- C1
- 8es
- Bayern-PSG (2-0)
Mbappé, une autre histoire à raconter
À Munich, Kylian Mbappé est passé à côté de son match. Après six saisons de déceptions continentales avec le PSG, l'attaquant de 24 ans a peut-être besoin de changer d'air pour espérer remporter la Ligue des champions.
En l’espace de quatre jours, Kylian Mbappé est passé d’une soirée de rêve qui l’a vu entrer dans l’histoire du Paris Saint-Germain au Parc des Princes, où il a été célébré comme un roi par le public et son propre club, à une nouvelle désillusion continentale à l’Allianz Arena, où il n’aura été qu’une menace fantôme devant le Bayern Munich. Son nom planait au-dessus de ce huitième de finale contre le géant allemand, encore plus après son entrée en jeu pour une vingtaine de minutes à l’aller, mais il n’aura fait que planer, ce mercredi soir. Il faudra encore patienter un an, deux ans, ou peut-être un peu plus pour voir le meilleur joueur français du moment – voire le meilleur joueur du monde tout court, parfois – remporter la Ligue des champions, le seul trophée qui compte vraiment dans le football de clubs quand on veut être le plus grand. Aujourd’hui plus que jamais, après six saisons et autant de déceptions, rien n’indique ou ne laisse espérer que Mbappé pourra réaliser ce rêve au PSG. Pour l’international français, l’heure est peut-être venue d’aller écrire l’histoire de son sport ailleurs.
Au PSG, le tourbillon des déceptions
Le numéro 7 parisien n‘a cette fois pas été trop grand pour son équipe, comme cela arrive souvent, il s’est simplement mis à sa hauteur, restant impuissant à force d’être parfaitement muselé par une défense bavaroise préparée à l’ouragan Mbappé et admirable tout au long de la partie. Il n’a ainsi tiré que deux fois, n’a réussi aucun dribble ni remporté aucun duel, et a perdu 12 ballons, dans l’un de ses pires matchs depuis bien longtemps sous la tunique parisienne. La preuve que l’attaquant n’est pas un extraterrestre, ou en tout cas pas encore, et qu’il peut lui aussi passer à côté d’un match. Ce n‘est d’ailleurs pas une première à ce niveau depuis son arrivée au PSG : il était également resté muet dans la double confrontation contre le Real Madrid en 2018 ; il avait beaucoup raté face à Manchester United en 2019 ; et il avait laissé l’image de son énorme occasion manquée devant Manuel Neuer en finale contre le Bayern Munich en 2020.
Ces dernières années, il avait gagné en importance dans ces grands rendez-vous, signant un triplé au Camp Nou et un doublé à Munich en 2021, avant d’entretenir la flamme en marquant lors des deux rencontres face au Real la saison suivante. Ces belles consolations ne peuvent pas suffire à Mbappé, qui n’a vu plus loin que les huitièmes qu’à deux reprises en six participations avec Paris (dont le Final 8 sans format aller-retour en quarts et en demies) et facture 9 buts et 3 passes décisives dans ces matchs couperets (18) sur la scène européenne avec le club de la capitale. Ce qui ne ressemble pas à une immense révolution ni à une grande progression à côté de ses 6 réalisations en 6 rencontres avec Monaco en 2016-2017, à une époque où le monde du foot découvrait le talent de ce gamin de 18 ans, dont la première déception en Ligue des champions était de la quitter en demi-finales. Une autre époque, vraiment.
L’herbe est peut-être plus verte ailleurs
« Sans manquer de respect au PSG, si j‘avais lié mon avenir à la Ligue des champions, je serai parti très loin », avait-il souri ce week-end après le succès contre Nantes. À Munich, il est revenu en zone mixte, où il ne se présente jamais pour ne rien dire, pour faire passer un message : « Il n’a pas manqué grand-chose. Quand on regarde l’état des deux équipes, ils ont une équipe bâtie pour gagner la Ligue des champions. En début de saison, lors de la première conférence de presse de C1, j’ai dit qu’on allait faire notre maximum. Nous, notre maximum, c’est ça. On va se remettre en question et retourner à notre quotidien du championnat. » Il fallait être naïf pour penser que tout pouvait changer et que le club parisien apprendrait de ses erreurs l‘été dernier ; il faudrait encore l‘être un peu plus pour y croire encore après cette énième déconvenue. Mbappé veut-il être la tête de gondole d’un projet où le sportif passe trop souvent au second plan, derrière le marketing et la vente de maillots sur le continent asiatique ? Combien de temps le champion du monde devra-t-il attendre pour que ce club ressemble enfin à un club de foot, où les coachs peuvent travailler et les joueurs progresser au sein d’un collectif ? Personne ne gagne une Ligue des champions tout seul, pas même Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo à leur grande époque.
L’envie du Français « d’écrire l’histoire en France, dans la capitale, dans [son] pays, dans [sa] ville », comme il l’a répété samedi soir, a quelque chose de romantique et de louable : il veut être celui qui ramène la première coupe d’Europe dans l’Hexagone depuis près de trois décennies, faire ce que ses illustres prédécesseurs (Just Fontaine, Michel Platini, Zinédine Zidane), si on veut le comparer aux légendes, n’ont jamais fait. Être un héros français absolu, s’il ne l’est pas déjà depuis cet hiver. La meilleure idée serait peut-être de marcher dans leurs pas pour les rejoindre un jour au panthéon. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour la Ligue 1 de perdre Mbappé, comme ce serait une perspective excitante pour lui de la quitter après 7 saisons bien remplies, avec des trophées et des statistiques impressionnantes (153 buts, 65 passes décisives en 205 matchs). Un autre cadre, un autre environnement et une institution plus forte, au Real Madrid ou ailleurs, pourraient lui permettre de se donner de nouvelles chances d‘atteindre le Graal. Messi avait 17 ans quand il a remporté sa première Ligue des champions, Cristiano Ronaldo en avait 24, et Zidane, lui, en avait 30. Il n‘y a pas d’âge pour se faire une belle place dans l’histoire, mais Mbappé aspire à tout faire plus vite et mieux que les autres. Et là, le temps presse.
Par Clément Gavard