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Kombouaré face à son passé
Antoine Kombouaré est le seul avec Laurent Fournier à avoir été joueur, coach de la réserve et entraîneur de l'équipe fanion du PSG. Entre l'actuel coach de Lens et le club de la capitale, il s'est toujours passé quelque chose. Même si le divorce de 2011 n'a jamais été vraiment digéré, il ne faut pas oublier que le premier coach de l'ère QSI au PSG, c'est Casque d'or. Les retrouvailles, ce soir, promettent énormément.
Dans l’histoire de France, Antoine Kombouaré restera le seul entraîneur de Ligue 1 à s’être fait licencier alors qu’il venait juste de fêter un titre de champion d’automne. Même si se faire lourder pour laisser la place nette à Carlo Ancelotti n’a rien de honteux, le Kanak aura été la première victime des Qataris ; si l’on excepte la tête de Robin Leproux, coupée dès l’arrivée de la bande à Nasser. La scène se passe dans le vestiaire de Geoffroy-Guichard le mercredi 21 décembre 2011. Le PSG vient de l’emporter 1-0 dans le Chaudron et s’apprête à passer l’hiver au chaud. Face à ses joueurs, Kombouaré prend la parole. « Maintenant, passez de bonnes fêtes et reposez-vous bien pour être en forme à la reprise de l’entraînement, le 30 décembre. » Jusqu’ici, tout va bien.
Puis Leonardo, alors directeur sportif du club, débarque et vient sceller le sort du coach en direct. « Non, la reprise aura finalement lieu le 1er janvier. Et ne vous relâchez pas pendant les vacances, restez sérieux ! Il y a une deuxième partie de saison avec des enjeux très importants. » Boum. 48 heures plus tard, Kombouaré est licencié et Ancelotti engagé dans la foulée. Autant dire que la sellette sur laquelle est assise actuellement Laurent Blanc, Kombouaré la connaît mieux que personne. « Laurent Blanc sait dans quel club il a signé et connaît surtout la façon dont travaillent les dirigeants. Si je parle par rapport à mon vécu, je savais que ma situation allait être compliquée, c’est pour cela que pour moi, ça a été un soulagement quand cela s’est s’arrêté, même si j’aurais aimé continuer. Je n’ai fait que respecter le choix des dirigeants. Je connais les règles. Ce qui était important pour moi, c’est de rebondir assez vite » , a d’ailleurs lancé l’actuel coach de Lens en début de semaine sur les ondes de France Bleu Île-de-France, dans l’émission 100% Tribune Ducrocq.
Kombouaré tenait la pression, lui
Entre le PSG et celui dont le nom kanak est Koulone, il reste néanmoins de l’Amour. Avec un grand A. Antoine, c’est Casque d’or. Le héros de Madrid en 1993, mais aussi du Parc Astrid. C’est le PSG des années 90 époque Canal Plus et demi-finales européennes à ne plus savoir qu’en faire. C’était le PSG qui gagnait. Mais Kombouaré, c’est surtout une grande gueule. Un mec parti de rien (la réserve du club) pour finalement en devenir l’entraîneur pendant deux ans et demi et 134 matchs officiels*. Surtout, quand QSI débarque à l’été 2011 et injecte plus de 80 millions d’euros sur le marché des transferts, d’aucuns se disent que la tête d’or va bientôt tomber. Mais l’homme est maintenu. Faute de mieux ? Peut-être. Dès le départ, les relations entre l’entraîneur et Leonardo vont être tendues. À tel point que les deux hommes vont rester deux mois sans se parler.
Quoi qu’il en soit, Kombouaré est plutôt du genre sûr de sa force. Contrairement à Blanc, l’ancien défenseur se sublime sous la pression. Il adore ça. Au cœur de l’automne 2011, alors que le club connaît une mini-crise de résultats, son adjoint Yves Bertucci est en panique. La presse est en train de laminer le staff en place. Un matin, l’adjoint se liquéfie face au Kanak alors que le club est leader du championnat tant les rumeurs et la presse se montrent sans pitié. C’est simple, les Qataris veulent tout changer. Face à la panique évidente de son adjoint, AK reste droit dans ses bottes : « Pour le moment, on est là, sous contrat, payés pour travailler, alors on travaille. On ne doit rien avoir à se reprocher. » Une phrase qui est un écho de l’interview qu’il avait accordée à L’Équipe lors de la reprise du championnat en août 2011. « Je connais la règle. On gagne, je reste. On perd, on me mettra de côté. Mais je ne pense pas à ça. » . Quelque part, ce semestre en équilibriste a été sa plus belle émotion d’entraîneur. « J’ai aimé vivre ça, j’ai aimé cette pression au quotidien qui permet de montrer qu’on a du caractère » disait-il en conférence de presse peu de temps avant son départ.
Colony Capital, le Parc vide, des morts sur le bitume, ici c’est Paris
Oui, Antoine a du caractère. Il l’a d’ailleurs démontré cet été quand son actionnaire azéri tardait à mettre de l’argent dans le RC Lens. Alors que le club ne savait pas où il allait, le Kanak préférait taper des 18 trous. Un moyen de mettre la pression à ses dirigeants. À Paris, il a vécu tellement de choses que plus rien ne lui fait peur. Après tout, s’il y a bien un mec qui a vu le club changer de dimension, c’est Antoine. La guerre des tribunes, la mort de Yann Lorence, le plan Leproux, les tensions avec Colony Capital, le boycott du Parc des Princes, l’arrivée des Qataris, etc. AK a tout vu, tout connu.
Alors, quand il a fallu quitter le navire, il n’a rien dit. Jamais. Il était déjà sur l’après. « Au moment où je sentais que mon parcours au PSG allait prendre fin, j’avais promis à mon épouse de faire un long et beau voyage tous les deux, lâche-t-il dans les colonnes deFrance Football en 2012. Nous sommes partis en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti pendant près de deux mois. Avant de poursuivre sur d’autres continents… C’était aussi une promesse que j’avais faite à mon père de lui rendre visite sur l’île des Pins, où il vit. Dans la culture kanake, la notion de famille, de clan, est très importante. » C’est pour ça que l’homme n’oublie pas d’où il vient et qu’il ne fonctionne pas sur la rancœur. « Je suis supporter du PSG. C’est mon club, j’y ai passé treize ans. J’ai été joueur, j’ai dirigé la réserve pendant quatre ans et j’ai entraîné les pros. » Le Qatar aura finalement rendu un fier service à Kombouaré. Il est parti en étant là-haut. Tout là-haut.
* 61 victoires (46 %), 39 nuls (29 %), 34 défaites (25 %).
Par Mathieu Faure