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Kristinsson, law and order
Pris au dépourvu par la qualification de l’Islande, le portier Ögmundur Kristinsson a dû avancer la date de son mariage qu’il avait prévu pendant l’Euro. Pas un problème pour cet avocat de formation, toujours un atout dans la manche.
Cela faisait des mois qu’ils y pensaient. Tant de questions auxquelles répondre : intimiste ou grandiose ? Bois ou moderne ? Quelle police pour les invitations ? Des dragées ? Les vœux ? La robe ? Canard ou poisson ? Groupe ou DJ ? Interdiction des powerpoint ? La première danse ? À quel table mettre la grande-tante pénible ? Le photographe ? Avec qui caser la demoiselle d’honneur célibattante ? Mairie, religieux, les deux ? Un mariage, c’est forcément beaucoup de casse-tête. Et c’est encore pire quand le football s’en mêle. Ögmundur Kristinsson et Sandra Steinarsdóttir devaient se passer la bague au doigt en juillet. C’était sans compter sur la grosse forme de la sélection islandaise, qualifiée surprise pour l’Euro, dont Monsieur défend parfois les cages. Alors Ögmundur et Sandra ont tout recommencé à zéro, avançant la date prévue de près de six mois. Même s’il n’était pas encore sûr d’être dans le groupe pour la compétition, il ne voulait certainement pas faire comme Vardy et devoir rater quoi que ce soit. « On avait décidé de tout il y a longtemps et on n’avait pas encore pensé à cette possibilité, expliquait Ögmundur l’hiver dernier. Néanmoins, on est maintenant préparés à ce changement, parce que vous voulez avoir une marge de sécurité et ne pas être dérangé si la situation se présente. »
Maître
Ögmundur a toujours été un homme prévoyant. Sachant que le football est un métier des plus volatiles, ce fan de Drake n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier. Là où certains se contentent d’un bac et sont considérés comme des intellectuels, lui est carrément allé chercher une thèse de droit parallèlement à sa carrière. Rien que ça. Évidemment, ladite thèse porte sur les deux passions du portier : football et prévoyance. Elle s’intitule : « Évaluation des blessures des athlètes et questions juridiques » . On résume : « Le principal objectif de cette thèse est de clarifier les droits légaux d’un sportif à une compensation calculée sur la base des dommages. » En gros, Ögmundur souhaite clarifier les compensations auxquelles les footballeurs (et les handballeurs, solidarité entre mecs gantés sans doute) peuvent avoir droit en cas de blessures incapacitantes. Il avance notamment que « l’évaluation d’un handicap permanent doit considérer les super salaires qui accompagnent souvent le sport professionnel, une carrière professionnelle courte et en conséquence entraîne des pertes financières importantes » . Il explique aussi que les assurances prennent souvent en compte les pertes à court terme, mais négligent les gains potentiels à long terme. Et il conclut que les athlètes doivent être mieux informés de leurs droits légaux.
Des barres et des barreaux
Présentée en mai 2012 à l’université de Reykjavík, cette thèse permet à Ögmundur d’envisager sereinement l’avenir. Au pire, il se blesse, et ses droits ont été clarifiés. Au mieux, il finit tranquillement sa carrière, et fonde un cabinet avec sa femme. Eh oui, Sandra est elle aussi avocate, ayant fréquenté la même université. Un couple un peu trop parfait. En attendant, Ögmundur a un Euro à disputer. Enfin, à regarder, lui qui n’est que la doublure d’Hannes Halldórsson, comme il l’était à ses débuts à Fram. Pourtant, Ögmundur est loin d’être un branque, souvent cité en exemple en Suède, où il défend les couleurs d’Hammarby depuis l’été dernier. Au pire, il pourrait toujours se replonger dans la lecture de son livre préféré, Les Lois et la Loi, un ouvrage islandais sur les relations fondamentales qui existent au sein de la société, mêlant droit, philosophie, théologie, histoire, sociologie, science politique et psychologie. Une bonne tête.
Par Charles Lafon