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Kylian Mbappé, la petite histoire dans la grande
Après avoir fait le show en conférence de presse dimanche, Kylian Mbappé est attendu sur le terrain face à l'Allemagne, ce mardi soir. Pour continuer à écrire l'histoire des Bleus et la sienne, mais aussi pour assumer son nouveau statut trois ans après s'être révélé aux yeux du monde en Russie sous le maillot tricolore.
En attendant de retrouver le terrain et l’Allemagne pour lancer la deuxième compétition internationale de sa carrière, Kylian Mbappé a rappelé ce week-end qu’il était aussi à l’aise face à la presse qu’avec un ballon de foot. Si l’attaquant de 22 ans avait choisi d’enchaîner des banalités lors de l’interview accordée récemment à TF1 ou au cours d’une discussion sans grand intérêt avec Thomas Pesquet, il a rangé ses poncifs à l’approche de l’entrée des Bleus dans l’Euro. Au lendemain de la publication d’un long et bel entretien dans France Football, Mbappé n’a éludé aucune question (sauf celles sur le PSG, et encore) dans la salle de presse de Clairefontaine, et n’a pas caché que les propos de son coéquipier Olivier Giroud après le match contre la Bulgarie l’avaient « affecté ». Une scène qui en rappellerait presque une autre : le 13 juin 2018, à trois jours de France-Australie, le jeune Mbappé, 19 ans, était venu au centre des médias d’Istra une casquette FFF vissée sur le crâne pour désamorcer une petite tension après un tacle virulent d’Adil Rami à l’entraînement. « Il est un peu en retard, certes, mais il n’y a rien de méchant, avait-il balayé. C’est pour ça que j’ai voulu dégonfler tout de suite pour que ça ne prenne pas trop d’importance. La sélection est une équipe très médiatisée, on sait que nos moindres faits et gestes vont être repris. » En 2021, rien n’a changé.
Un ego sous contrôle ?
Trois ans plus tard jour pour jour, le champion du monde, dont le visage n’est plus aussi juvénile, a maîtrisé son sujet (peut-être même un peu trop) pendant que le monde du sport avait les yeux rivés sur Angleterre-Croatie ou le spectaculaire Djokovic-Tsitsipás. Après le coup droit surprise de son copain Giroud mardi — précisons que celui-ci n’avait cité aucun nom —, Mbappé a répondu d’un revers malicieux à froid, réduisant sa bisbille avec l’attaquant de Chelsea à une « petite broutille » et un « micro-épisode » sans pour autant masquer son agacement d’avoir « appris ça dans la presse ». « Neymar touche 150 ballons par match, Benzema 80 et Giroud beaucoup moins, c’est sûr que je fais moins de passes à Olivier, mais ça ne veut pas dire que je ne le regarde plus, a lâché Mbappé pour répondre à la question d’un journaliste exprimant le sentiment que la star parisienne avait tendance à jouer plus facilement avec son pote brésilien ou KB19. C’est un peu malsain parce qu’on essaye de dire des choses sans les dire. En gros, tu sous-entends que je ne veux pas faire de passes à Giroud ? Ça se respecte, mais moi, je te dis que ce sont des profils différents. » Et l’argument peut s’entendre : dire que Benzema est plus mobile que Giroud n’est pas un blasphème, mais un simple constat.
Reste que Mbappé est peut-être le seul à sortir du cadre dans une équipe de France où rien ne doit jamais dépasser et où aucune individualité ne doit se placer au-dessus du fameux « groupe » cher à Didier Deschamps. Paul Pogba est moins foufou qu’à une époque, Antoine Griezmann n’a aucun mal à s’effacer pour laisser briller les autres (cf. la Coupe du monde 2018), et si Karim Benzema prend logiquement de la place depuis son retour en sélection, il se fait petit, discret et humble à souhait à chacune de ses apparitions médiatiques, alors que son sens du collectif sur le terrain est connu de tous. Celui qui dit courir « après l’histoire » met rarement ses ambitions personnelles de côté, comme si celles-ci pouvaient l’aider à accomplir les plus grandes prouesses collectives. Entre deux questions sur Giroud, la flèche de Bondy s’est permis d’entretenir le flou sur la hiérarchie des tireurs de penaltys chez les Bleus, alors que Griezmann s’était proclamé numéro un la veille. Un nouveau départ de feu ? Pas encore, mais Deschamps connaît le défi avec un garçon comme Mbappé : réussir à canaliser l’ego de sa pépite pour éviter les étincelles.
Mbappé et le temps qui court
Le meilleur artilleur de Ligue 1 depuis trois ans sait que sa communication mi-agaçante, mi-intelligente ne sera jamais plus importante que la vérité du terrain, une formule qu’il n’a cessé de répéter ce dimanche après-midi. À 22 ans, Mbappé sait que son statut a changé et qu’il ne peut pas passer à côté de son Euro. « En 2018, c’était ma première compétition, c’était le moment de confirmer et de mettre les pieds dans le grand monde, a-t-il rembobiné. Depuis, j’ai fait trois saisons pleines, j’ai gagné pas mal de titres collectifs et individuels, mais il ne faut jamais s’isoler du collectif pour continuer et confirmer. » Le Parisien ne veut pas se cacher ni anticiper l’échec : dans la vie de Mbappé, il n’y a de la place que pour la victoire et la réussite. Le record de nombre de buts marqués dans un Euro détenu par Michel Platini ? « Neuf buts, c’est beaucoup, mais on dit toujours que les records sont faits pour être battus. » Sa marge de progression dans le jeu ? « Je sais que je ne suis pas le plus irréprochable défensivement. » Et la vérité du terrain, tiens : 159 buts et 77 passes décisives en Ligue 1, des titres à la pelle, 17 caramels et 14 caviars en 44 sélections. Puis, cette question : cet homme-là est-il parti pour marquer l’histoire de son sport ? « Moi, je n’ai pas envie de perdre mon temps, déroulait Mbappé dans France Football. Je ne me place jamais dans un temps « normal », car je sais que je crée sans arrêt « mon » temps à moi, puisque je vais plus vite que les autres. J’ai appris à me créer cette bulle temporelle un peu spéciale parce que je suis différent, mais sans me mettre non plus à l’écart de l’équipe. » Dans un autre contexte et un autre registre, Mbappé a (encore) rendez-vous avec son histoire personnelle à travers celle des Bleus. Et maintenant, place à la vérité du terrain.
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : Retrouvez notre pronostic France – Allemagne sur le 1er match des Bleus dans cet Euro !Par Clément Gavard