaines bières sont riches en magnésium, sans oublier le phosphore, le calcium et la vitamine B. Non ? « La plupart des bières présentent des taux de minéraux faibles. Peut-être que le médecin italien parle de bière avec un taux un peu plus élevé, mais l’effet restera toujours moindre que l’eau minérale « enrichie » , écarte Thomas Rozé. La bière contient bien des calories, mais ils n’auront pas d’avantage sur le muscle, puisque ce sont des calories qui se transforment en chaleur » , poursuit Jean-Jacques Menuet. Les deux spécialistes continuent de faire souffrir les oreilles à grands coups d’arguments imparables. Le kiné pas cool, d’abord : « L’alcool perturbe le sommeil, donc pour la récupération, ce n’est pas bon. Il favorise la sécrétion d’hormone excitante, comme la dopamine par exemple, qui active le système sympathique, celui de l’effort, alors qu’on cherche à atteindre le système du repos, le parasympathique. Sans compter que l’alcool favorise l’élévation du taux d’acidité dans l’organisme, ce qui engendre une mauvaise expulsion des déchets, provoquant des lésions. » Le méchant médecin, ensuite : « L’alcool diminue l’élimination de l’acide lactique, l’élément responsable de courbatures et de crampes après l’effort. » À bien y repenser, cette dernière donnée n’est en toute honnêteté pas une surprise pour les amateurs de pintes. Surtout quand ils se remémorent ces crampes nocturnes les réveillant quelques heures après avoir terminé cette dernière pression qui a encore des bulles, mais plus de goût.
Passer au vin, l’humiliation ultime
Et même quand on continue coûte que coûte à faire confiance à Luca Gatteschi, par ailleurs directeur de la Société italienne sur la nutrition sportive et qui prend comme référence une étude de l’International Journal of Sport Nutrition, la cruelle vérité fait mal au cœur. Si cette publication conclut effectivement que la réhydratation avec de la bière et de l’eau n’est pas inférieure à celle faite avec de l’eau uniquement, les protocoles restent trop limités pour en tirer quelque chose de valable (étude réalisée sur seulement 22 hommes ayant effectué un effort physique d’une heure). Comme si cela ne suffisait pas, Thomas Rozé enfonce le clou : « De toutes les boissons alcoolisées, je ne suis même pas persuadé que la bière soit la moins pire. Si j’avais le choix, je prendrais un verre de vin rouge, qui contient des anti-oxydants assez puissants (mélange de de vitamines, d’oligo-éléments et de micro-nutriments qui aident à neutraliser certains déchets et combattent le vieillissement prématuré, ndlr). » Jean-Jacques Menuet, lui, essaye tant bien que mal de remonter le moral… avant de porter le coup fatal : « Boire une bière entre coéquipiers donne un aspect convivial qui n’est pas négligeable. C’est symbole de partage, c’est un outil social… Une petite blanche de 25 cl à 5°C, bon… on peut fermer les yeux. Mais raconter que c’est bon pour l’organisme, c’est archi faux. Il n’y a aucun intérêt nutritionnel à conseiller une bière. » Merci pour le sentiment de culpabilité du week-end.
Par Florian Cadu