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Kylian Mbappé : une affaire d’État ?
Emmanuel Macron aurait expressément demandé à Kylian Mbappé de rester au PSG. Voici une rumeur lancée par El Mundo qui démontre à quel point le joueur est en train de changer de dimension, prenant des allures de trésor national. Peu importe que l’info soit vraie ou vérifiable : le plus significatif reste qu’elle soit crédible et qu’on puisse simplement y croire.
On s’imagine tous la scène : en déplacement en région ou entre deux rendez-vous autour de la crise ukrainienne, le président de la République aurait décroché son téléphone pour tenter de persuader le Kylian Mbappé de rester sous le maillot de la capitale (française). Une telle info devrait faire sourire ou relever du canular, dans l’absolu. Mais malheureusement, ce qui la rend plausible, sinon probable, n’est ni la stature du joueur concerné, ni le timing dans laquelle elle déboule – après un but dans le temps additionnel pour délivrer le PSG face au Real -, mais bien qu’elle s’inscrit parfaitement dans le storytelling qu’Emmanuel Macron a toujours construit autour du football.
Le sport numéro 1 dans le cœur des Français, notamment d’une jeunesse issue des milieux populaires et de la diversité, s’avère pour le président un outil inestimable afin de corriger son image. Le ballon rond permet au « Jupiter » de réduire cette distance qui s’est établie avec les Français au cours de son quinquennat. On se souvient de la grande opération de communication 2.0 avec les Youtubeurs McFly et Carlito, avec en point d’orgue ce fameux coup de fil pour demander au même Mbappé de venir à l’OM (dont le chef de l’État se dit supporter). Depuis, Emmanuel Macron lui avait même écrit une très belle lettre dans les colonnes de L’Équipe, lui déclarant poétiquement sa flamme et le présentant quasiment comme un modèle de la France à laquelle il croit, « le regard vers les étoiles, mais la tête sur les épaules ». En embrigadant en quelque sorte l’enfant de banlieue et de la double immigration (algérienne et camerounaise) qui s’était en outre exprimé au sujet des violences policières, il s’agit avant d’entrer en campagne de contrebalancer la présence au gouvernement de Darmanin tout en se posant face à Zemmour et Le Pen.
Macron, agent spécial
Avec ce contexte et ces obligations en toile de fond, cela rendrait plus que logique ce petit coup de pression afin de pousser Kylian à ne pas s’expatrier. Il y a un trésor national à garder dans l’Hexagone, et l’opération s’avèrerait d’un bénéfice total. À un tel point qu’on peut se demander si l’Élysée n’aurait pas fait fuiter volontairement cette information. D’une part, cela met Macron dans la position du président de tous les Français, quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau ou leur club de cœur, en flattant leur orgueil et en donnant l’impression de se préoccuper de la « grandeur du pays » . Peu importe l’issue de ce dossier, les on-dit suffisent. Le président marcheur s’intéresse à ce qui intéresse le (bas) peuple. De plus, son intervention pourrait être considérée comme un petit coup de pouce envers le propriétaire du PSG, le Qatar, un partenaire politique et économique non négligeable pour la France.
C’est d’ailleurs en la matière qu’intervient aussi un revenant, sûrement soucieux de se rappeler au bon souvenir de nos compatriotes : Nicolas Sarkozy. Ultra de la corbeille du Parc des Princes, l’ancien président avait pesé de tout son poids d’alors dans l’arrivée des Qataris (sans parler de son action en faveur de l’attribution de la Coupe du monde 2022 à l’émirat, qui lui vaut aujourd’hui quelques menus ennuis avec la justice). Or il serait lui également intervenu pour murmurer à l’oreille de la star parisienne une douce mélopée patriotique et parisienne. Toutes ces manœuvres en coulisses, opportunément rendues publiques, témoignent en tout cas une fois de plus du rôle et de la place à part qu’occupe désormais le football, y compris en politique. Aux joueurs de savoir quoi faire de ce pouvoir qui se trouve désormais déposé entre leurs mains. Fabien Roussel, fidèle héritier du « Produisons français » de Georges Marchais, n’a en tout cas pour l’instant pas essayé de joindre ce fils de l’ancienne « Banlieue rouge » . Ou il a dû tomber sur sa messagerie…
Par Nicolas Kssis-Martov