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Kylian Mbappé : « Être capitaine, c’est avant tout un kif »
Pour sa première apparition en tant que capitaine des Bleus, Kylian Mbappé a déclenché des vouvoiements et renvoyé des réponses à son image : directes et maîtrisées. Une nouvelle ère s'ouvre.
Qu’est-ce qu’un bon capitaine selon vous ?
Un bon capitaine, c’est quelqu’un qui est avant tout tourné vers l’équipe, quelqu’un qui est capable d’être rassembleur, fédérateur et qui est capable d’emmener les autres dans son sillage.
Quel type de capitaine voulez-vous être ?
Je pense qu’il y a des fondamentaux qu’il n’est pas possible de bouger, mais c’est en fonction de la possibilité de chacun. Chacun est le capitaine qu’il pense être. Moi, j’ai envie d’être tourné vers les autres. Je n’ai pas une grande expérience dans le capitanat, je sais qu’on a des joueurs importants dans l’équipe, donc je n’ai pas envie d’imposer. J’ai envie d’ouvrir aux autres la possibilité de s’exprimer. Je pense qu’on est un groupe uni. On a montré lors de nos grandes performances que chacun avait sa place. Ça serait une erreur de bouleverser tout ça.
Qu’est-ce qui vous fait dire que vous êtes une personne fédératrice ? Comment on se transforme pour le devenir ?
Je ne vais pas me transformer, déjà, mais je pense que j’ai une parole qui est quand même écoutée dans le vestiaire. Il suffit de la prendre à bon escient et de l’utiliser de la meilleure des façons. Il faut penser au collectif, faire en sorte que tout le monde soit tourné vers le même objectif, qu’il n’y ait pas un décalage entre moi et mes coéquipiers, qu’on soit unis.
Est-ce que ça va vous forcer à plus défendre, pour montrer l’exemple ?
Défendre, c’est une question d’organisation. C’est en fonction de ce que me demande l’entraîneur, et je ferai toujours ce que me demande l’entraîneur. S’il me demande d’aller au but, je vais au but ; s’il me demande de sortir, je sors ; s’il me demande de défendre, je défends.
Antoine Griezmann était assez déçu de ne pas devenir le nouveau capitaine. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ? Quels autres joueurs peuvent vous accompagner au niveau du leadership ?
J’ai parlé avec Antoine parce qu’il est déçu. Honnêtement, c’est compréhensible. C’est une réaction qui s’entend, et à sa place, j’aurais pu avoir la même. Il a 32 ans, il a passé 10 ans en équipe de France. C’est un joueur plus qu’important, si ce n’est le plus important de l’ère Didier Deschamps, c’est normal d’avoir cette déception. Mais je lui ai dit que je n’étais pas son supérieur hiérarchique. Il a une expérience en équipe de France que je n’ai pas. Il y est arrivé quand j’étais encore au centre de formation. C’est quelqu’un d’estimé et aimé de tout le groupe. Ce serait donc dommage de ne pas bénéficier de son expérience et de sa joie de vivre, parce que c’est quelqu’un de joyeux. Bien sûr qu’on va être lui et moi main dans la main pour essayer de faire régner cette équipe de France au niveau européen et mondial. Ce n’est pas moi devant, lui derrière. S’il a quelque chose à dire devant le groupe, même moi je m’assois et j’écoute. Et qui va m’accompagner ? Il ne faut fermer la porte à personne, chacun est libre de s’exprimer dans ce groupe, l’équipe de France n’appartient à personne.
Qu’est-ce que ça vous a fait quand Didier Deschamps vous a annoncé la nouvelle ?
En mettant de côté tout ce qui est responsabilité, joueurs et tout le tralala, avant tout c’est un kif ! Je suis capitaine de mon pays ! C’est quelque chose qu’on ne peut pas éluder. Moi, j’étais très content quand il me l’a annoncé, mais quand on laisse passer cette joie, cette émotion, c’est une nouvelle responsabilité. Je vais l’assumer naturellement et ne pas me mettre de pression. Ça ne va pas changer ma manière de jouer. Peut-être celle de me comporter parce qu’il faut être encore plus tourné vers les autres, mais je vais affronter cette épreuve avec bienveillance et positivité.
Cette nomination a amené beaucoup de commentaires, d’anciens joueurs affirmant que vous allez changer en vous tournant plus vers le collectif, en sous-entendant que vous véhiculez une image d’un joueur égoïste.
Je ne comprends pas, mais j’accepte. C’est la vie d’un joueur de haut niveau qui est ultramédiatisé. Les gens jugent sans être à l’intérieur, mais je n’ai pas de problème avec ça. Ceux qui ont joué avec moi savent que ma première obsession est de gagner, mais je ne gagne pas tout seul, je gagne avec l’équipe. Après un attaquant, on va toujours trouver un moyen de dire qu’il est égoïste, mais c’est normal. Il faut laisser couler ces critiques.
Vos prises de position sur le racisme, le droit à l’image, sur Noël Le Graët, ont eu une énorme influence. Est-ce qu’en tant que capitaine, vous comptez avoir la même liberté de parole ?
Je peux vous poser une question ? Pourquoi voulez-vous que ça change ?
Parce que le rôle de capitaine est aussi celui de diplomate, en équipe de France.
Qui l’a dit ?
La tradition, Hugo Lloris aussi, qui a été un capitaine qui mettait beaucoup les formes…
Oui, mais chacun est un capitaine en fonction de sa personnalité. Je ne suis pas comme Hugo, et Hugo n’est pas comme moi. Je serai un capitaine différent. Je ne pense pas que le coach m’a mis capitaine pour que je fasse exactement comme Hugo. Ou peut-être que je me trompe.
Votre tweet sur Noël Le Graët a fait du bruit. Avez-vous conscience du bruit que ça fait ? Que vous inspire sa démission de la présidence de la FFF ?
Que mes paroles fassent grand bruit, oui je le sais. C’est aussi pour ça que je me suis exprimé. Après, ce que je pense de sa démission ? Rien. Il a démissionné, il faut le remercier pour ce qu’il a fait parce qu’il n’a pas fait que des choses négatives, mais maintenant, il ne fait plus partie de l’actualité de l’équipe de France et de la FFF.
L’exercice des conférences de presse, souvent réservé aux capitaines, est quelque chose qui vous plaît ou qui vous embête ?
Ça dépend des jours, mais on va me voir un peu plus souvent. Je veux être un capitaine qui laisse la place à toute l’équipe, donc je ne vais pas monopoliser tout l’espace médiatique de l’équipe de France. Il faudra laisser de la place aux autres. C’est comme ça que l’équipe de France a régné, quand tout le monde a su trouver sa place. Je ne pense pas venir parler à la presse avant tous les matchs. Je sais la résonance que ça peut avoir, et chaque joueur dans cette équipe doit avoir sa place.
Qu’est-ce que ça fait d’être le leader de cette génération talentueuse ?
C’est un plaisir, déjà en tant que joueur, de jouer avec des joueurs de qualité. La vie est beaucoup plus simple quand vous jouez dans une bonne équipe. En tant que leader, c’est facile parce que ce sont des gens qui comprennent vite. Je ne pense pas que j’ai besoin de répéter 70 fois les choses, ils le savent avant même que vous parliez. Ils jouent dans les meilleurs clubs du monde.
Y a-t-il eu une réflexion avant d’accepter le poste ? Est-ce que c’était une envie ?
La réflexion est difficile à avoir parce que quand le sélectionneur vient vous voir pour le demander, même si tu veux réfléchir, ta bouche va dire oui toute seule. Mais sincèrement, les mois qui ont précédé, je ne pensais pas que je serai capitaine. Je n’y pensais pas du tout. On a échangé lundi avec le sélectionneur, il m’a demandé si je voulais devenir le capitaine, j’ai dit oui. J’en suis très content et je vais devoir m’adapter à ce nouveau rôle.
Il y a quelques semaines, des joueuses de l’équipe de France se sont retirées pour demander le départ de Corinne Diacre. Que pensez-vous de cet épisode ?
J’ai échangé brièvement avec Wendie Renard aux The Best Awards, parce que je ne savais pas grand-chose. Elles avaient leurs raisons. Certains vont penser que la forme était peut-être déplacée, mais il faut les comprendre aussi. Elles ont eu ce qu’elles ont demandé et c’est à elles de revenir. Ce sont des joueuses importantes, elles ont une Coupe du monde à jouer, on va les soutenir.
Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Saint-Denis
Propos recueillis en conférence de presse