- Coupe du monde 2014
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- Belgique/Russie
La Belgique est-elle trop confiante ?
Après leur (très) douloureuse victoire face à l'Algérie, les Belges peuvent déjà assurer leur qualification ce dimanche en venant à bout de la Russie. Mais pour leur retour en Coupe du monde après 12 ans d'absence, les Belges n'en font-ils pas trop autour de leur équipe, au risque de se ramasser plus tôt que prévu ?
Tout un pays s’est remis à y croire. Surtout depuis que Marc Wilmots a repris les rênes de l’équipe nationale. Désormais, la Belgique se dit qu’il est de nouveau possible de rêver en Coupe du monde. Avec Hazard, Witsel, Kompany, Courtois and cie, la Belgique a enfin de la qualité sur le terrain et plus uniquement grâce à ses excellents supporters en tribune ou aux abords du stade. Alors au Plat Pays, c’est bien entendu l’effervescence totale, permanente et nationale.
Des médias diablement bassinants
« Cet engouement me fait penser à celui du Tour de France de 1969 remporté par Merckx, se souvient Pierre Bilic, journaliste à Sport/Foot Magazine. Toute la Belgique s’était déchaînée, il y avait une Merckxmania incroyable vu que le pays n’avait plus gagné le Tour depuis 1939, on attendait ça avec impatience. » Drapeaux belges accrochés à deux balcons sur trois, voitures décorées de « capotes » noir-jaune-rouge sur les rétros, rassemblements indescriptibles sur les places des villes (et des villages !), la Belgique est à fond derrière ses Diables rouges, et peu de gens échappent à cette folie. « Je partage cet engouement, s’exclame Pierre Kroll, dessinateur caricaturiste. Même si je ne suis a priori pas un grand fan de foot, là je suis dans la masse des supporters. Aujourd’hui par exemple, je vais organiser un grand barbecue à la maison avec des amis pour voir le match. »
Dans les médias, on soupe du Diable rouge à longueur de journée : comment s’est passé leur entraînement, qu’est-ce qu’ils ont mangé à midi, est-ce qu’Eden Hazard va bien à la selle… Tout cela est certainement exagéré. « Dans cette équipe, vous avez deux-trois adolescents attardés pour qui ça va être difficile de ne pas se prendre pour une vedette avec tout ce qu’on leur met comme publicité » , analyse Robert Waseige, l’entraîneur des Diables rouges lors de leur dernière Coupe du monde en 2002. Même son de cloche pour Pierre Bilic qui essaie même de fuir cet amas d’ « informations » . « Je ne lis pas tout, je ne regarde pas tout pour pouvoir aborder un match avec l’envie de le voir, pour garder la faim de football. » « Parfois, je soupire quand je lis des titres de presse qui poussent les gens à viser très haut, témoigne Robert Waseige. Pour les gens qui n’ont pas de vécu footballistique, le foot est comme un jeu, donc on peut leur faire croire que tout réussit uniquement grâce à la niaque du coach. »
« Ça sort toujours de la bouche d’un innocent »
Bien sûr, avec toute cette folie, il n’est pas rare d’entendre des gens annoncer la future victoire des Belges en finale contre le Brésil. « Mais ça sort toujours de la bouche d’un innocent, d’une personne qui n’est pas dans le monde du foot, assure Robert Waseige. Si jamais on passe les huitièmes de finale, pour moi ils méritent la mention « très bien ». Puis après, ça sera visite chez le roi, salut au balcon de l’hôtel de ville et tout le tralala. » L’engouement est donc énorme, mais il n’atteint pas l’arrogance. « C’est plaisant, pourquoi ne pas s’amuser et en profiter ? Pourquoi jouer les grincheux alors que c’est plutôt agréable ? » , questionne Pierre Bilic. « Quelque part, c’est magnifique et on doit les remercier de nous avoir rendu une fierté et l’envie de revendiquer nos origines. Ils donnent du bonheur à des milliers de personnes qui n’en ont pas tous les jours. » , philosophe pour sa part Robert Waseige.
Mais il faut bien sûr concéder que la Belgique a rarement connu une équipe avec autant d’individualités évoluant dans les plus grands clubs européens. « Quand j’étais jeune, les Diables rouges, c’était une équipe d’ouvriers bien organisés qui essayaient de tenir pendant 90 minutes sans encaisser face à des grandes équipes » , rigole Pierre Kroll. Mais est-ce pour autant suffisant pour réaliser de grands résultats, là c’est moins sûr. « Beaucoup affirment que c’est la meilleure équipe de tous les temps, confie Pierre Bilic. Pour moi, c’est celle de 1982, voire même celle de 1990. À l’époque, on battait l’Argentine avec probablement 10 joueurs évoluant en Belgique. Certains disent que le football n’est plus le même, qu’avant on jouait moins vite, etc. C’est une vaste blague. » Robert Waseige a, lui, réussi à faire trembler le Brésil en 2002 avec une équipe composée d’une seule star : Marc Wilmots. « Je m’appuyais sur une levée classique, proche de la tradition du football belge : une équipe sérieuse, très collective et qui comptait sur son fer de lance en la personne de Marc Wilmots pour mener ses troupes à la bataille. »
En fonction du tirage…
Après la laborieuse victoire d’entrée face à l’Algérie, de nombreuses questions se sont posées sur les capacités réelles de Diables rouges qui manquent cruellement d’expérience, Daniel Van Buyten étant le seul à avoir déjà vécu une Coupe du monde. Mais au final, il semblerait bien que les Belges attendent de voir qui va se mettre en travers de leur route avant de se mettre à rêver. « On n’a malheureusement pas la chance scandaleuse des Français qui jouent contre des équipes de D2 provinciales au premier tour, nargue Pierre Kroll. Donc notre situation dépendra beaucoup de l’autre groupe. Si on termine deuxième et qu’on tombe contre l’Allemagne, on aura pas mal de chances de rentrer assez vite chez nous. Par contre, face aux États-Unis… » Et de là, tout peut aller très vite, comme l’explique Pierre Bilic après une longue hésitation. « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On verra bien. Quand je vois la France qui a vraiment bien joué contre la Suisse, on pourrait éventuellement jouer comme ça, mais quand je repense à notre première mi-temps face à l’Algérie, j’étais inquiet. On va voir, c’est trop tôt. »
Par Émilien Hofman, en Belgique