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Krépin Diatta, les pieds en or de l’AS Monaco

Par Maxime Renaudet
8 minutes
Krépin Diatta, les pieds en or de l’AS Monaco

Alors qu'il a soufflé ce jeudi ses 22 bougies, Krépin Diatta est encore un illustre inconnu en Ligue 1. Mais que les choses soient claires : l'international sénégalais, que Monaco a acheté cet hiver à Bruges, est bel et bien l'homme qui va égayer vos prochains mois.

26 juin 2019 : le Sénégal remporte le premier match de sa Coupe d’Afrique des nations face à la Tanzanie sur le score de 2 à 0. Le héros des Lions de la Téranga ne s’appelle pas Sadio Mané – suspendu pour l’occasion – mais Krépin Diatta, auteur du deuxième but et qui repart avec un trophée d’homme du match largement mérité. Le jeune joueur découvre brutalement le revers de la médaille sur les réseaux sociaux, quelques imbéciles se moquant de son faciès. Parmi eux, le chanteur ivoirien de coupé-décalé, Serge Beynaud, ou encore l’influenceuse Nora Pinging, lynchée après avoir écrit qu’elle n’accepterait jamais d’épouser une grenouille comme lui, même contre 50 millions de dollars. Le lendemain, les rumeurs fusent dans la presse, à commencer par le faux message de soutien de Didier Drogba, ou la prétendue tentative de suicide du joueur. Mais il en faut plus pour déstabiliser Krépin, qui sera élu meilleur jeune de la compétition malgré la défaite en finale contre l’Algérie. Là où d’autres auraient vu en cette épreuve une montagne, Krépin Diatta, lui, n’a gravi qu’un dos-d’âne.

Quand j’ai décidé d’appeler au stade pour signaler qu’on avait eu un accident et qu’on ne pouvait pas jouer le match, c’est Krépin qui m’a dit : « Coach non, on va jouer. »

Sa spécialité ? Le corner direct

C’est à Ziguinchor, en Casamance, région la plus catholique du Sénégal, que Krépin Diatta est né. Son prénom n’est autre que celui du saint-patron des cordonniers, qui concevait gratuitement des chaussures pour les pauvres. Un talent manuel que la famille Diatta ne possédait pas. « Nos moyens étaient très limités. Nous n’avions pas assez d’argent pour acheter des chaussures à Krépin. Il jouait pieds nus ou avec des sandales déchirées », détaille son frère Yvon, à l’hebdomadaire belge Sport/Foot Magazine. Cet accoutrement ne l’empêche pas d’être au-dessus du lot, même si son père, enseignant de métier, l’imagine plutôt fonctionnaire. Convaincu par Nfally Diassy – alias Briegel – de laisser jouer son fils, Joseph Diatta accepte que le fiston rejoigne l’école de football du quartier. Puis l’ASC Gouy Gui, qui évolue dans les Navétanes, ces championnats informels organisés en marge des compétitions officielles. S’il se fait remarquer par ses corners directs et son aisance balle au pied, il marque aussi ses éducateurs par son leadership et son don de soi. Comme le jour où le bus de son équipe tombe en panne alors qu’elle va jouer une demi-finale de coupe. « Quand j’ai décidé d’appeler l’adversaire pour signaler qu’on avait eu un accident et qu’on ne pouvait pas jouer le match, Krépin m’a dit : « Non coach, on va jouer », rejoue son éducateur de l’époque, Karafala Coly, à L’Obs. Il m’a dit de lui donner la liste des onze et les licences pour qu’ils nous devancent au stade pour les besoins de la présentation. Il a demandé à ses camarades d’enfiler leurs maillots et ils ont rallié le stade en courant. Nous les avons rejoints après. Ce jour-là, nous avons gagné 4-0 avec deux buts de Krépin. »

Trop fort pour les Navétanes, Krépin retrouve en 2014 Briegel, alors entraîneur des cadets de l’ASC Santhiaba. C’est là que les choses sérieuses commencent et que l’adolescent décide de se consacrer à 100% au ballon rond. « Quand on prenait du thé sous les arbres, il nous quittait, chaussait ses godasses et prenait le chemin de l’entraînement à 16h30 pétantes, rembobine Roger Badji, son ami d’enfance, pour le site Seneposte. En vérité, pour lui, le football était plus qu’un hobby. Krépin n’aimait même pas danser, et lors de nos soirées dansantes, il préférait rester derrière le bar à vendre des boissons. » Mais sur un terrain, saint Krépin n’est vraiment pas le genre de mecs à porter les gourdes, encore moins quand il rejoint la sélection nationale U15 puis U17, avant de filer une saison à l’Oslo Football Academy, à Dakar. Alors que le Molde FK d’Ole Gunnar Solskjær est sur le coup, il s’engage en février 2017 avec Sarpsborg 08, tout jeune club de D1 norvégienne et quatrième plus petit budget du pays. Une drôle de destination que Krépin Diatta va vite transformer en tremplin.

Ça se voyait déjà qu’il avait une maturité dans le jeu et dans sa façon de le lire.

Bowling sauce norvégienne

Krépin a beau se trouver à 7000 kilomètres de Ziguinchor et avec un anglais très limité, il se lie d’amitié avec plusieurs jeunes du vestiaire. Notamment Tobias Heintz, avec qui il emménage et découvre le bowling. « Il m’avait dit qu’il n’avait jamais joué. Je l’ai emmené avec des amis. J’étais nerveux, j’avais peur qu’il soit mal à l’aise. Il n’a pas fait de strike sur son premier essai, mais presque. Finalement, il nous a tous battus ! » expliquait son pote norvégien à France Football. Doué avec des pompes de clown aux pieds, il l’est encore plus avec des crampons, et ses coéquipiers ne tardent pas à se rendre compte qu’il ne restera pas longtemps en Norvège. « Dès le premier entraînement, ça se voyait déjà qu’il avait une maturité dans le jeu et dans sa façon de le lire, se souvient Rashad Muhammed, formé au PSG et coéquipier de Diatta à Sarpsborg. Dès qu’il avait le ballon, les défenseurs reculaient directement. » Comme tous les gens qui ont croisé la route de Krépin, Rashad Muhammed a été marqué par sa détermination et son sérieux : « Un jour, on n’avait pas entraînement et on avait décidé de faire une après-midi entre joueurs. Krépin a refusé, car il voulait rester bosser à la salle. N’importe quel jeune de son âge serait sorti. »

Élu meilleur jeune de Norvège après 22 matchs d’Eliteserien, trois pions et huit passes décisives, le Sénégalais attire plus d’une trentaine de clubs européens. Manchester United semble sur le coup, l’Olympique de Marseille aussi, mais c’est le Club Bruges qui rafle la mise en janvier 2018 grâce à son nouvel agent, Thierno Seydi, et Mogi Bayat. Après sa signature chez les Blauw en Zwart, Diatta rejoint le groupe pro, alors en stage estival en Espagne. « Il a joué la deuxième mi-temps d’un match amical à Marbella, au poste de numéro 8. Je m’en souviens très bien, explique Benoît Poulain, ex-coéquipier qui joue aujourd’hui à Eupen. Non pas qu’il a fait un bon match, mais ses qualités physiques, de prises de balle et de dribbles, m’ont tout de suite sauté aux yeux. Et surtout, il lisait déjà très bien le jeu pour un jeune joueur qui n’avait pas de référence avant Bruges. » Suffisant pour que le coach Ivan Leko lui offre ses premières minutes de jeu lors des play-offs de Jupiler Pro League qui le verront devenir champion de Belgique à 19 ans. La saison suivante commence en revanche moins bien, car après un gros choc en Supercoupe de Belgique, une commotion cérébrale et une fracture du poignet ralentissent son éclosion. Ce n’est que partie remise. À son retour, il enchaîne les matchs et file à la CAN. Il passe alors du rang de jeune pépite à celui de futur Sadio Mané, lui aussi originaire de Casamance.

Après la CAN, la redescente avait été un peu difficile dans mes souvenirs.

Krépin l’embrouille

À son retour d’Égypte, quelque chose semble avoir changé. « Après la CAN, la redescente avait été un peu difficile dans mes souvenirs. Après, à cet âge, quand tu as le peuple sénégalais derrière toi, je pense que ce n’est pas évident de retomber les pieds sur terre », analyse Benoît Poulain, avant de décrire un garçon timide en dehors du terrain, mais avec du caractère, au point de s’embrouiller un paquet de fois sur le terrain. Normal, Krépin déteste autant les mauvais joueurs que les défaites, et en Belgique, il prend goût au succès, surtout après la saison 2019-2020 sous les ordres de Philippe Clément. Pétillant en Ligue des champions, il l’est encore plus en championnat, signant six buts et trois passes décisives en 22 matchs, avant que la saison ne soit stoppée par la pandémie mondiale. Convoité durant l’été par le Paris Saint-Germain, finalement pas chaud pour débourser vingt millions, il prend la direction de l’AS Monaco le 21 janvier 2021.

Arrivé sur le Rocher l’hiver dernier, soit à un moment où l’équipe de Niko Kovač tournait déjà à plein régime, le natif de Ziguinchor n’a pas encore eu vraiment l’occasion de montrer toute l’étendue de son talent à la France. Tout cela n’est qu’une question de temps. Comme le rappelle Benoît Poulain, « il a l’habitude de la concurrence, et en plus, c’est quelqu’un qui s’intègre bien dans un vestiaire. Après, Monaco, c’est un peu spécial, ça peut être tout ou rien. Au pire, si ça ne marche pas à Monaco, il ira ailleurs, et ça marchera. » Saint Krépin finira forcément par trouver chaussure à son pied.

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Par Maxime Renaudet

Propos de Rashad Muhammed et Benoît Poulain recueillis par MR.

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