- Ligue 1
- J8
- PSG-Bordeaux (6-2)
La beauté du geste
Paris est trop fort pour la Ligue 1, c'est un fait devenu un peu plus incontestable après le 6-2 collé à Bordeaux. Une domination pas très drôle pour ceux qui aiment le suspense, mais qui régale les amateurs de beau spectacle.
André Gide l’avait prophétisé : choisir, c’est renoncer. Le genre de phrase après laquelle on s’attend à entendre un examinateur pète-sec du bac philo ajouter : « Vous pouvez commencer à écrire, vous avez quatre heures. » Les choix cornéliens sont toujours des moments compliqués, et seul Nelly a réussi à rendre agréable le concept du dilemme, bien aidé par la voix suave de Kelly Rowland. Car depuis fin août, les aficionados de la Ligue 1 sont dans une belle galère et font face à une question d’ampleur inédite : faut-il accepter de regarder Paris mettre à sac la Ligue 1 en admirant le spectacle offert par les gars d’Emery, ou bien se révolter et refuser de voir le championnat de France devenir une ligue à dix-neuf équipes ?
Que faut-il faire, rester les bras ballants et sacrifier le suspense sur l’autel du show, ou regretter le temps où l’inattendu avait encore une toute petite place ? À ceux qui juraient que l’arrivée des Qataris au Parc avait assassiné l’intérêt de la Ligue 1, Monaco avait répondu la saison dernière en levant les bras sur la ligne d’arrivée au nez et à la barbe du PSG. Un sacré pied de nez. Sauf que sous le soleil de juillet et d’août, les mauvaises nouvelles du front sont arrivées en pagaille. De son côté du champ de bataille, l’armée monégasque a connu une saignée immense. Dans la tranchée d’en face, celle de Paris a récupéré des Expendables sans foi ni loi. La suite était tristement prévisible, et la taule que vient de mettre Paris à Bordeaux n’est qu’une piqûre de rappel : le PSG est devenu trop gros pour tomber, du moins en Ligue 1.
Trop de buts tuent le but
C’est le principe du « Too big to fail » , qui voudrait qu’une fois qu’on est devenu démesurément gigantesque, on n’a plus rien à craindre. En regardant Neymar et ses gros bras carboniser les Girondins au Parc, on s’est dit que le temps du chassé-croisé avec Monaco et du suspense qui durait jusqu’à la saison où les feuilles repoussent était bien loin. Digne malgré la rouste, Jocelyn Gourvennec ne s’est pas planqué. Oui, la Ligue 1 est devenue un championnat à dix-neuf équipes, et les matchs contre Paris ne comptent que pour le gala : « Ce que ce match confirme, c’est que Paris est très au-dessus. Il faut qu’on oublie ce match. Je pense qu’ils seront très au-dessus cette année, ils se sont encore renforcés, ils ont deux joueurs galactiques, il y a un très gros écart. Je pense qu’ils peuvent faire une saison sans perdre. » Concernant les six buts que ses hommes ont encaissé, le coach s’est contenté d’une réponse Doliprane : « Ça fait mal au crâne. » Emery, lui, se faisait prendre en flagrant délit de gloutonnerie et confiait qu’il avait vu trop de buts pour se souvenir de tous : « Je ne me rappelle pas de comment ils sont. » Un problème qu’il risque de rencontrer souvent cette saison. Car son PSG a déjà rentré deux matchs à six pions et un à cinq en Ligue 1, et nous n’en sommes qu’à la huitième journée. Ce samedi après-midi, il a réduit en bouillie le troisième du championnat, la seule autre équipe invaincue depuis le début de la saison. Paris vient de montrer de façon violente à ceux qui en doutaient encore que l’intérêt sportif était six pieds sous terre. Reste une autre source de plaisir, l’amour du spectacle. Et là encore, c’est la douce Kelly Rowland qui en parle le mieux.
Par Alexandre Doskov, au Parc des Princes
Propos recueillis par AD