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Avec Tedesco, les Diables bougent
Alors qu’il n’a pris les rênes de la sélection belge que depuis le 8 février dernier, Domenico Tedesco y a déjà changé les visages, le système, l’atmosphère. Et forcément, l’ambition vient avec.
« Une page se tourne aujourd’hui. Merci pour votre amour. Merci pour tout ce bonheur partagé depuis 2008. J’ai décidé de mettre un terme à ma carrière internationale. La relève est prête. Vous me manquerez… » En claquant la porte de la sélection belge après la nouvelle déception des Diables rouges au Qatar en décembre dernier, Eden Hazard avait prévenu tout le monde : les successeurs de la fameuse génération dorée sont déjà là. « Ils sont comme nous à l’époque quand on a commencé, a confirmé Romelu Lukaku, qui a d’ailleurs hérité du numéro 10 de son ancien capitaine, après une première réussie de Domenico Tedesco sur le banc de la Belgique en Suède vendredi dernier (0-3). Cette nouvelle génération a du potentiel, de l’envie et du courage. Ça promet pour la suite ! » Et si cette histoire était plus belle que la précédente ?
Effet Tedesco
« Dès le premier contact, il a expliqué que des choses allaient changer, que le passé appartenait au passé, expliquait à la presse Openda, membre de cette nouvelle vague. On doit regarder de l’avant et avoir de nouveaux objectifs. Je trouve que cette discussion doit rester à l’intérieur du groupe. Ce n’était pas le Club Med sous Roberto Martinez, mais certaines règles vont changer, oui. » Habitués depuis le dernier Mondial à voir les impuissants soldats de l’armée belge se tirer les uns sur les autres à chaque sortie médiatique, les admirateurs des Diables rouges ont sûrement été étonnés de voir un discours ambitieux. Revigoré, souriant, Loïs Openda s’est dit « heureux » que le premier contact entre Domenico Tedesco et le groupe « se soit bien déroulé ». Alors qu’à chaque début de rassemblement, l’heure est plutôt au repos du côté de Tubize, le nouveau sélectionneur a changé les habitudes et organisé un premier meeting dès le lundi 20 mars. « C’était le premier soir, et il a tout de suite expliqué ce qu’il voulait qu’on fasse, ce qu’il attendait de nous. Le message est bien passé je pense, reprend l’attaquant du RC Lens. Il veut gagner des matchs, faire en sorte que l’équipe grandisse. Il souhaite poursuivre sur le bon élan insufflé depuis quelques années et être un groupe solide. Il voudra qu’on soit agressif, qu’on accroche les deuxièmes ballons. C’est un coach qui sait ce qu’il veut, il a ses ambitions. » Et ça n’aura pas loupé : pour sa première sur le banc des Diables rouges, le tacticien italo-allemand a étrillé la Suède avec la manière, et surtout de nouveaux visages.
Qu’elle semble loin, l’ère Martinez, tant le dégraissage a été important. En plus d’avoir vu plusieurs cadres quitter le navire depuis le retour du Qatar, comme Eden Hazard, le défenseur Toby Alderweireld ou encore le gardien Simon Mignolet, Tedesco s’est même permis une autre séance de nettoyage. Ainsi, les coutumiers Axel Witsel, Michy Batshuayi, Hans Vanaken ou encore Dries Mertens n’ont pas fait le déplacement à Stockholm. Et s’il a tout de même souhaité garder des éléments d’expérience sur chaque ligne comme Thibaut Courtois, Jan Vertonghen, le nouveau capitaine Kevin De Bruyne ou encore l’inépuisable Romelu Lukaku, auteur d’un triplé pour la première journée de la phase de qualification de l’Euro 2024, Tedesco a considérablement rajeuni l’effectif. Bonjour Zeno Debast, jeune défenseur de 19 ans pensionnaire d’Anderlecht, Romeo Lavia, box to box de Southampton du même âge, Johan Bakayoko, feu follet du PSV Eindhoven de 19 ans aussi, Amadou Onana, 21 ans, qu’on ne présente plus, les pensionnaires de la Ligue 1 Arthur Theate, Jeremy Doku ou encore Loïs Openda, respectivement âgés de 22, 20 et 23 ans. Et pour se démarquer encore plus de celui qui occupe désormais le banc de la sélection portugaise, Tedesco a titularisé Wout Faes, 24 ans, au cœur de la charnière centrale – auteur d’une excellente performance dans le nord de l’Europe – Doni Lukebakio, 25 ans, élu homme du match, rappelé Orel Mangala, pilier de 25 piges de l’entre-jeu de Nottingham Forest, mais aussi offert du temps de jeu à Alexis Saelemaekers, ailier virevoltant de l’AC Milan de 23 ans. Au total, ce sont onze des vingt-six joueurs présents au Qatar qui ne figurent pas dans l’effectif convoqué cette semaine par l’ancien entraîneur de Schalke 04, du Spartak Moscou et du RB Leipzing. Un vent d’air frais venu marcher sur la bande de Zlatan Ibrahimović, et qui tentera d’engranger encore de la confiance ce mardi soir face à l’Allemagne. Si tous ces nouveaux éléments s’articulent aussi bien que vendredi dernier, la Mannschaft a du souci à se faire.
S’adapter pour mieux régner
« J’avais déjà joué contre lui lorsqu’il entraînait à Schalke et Leipzig. C’est un entraîneur très moderne. Il veut donner beaucoup d’énergie à son équipe avec de la pression vers l’avant. Nous devrons nous adapter et j’espère que cela se fera le plus rapidement possible. » Kevin De Bruyne n’avait pas encore échangé avec Tedesco qu’il avait vu juste. Terminé le système inamovible de Roberto Martinez, fini la défense à trois bourrée d’errances défensives et constamment composée des mêmes profils, au revoir la trop grosse dépendance aux exploits personnels, place désormais à un schéma modulable en fonction des forces et faiblesses de l’adversaire, et flexible avec ou sans la possession du ballon. Pour sa première, l’entraîneur de 37 ans a privilégié un 4-3-3, qui devient 4-4-2 à la perte de balle, mais a bien précisé que la vérité du jour ne sera pas nécessairement celle du lendemain. « Mon idée du football est qu’il faut s’adapter au type de joueurs que l’on a et aux forces que l’on a dans l’équipe », a-t-il assuré dans une interview à Sky Sports il y a peu. De quoi largement trancher avec la méthode conservatrice de l’Espagnol.
Le mode d’emploi pourrait donc changer de A à Z en Allemagne ce mardi soir. Face à une nation plus encline à garder le cuir et à enchaîner des vagues offensives, Tedesco pourrait tenter de faire jeu égal et passer à cinq au milieu de terrain. Passionné de la data et de l’évolution du jeu selon les cartes qu’il a en main, celui qui avait réussi à lancer une machine de la transition à Schalke, avant de tout laisser tomber et de partir sur des séquences de possession plus fluides à Moscou, aura le devoir de trouver un nouvel équilibre dans la sélection belge, que ce soit dans la récupération, dans les courses et le pressing. Face à la Suède, Onana a remporté chacun de ses cinq duels aériens, a réussi ses trois tacles, et gagné onze de ses quatorze duels. Un tout petit peu plus que De Bruyne. Et ça, en seulement quatre jours de travail. Comme quoi les premiers rouages sont déjà en route. « On se dirige vers le renouveau d’une génération. Il y en a une nouvelle qui émerge avec des joueurs de qualité, avait détaillé l’ancien milieu lillois à So Foot il y a quelques semaines. À nous maintenant de travailler énormément pour réussir à faire au moins aussi bien que la génération précédente. Pour moi, cette dernière restera comme la génération qui a mis le football belge sur la carte du monde. » Pour Openda, « le coach a fait un mélange entre la vieille et la nouvelle génération. En mélangeant les deux, on peut créer quelque chose de pas mal. Les automatismes sont toujours là dans l’équipe, je pense. Après, j’ignore comment on va appeler la génération suivante, après la génération dorée. » Enfin, le principal concerné aura beau clamer l’inverse en balançant que « l’ancienne génération n’est pas finie », il y a fort à penser qu’il a décidé de faire table rase du passé. Une ère plus naturelle démarre en Belgique, plus précieuse, peut-être moins lumineuse mais toujours aussi lourde. Une génération platine.
Par Matthieu Darbas