L1 – Mensah, le Noir et le Rouge

John Mensah est un warrior. Juste se rappeler le défenseur intraitable qu’il était à Rennes pendant les deux saisons passées et la place de choix qu’il occupe au sein de la défense des Black Stars du Ghana. Il a débarqué à Lyon à l’intersaison. Une destination maudite ? Pour l’instant, oui.

A peine débarqué à l’OL, il se fait une élongation au mollet le 28 juillet. Mauvais signe. Deux autres blessures viendront pourrir sa vie, les adducteurs en automne et une déchirure musculaire en janvier. La poisse ? Le stress ? Recruté pour jouer dans l’axe, le défenseur ghanéen dépanne à droite. Quand il joue. Parce qu’il est plus souvent remplaçant que titulaire. On est à Lyon, club français n°1 et les places sont très chères. Et puis il y a eu son interpellation musclée par la police lyonnaise, dans la nuit du dimanche 14 septembre. Les policiers l’auraient soupçonné d’avoir volé son véhicule, avant de le mettre à terre, de le menotter et de le placer en garde à vue jusqu’au lundi 11h. « Depuis que je suis en France, c’est le pire moment de ma vie. En tant que chrétien je suis supposé pardonner. C’est ce que j’ai fait même si c’est dur » , confie-t-il, plus profondément atteint qu’on ne le pense à cette période. Les blessures, la “bavure” policière et le stress de la concurrence expliqueront sans doute ses prestations en demi-teinte. Parce que John Mensah déçoit. Pas vraiment à la rue, mais la paire Cris-Boumsong s’installe petit à petit dans l’axe défensif lyonnais… John Mensah avait sûrement à coeur d’effacer cette série noire au moment où il était titularisé contre Le Havre, dimanche après-midi à Gerland…

C’était sans compter sur la connerie d’un pauvre type. Sifflets, insultes et cris de singe d’un “supporter” havrais dès l’échauffement, puis tout au long de la première mi-temps. Terriblement affecté, John perd son foot et demande à la mi-temps de ne pas reprendre la partie. Claude Puel, soutenu par Kader Keita, arrive à le convaincre de reprendre la partie. Grosse erreur psychologique que le coach lyonnais confessera avec honnêteté après le match. Parce que John Mensah dérape : trop perturbé, il est expulsé pour deux cartons jaunes sur deux fautes évitables (53e, 70e). Il rentre aux vestiaires dans un état plus que fébrile. Aussitôt averti, Jean-Michel Aulas a le geste juste (meilleur que lors de l’affaire Milan Baros contre M’Bia): il part illico retrouver son joueur pour le réconforter. John Mensah s’est confié à L’Equipe : « Je n’ai pas oublié cette histoire avec la police, je n’oublierai jamais, mais là, c’est différent. C’était sur un terrain de foot pendant que je faisais mon métier. J’ai entendu ces choses en première période. Ça venait de mon côté. C’est la première fois que cela m’arrive. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça. C’est un match de foot. Il m’a gâché mon métier. Après ça, je n’avais envie que d’une chose, retrouver mon pays, le Ghana. Oublier tout ça » . Quitter la France : voilà qui en disait long sur son état de détresse psychologique.

Alors ? D’abord, l’affaire est entre les mains de la justice. L’abruti havrais est passé aux aveux et subira certainement les foudres de la jurisprudence Ouaddou : l’“agresseur verbal” coupable d’insultes racistes à l’encontre du Marocain du FC Metz a écopé de trois mois de prison avec sursis et trois ans d’interdiction de stade. Mais se pose surtout la question de l’intervention à chaud quand de tels faits se produisent : que faire ? Arrêter le match, comme le préconise Michel Platini, président de l’UEFA ? Une suggestion radicale (qui n’a pas été actée par l’UEFA) et qui se veut plus coercitive qu’une simple amende et matchs à huis clos (cf. l’Altletico Madrid condamné par l’UEFA après le match de C1 contre l’OM) ou qu’un simple retrait de points aux équipes incriminées. Un retrait de points d’ailleurs inopérant en France puisque la saison passée, suite à l’affaire Ouaddou et Kébé, le FC Metz et Bastia, dans un premier temps condamnés à avoir un point en moins, s’étaient vus réintégrés dans leurs droits et la sanction de retrait annulée…

On peut éventuellement concevoir l’arrêt du match en cas de foule hostile et de comportements collectifs massifs de racisme, voire d’un “spectateur isolé”. Punir un stade entier et deux équipes à cause d’une meute ou d’un taré, why not. Mais c’est ouvrir la voie à toutes les provocations calculées : tels supporters mécontents de telle équipe menée au score et en danger au classement peut “faire interrompre” un match à sa guise. Certes… Les faits de racisme dans les stades sont rares. Mais ils existent. Alors si on tentait la “radicalité” quand même ? L’arrêt du match. En 2004, aux Pays-Bas, l’arbitre hollandais Mr.Temmink avait décidé d’arrêter la rencontre de championnat ADO La Haye – PSV Eindhoven parce que des supporters de La Haye avaient scandé des injures racistes. La fédération hollandaise avait donné victoire sur tapis vert pour le PSV Eindhoven. C’était aux Pays-Bas, petit pays, petit championnat…

Chérif Ghemmour