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Kyky parisien
Trois, deux, un, zéro... Et top, fin des rumeurs, Kylian Mbappé est parisien ! Une nouvelle qui rend le mercato du PSG encore plus dingue qu'il ne l'était déjà, mais qui amène surtout beaucoup de questions. Alors, Mbappé à Paris, coup de génie ou coup de folie ?
Pierre Sled en aurait lâché son micro. Perché sur ses patins à roulettes, Taïg Khris aurait sans doute eu du mal à garder son équilibre. Décamètre à la main et casquette vissée sur son crâne chauve, Barry White aurait écarquillé les yeux, puis bégayé avant de rendre le verdict : « Le record… n’est pas battu ! » L’émission L’été de tous les records nous manque, et aurait eu du boulot si elle avait dû commenter le mercato du PSG. Et en effet, le record n’est pas battu. 180 millions d’euros – et quelques bonus qui traînent par-ci par-là –, c’est 42 millions d’euros de moins que le transfert qui vient de prendre place dans le Guinness Book. À la rigueur, Mbappé peut se targuer d’avoir battu, d’avoir ravagé même, le record de la transaction la plus chère réalisée entre clubs français. Une médaille d’or qui pendait jusqu’à présent autour du joli cou de Yoann Gourcuff, envoyé de Bordeaux à Lyon pour environ 26 millions de pièces sonnantes et trébuchantes il y a quelques années. Mais le PSG s’en tape. Nasser a désormais deux de ses joueurs sur les deux premières marches du podium des footballeurs les plus chers du monde, et l’attaque Neymar-Cavani-Mbappé qui se profile fait peur, même aux supporters parisiens qui se demandent encore si tout ça est bien réel. Sauf qu’une fois que l’effet de surprise, l’état de grâce et la sensation de vivre un rêve seront retombés, il restera les considérations terre à terre, les questions d’ordre rationnel : Mbappé à Paris, pour quoi faire ? Pour jouer où ? Comment ?
Unai Emeriche
Envoyer Mbappé à Paris, c’est d’abord respecter le choix de Kyky. Le bonhomme de Bondy voulait rentrer sur ses terres, revenir dans son fief, retrouver les bras de cette région parisienne qu’il a quitté à même pas quinze ans. Et si au passage ça permet de jouer avec Neymar, Verratti et le reste de la bande, et de se mettre un salaire à huit chiffres par an dans les poches, eh bien tant mieux. Le paradoxe, c’est que sportivement parlant, Mbappé vient entouré d’un flou qu’Emery va devoir rapidement dissiper. Le PSG avait-il besoin d’un attaquant alors qu’il a Draxler, Lo Celso, Guedes, Lucas et Di María dans le placard ? Mbappé s’adaptera-t-il à une attaque à trois dans laquelle il est condamné à occuper le côté droit ? Rapide, dribbleur et pas avare quand il s’agit de cavaler, le wonder boy devrait trouver ses marques. Mais il reste un attaquant habitué à jouer dans un système à deux attaquants, et les quelques tentatives de Deschamps de lui offrir le côté d’un trident offensif – contre l’Espagne par exemple – ont été moyennement convaincantes. Quelques mois plus tard, Kylian enverra sa meilleure prestation internationale contre l’Angleterre alors qu’il démarrait en pointe à côté de Giroud. Personne ne plaindra Unai Emery, cet homme qui est devenu en deux mois l’incarnation vivante et gominée de l’expression « problèmes de riches » . Mais l’Espagnol a plutôt intérêt à passer du temps au laboratoire et à y être efficace s’il veut trouver la bonne formule.
Un pas fait à temps en vaut cent
Dans l’œil du cyclone, Mbappé a même montré une belle sérénité en ne faisant aucun commentaire désobligeant en public. Il y a certes eu quelques signes d’agacement et même des frictions, mais au pire Kyky a agi comme un môme de dix-huit ans un peu dépassé par les événements et il est difficile de lui en vouloir. À l’heure actuelle et vu la foire qu’est devenu le marché des transferts, sa valeur répond à une certaine logique. Comparé à ceux de Neymar, de Dembélé, ou si on se fie aux rumeurs qui collent à Coutinho une étiquette à 130 millions dans le dos, le prix de Mbappé est presque cohérent. Sauf que dans un an, quand Paris passera à la caisse pour boucler la transaction et lâcher les 180 millions de l’option d’achat obligatoire, il s’agira peut-être d’une autre paire de manches. Il suffit que Mbappé soit moins convaincant que prévu ou que Paris se soit craqué en championnat ou en Ligue des champions pour qu’on balance à la face du PSG des torrents de commentaires moqueurs. Le nez dans sa bêtise, Paris ne pourra que ruminer sur ce qui devait être un coup de génie et qui se sera transformé en un coup de folie. Et cent fois plus qu’avec Neymar, joueur de vingt-cinq ans déjà vainqueur de la C1 et établi dans le paysage des meilleurs joueurs de la planète, le risque d’un pari raté existe avec Mbappé. L’ancien de Monaco reste un gamin de dix-huit ans qui a été titulaire moins de vingt fois en Ligue 1 depuis le début de sa carrière, et qui a six mois de très haut niveau dans les pattes. Suffisant pour que le PSG fonce en craignant que l’occasion ne se présente plus jamais, et en se disant qu’un pas fait à temps en vaut cent.
Par Alexandre Doskov