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Le Qatar à Manchester United : la peur de l'abandon pour la Ligue 1
Le Qatar désire acheter Manchester United. Et d’un coup, le foot français est traversé d’une sourde angoisse. Car si les Red Devils passent sous pavillon de l’émirat, le PSG risque de redevenir ordinaire, ce qu’il est déjà sur le terrain en ce moment, et d’obliger la Ligue 1 à prendre conscience de ce qu’elle pèse vraiment sur le Vieux Continent.
Au moins 4,5 milliards d’euros. Voilà l’offre que le Qatar serait prêt à mettre sur la table pour prendre le contrôle de Manchester United. Afin d’esquiver les contraintes de la FIFA et de l’UEFA, notamment l’interdiction pour un unique propriétaire de posséder deux clubs inscrits dans les mêmes compétitions continentales, l’investisseur ne sera pas cette fois le Qatar Investment Authority (QIA), actionnaire du Paris Saint-Germain. Cette fois, il s’agirait de l’œuvre de Hamad bin Jassim bin Jaber Al-Thani, qui a étudié au Royaume-Uni et qui serait « supporter de Manchester United ». La motivation qatarienne n’est guère contestable, ni que l’Émirat soit derrière la manœuvre : l’homme est le fils d’un ancien Premier ministre. Certes, la partie est loin d’être gagnée, on cite les noms de Jim Ratcliffe, président d’Ineos et plus grosse fortune de Grande-Bretagne, et même d’Elon Musk, voire des Saoudiens, dans la liste des prétendants à la succession des Glazer. Les noms peuvent donc changer, mais tout le monde sait que dans les deux cas, l’Émirat serait à la tête des deux entités. Et d’un coup, l’affaire dépasse le cadre d’une simple extension de l’empire de son soft power. Bien que disposant de fonds énormes, les Qataris vont être contraints d’opérer des choix entre leurs deux clubs phares. Celui de la ville lumière semblerait beaucoup moins resplendissant et risquerait de passer au second plan.
MU : Dream again
La Premier League est certes un objectif ancien dans la stratégie qatarienne, le lieu d’investissement par excellence sur l’échiquier du foot capitaliste mondialisé. Devenu une sorte de NBA du soccer, le championnat anglais engrange les plus grosses sommes, notamment en droits télé, surtout à l’étranger. Par ailleurs, une enseigne telle que Manchester United apporterait immédiatement une visibilité planétaire et médiatique qui n’est pas à construire, sans parler de ses millions de fans à travers le monde, soit autant de clients pour les maillots. En outre, acheter le blason porté fièrement par Cantona, Beckham et Ronaldo permettrait d’acquérir une belle maison dont l’armoire à trophées, notamment en C1, est déjà remplie. Une institution qui peut espérer, et non pas seulement rêver, en remporter d’autres. Les difficultés rencontrées dans le projet européen du PSG, dans lesquelles les Qataris portent une lourde responsabilité, ont dû par ailleurs conforter ces derniers dans leur volonté d’aller vers une « entreprise » qui dispose d’une « marque » prestigieuse et d’un savoir-faire indéniable. Le refus de la mairie de Paris de brader le Parc des Princes constitue dans ce cadre la dernière des raisons.
L1 : Dream smaller
Toutefois, pour le PSG, les effets pourraient se révéler terribles. Les Red Devils deviendraient forcément les principaux joyaux footballistiques des Qataris en Europe. Les flux financiers en matière d’achats de joueurs, de stars ou même simplement de talents prometteurs, risqueraient fortement de changer de centre de gravité. L’idée d’une vente du PSG demeure improbable, car les acheteurs seraient peu nombreux et sûrement peu généreux. Pour mémoire, les Glazer réclament 5,5 milliards pour céder ManU. Les conséquences pour la Ligue 1 pourraient se révéler tout aussi cruelles : un dur retour à la réalité d’un championnat qui se sentait surclassé à l’ombre de l’ogre économique parisien. La seconde C1 s’éloignerait encore davantage. Qui en effet dans le foot français actuel, y compris parmi les pensionnaires de Ligue 1 disposant de chéquiers étrangers (OL, OM, Nice, etc.) peu raisonnablement y prétendre ? En outre une normalisation du PSG, non plus seulement sportive comme en ce moment, mais également de statut (moins de Ballons d’or ou de champions du monde dans l’effectif) contraindrait forcément la LFP à réviser à la baisse ses prétentions en matière de droits télé, en particulier à l’international, où les chiffres frôlent le ridicule pour le moment. Il ne lui reste peut-être plus qu’à souhaiter le succès de l’action entamée par l’association Fair Rights auprès de l’UEFA, afin d’empêcher cette vente…
Par Nicolas Kssis-Martov