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Koscielny et Giroud, on s’était dit rendez-vous dans trois ans
C’est l’histoire de deux parcours sensiblement différents. Barrés respectivement dans leur club formateur, Laurent Koscielny et Olivier Giroud ont saisi leur chance à Tours. Trois ans après leur saison commune en Ligue 2, les deux amis se sont retrouvés à Arsenal. Et sont devenus, aujourd’hui, des éléments incontournables de la formation londonienne, ainsi que des joueurs importants de l’équipe de France.
Dans la moiteur d’une nuit aux contours ordinaires pour la plupart des acteurs, lui affiche un sourire sincère. Difficilement dissimulable, tout comme cette fierté qui l’habite. Ce 11 novembre 2011, Olivier Giroud vient d’honorer sa première sélection avec les Bleus lors d’un match amical contre les États-Unis (1-0), au Stade de France. Puisque les belles histoires sont toujours bien écrites, l’attaquant l’a fêtée aux côtés de Laurent Koscielny, qui étrennait là aussi le maillot tricolore. Un accomplissement conjugué au pluriel pour deux hommes qui, trois ans plus tôt, faisaient l’apprentissage du haut niveau à Tours, en Ligue 2.
« C’est effectivement assez incroyable de se retrouver là, tous les deux, en équipe de France, après notre saison vécue ensemble à Tours, se réjouissait, enjoué, celui qui totalise désormais quarante-cinq apparitions internationales. Avec Laurent, on a d’ailleurs discuté avant le match, et c’est un peu comme si on s’était donné rendez-vous trois ans après Tours. Jamais je n’aurais pu croire à une telle issue. » Peu, à vrai dire, auraient pu prédire une telle trajectoire aux actuels Gunners. Sauf, peut-être, ceux qui les côtoyaient à l’époque. « Il n’y a pas de secret. S’ils sont arrivés où ils sont désormais, c’est parce qu’ils n’ont fait que bosser » , pose en préambule Daniel Sanchez, leur ancien coach en Indre-et-Loire. Retour sur une période lointaine, mais charnière dans la carrière des deux Frenchies.
Galère commune à Guingamp et Grenoble
Les destinées d’Olivier Giroud et Laurent Koscielny s’entremêlent encore aujourd’hui, mais étonnent aussi par leurs esquisses similaires. Car avant d’évoluer ensemble à Tours, chacun a connu des débuts compliqués avec son club formateur. En trois années passées à Guingamp (2004-2007), Koscielny, qui évoluait principalement en tant que latéral droit, ne se voit accorder qu’un temps de jeu famélique : seulement quarante et une rencontres au total en Ligue 2. Barré par la concurrence et jamais mis dans de bonnes dispositions, le défenseur quitte sans regret l’En Avant : « Je désirais avoir plus de temps de jeu, pour m’aguerrir, et accumuler de l’expérience. » Max Marty, alors manager général de Tours, flaire la belle affaire à l’été 2006 après avoir été séduit par les promesses entrevues par le joueur. « L’année où Tours est monté en Ligue 2 (2006-2007, ndlr), j’étais arrivé faire un audit et j’étais allé voir un match lors duquel il avait joué latéral durant une vingtaine de minutes en fin de match, se rappelle le directeur sportif du club de Grenoble. C’est après ce match que j’ai réussi à convaincre Daniel de le recentrer en défense centrale. Comme il était jeune et rapide, on l’avait mis sur un côté comme beaucoup d’autres joueurs. Mais on oublie de les regarder dans leur évolution. Laurent, c’était un coup de cœur. »
À l’instar du natif de Tulle, Giroud n’a pas eu l’occasion de pleinement s’exprimer à Grenoble. Peu en vue durant deux saisons avec seulement vingt-trois apparitions en seconde division (2005-2007), il perd toute chance de s’imposer avec l’arrivée de Mécha Baždarević, à l’aube de l’exercice suivant. Pétri de certitudes, l’entraîneur bosnien assénera à l’attaquant un jugement pour le moins péremptoire. « Il m’avait dit exactement : « Tu n’as pas le niveau pour jouer en L2, encore moins en L1 ! » Peut-être qu’à l’époque, je n’étais pas assez bien exploité, pas suffisamment mis en confiance. Sur le coup, ça fait mal » , confiera-t-il des années plus tard. Prêté à Istres, l’enfant de Chambéry termine cinquième meilleur buteur de Ligue 2 avec quatorze pions claqués. Suffisant pour taper dans l’œil de Max Marty, qui l’avait déjà vu à l’œuvre lors de son premier mandat au GF 38 avant de rejoindre le club tourangeau : « Olivier était déjà un espoir du club. Comme c’est un garçon qui est originaire de la région, que c’est un garçon du club, on ne le regarde pas avec les mêmes yeux. Des étrangers sont arrivés à la tête du club (la société japonaise Index Corporation est actionnaire majoritaire en 2004, ndlr), et Mécha Baždarević en était le coach. Il avait à l’époque des objectifs importants et il n’a pas souhaité prendre de risques, à tort à mon sens. J’ai bataillé pour avoir Olivier à Tours. » Et comme pour Koscielny, il ne va pas le regretter.
Découverte du haut niveau
Laurent Koscielny culmine à vingt et une piges lorsqu’il débarque à Tours en National, en 2007. Olivier Giroud et ses vingt-deux ans débarquent une année plus tard dans la foulée de la montée du club en Ligue 2. Et, encore une fois, les compères de Londres présentent des caractéristiques semblables. À savoir des qualités brutes et réelles. « Le premier souvenir que j’ai, c’est Lolo lors du premier entraînement, confie Gaëtan Bong, actuel milieu de terrain de Brighton & Hove Albion et qui a fréquenté les deux hommes lors de leur unique exercice commun à Tours (2008-2009). J’ai vu tout de suite qu’il avait cette qualité d’anticipation et cette intelligence de jeu. C’est rare, très peu de joueurs présentent de telles qualités. Puis il était propre techniquement. Après l’entraînement, mon père m’a appelé pour me demander comment c’était. Je lui avais confié qu’on avait un défenseur très très fort. C’est vraiment la personne qui m’a le plus marqué. » Impression prometteuse également partagée concernant l’attaquant formé en Isère : « Avant que la saison ne démarre, j’étais encore avec Metz et je l’avais affronté alors qu’il jouait pour Grenoble. À la fin du match, je suis allé voir Sébastien Bassong et je lui ai dit que l’attaquant évoluant en face était super bon. Grâce à sa grande taille, Olive n’hésitait pas à disputer les duels aériens. Surtout, ce qui m’avait marqué, c’était sa capacité à enchaîner rapidement alors qu’il était grand. Quand je l’ai retrouvé à Tours, je lui ai dit que peu d’attaquants comme lui nous ont autant cassé la tête. »
Si le potentiel des deux jeunes bonhommes ne souffre aucune contestation, il demande encore à être peaufiné. Mais, aussi, correctement aiguillé. C’est ainsi le rôle qu’a tenu leur entraîneur Daniel Sanchez. « Au début, Koscielny considérait en tant que défenseur que son rôle était essentiellement de défendre. C’est tout. Mais je lui disais que son rôle était aussi offensif. Souvent, notre jeu faisait qu’on repartait de derrière, et le rôle des défenseurs centraux était primordial quand on voulait avoir la possession du ballon, explique en détail l’ex-coach de Valenciennes. Il avait l’habitude d’user de longs ballons, souvent approximatifs d’ailleurs. Quand on souhaitait jouer au sol et ressortir, il ne savait pas trop le faire au départ. On a énormément travaillé dessus. Il avait également tendance à se jeter. Je lui répétais toujours qu’il ne pouvait pas gagner tous les ballons, qu’il ne pouvait pas tous les anticiper et que son rôle était de ne pas être éliminé. Il a fallu travailler tactiquement avec lui en l’intégrant à une défense. »
Étape décisive vers les sommets
Un apprentissage, une exigence du haut niveau que Giroud a dû lui aussi appréhender : « J’estimais qu’il fallait organiser son jeu, notamment ses déplacements. Il avait tendance à se déplacer un peu partout, de droite à gauche. Il était à la fois partout et nulle part. Il était nécessaire qu’il se positionne beaucoup mieux. Comme il était attaquant, il devait être bien plus présent dans la surface. Je tenais à ce qu’il ait cette présence devant le but. Ç’a été le plus gros du travail, lui faire comprendre ce qu’il se passait devant le but. La vérité était là pour un joueur comme lui. » Des conseils avisés que les deux amis proches ont su appliquer avec brio par la suite. Figurant parmi les meilleurs défenseurs de L2, Koscielny file à Lorient en 2009 où, sous Christian Gourcuff, il n’a besoin que d’une saison pour se révéler et susciter l’intérêt d’Arsenal. Meilleur buteur de seconde division pour sa dernière saison à Tours, Giroud, lui, opte pour les faveurs de Montpellier, club avec lequel il claque 33 buts en deux cuvées de L1 et remporte le titre de champion de France. Assez pour faire succomber Arsène Wenger en 2012. Deux ascensions fulgurantes, deux belles réussites qui vaudront quelques années plus tard à Giroud cette déclaration, sorte d’aphorisme tiré de leur histoire commune : « On est conscients de notre parcours atypique. Ça prouve qu’avec de l’abnégation, du travail et un soupçon de talent, on peut y arriver. »
Propos de Daniel Sanchez, Max Marty et Gaëtan Bong recueillis par RD
Par Romain Duchâteau