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Kololli : « Je suis un Kosovar avec l’accent vaudois »

Propos recueillis par Alexis Billebault
6 minutes
Kololli : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je suis un Kosovar avec l’accent vaudois<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il se prénomme Benjamin, est né à Aigle, en Suisse, mais à un nom – Kololli – qui fleure bon les Balkans. Normal. Le milieu de terrain de Lausanne Sport (D1 suisse) est né de parents kosovars, et a fêté sa première sélection contre la Turquie en novembre dernier, à vingt-quatre ans. Et pour lui, il n’y avait pas d’autre option que de jouer pour le petit nouveau du football européen.

Le Kosovo ne peut pas encore jouer ses matchs à domicile à Pristina ou à Mitrovica, et doit recevoir à Shkodër, en Albanie. Pas trop déçu ?Non, même si, bien sûr, j’ai hâte de pouvoir jouer devant notre public. Les stades de Pristina et de Mitrovica seront bientôt rénovés… Mais jouer en Albanie, c’est jouer à la maison. Moi, j’ai connu ma première sélection en Turquie. Mais ceux qui avaient joué contre la Croatie à Shkodër (0-6) en octobre m’ont parlé de l’accueil des Albanais. Et puis, beaucoup de nos supporters font le déplacement. Moi, je connais l’Albanie : chaque fois que je retourne au Kosovo en été, on prend la voiture et on s’arrête pour profiter des plages albanaises, qui sont superbes, d’ailleurs.

On va vite évoquer les qualifications pour la Coupe du monde 2018 avant de passer aux choses sérieuses…On débute à ce niveau. Personne ne nous demande de nous qualifier. Je pense que le Kosovo, qui a de bons joueurs, peut viser l’Euro 2020. On est un pays jeune, notre affiliation à l’UEFA, puis à la FIFA est récente (mai 2016). On a quand même pris un point en Finlande (1-1) pour notre premier match… Quand on regarde les sélections de l’ex-Yougoslavie, et notamment les petits pays, on peut se dire qu’il est possible de faire pareil. La Slovénie est un petit pays qui a déjà disputé la Coupe du monde (2002, 2010) et l’Euro (2000). Le Monténégro, encore moins peuplé, obtient de bons résultats. Je pense que le Kosovo, qui a de bons joueurs, peut viser l’Euro 2020.

C’est peut-être un peu tôt, non ?Pourquoi pas ? Vous avez vu le nombre de joueurs qui veulent porter le maillot kosovar alors qu’ils ont évolué pour d’autres sélections ?

Quand on était en Finlande, nous étions sortis dans les rues de Türkü avec quelques joueurs pour aller boire un café en ville. Nous avons rencontré un mec qui était venu spécialement de New York pour nous soutenir !

On va apprendre lors des prochains matchs. On a pris un point en Finlande, on a bien résisté en Turquie… Et puis, il y a un gros engouement derrière nous. Les Kosovars adorent le foot. Partout où on va, il y a des supporters. Quand on était en Finlande (Kololli n’avait pas participé à ce match, ndlr), nous étions sortis dans les rues de Türkü avec quelques joueurs pour aller boire un café en ville. Nous avons rencontré un mec qui était venu spécialement de New York pour nous soutenir !

Vous êtes né en Suisse en 1992. Cela faisait longtemps que vos parents y étaient installés ?Environ trois ans. Ils avaient quitté le Kosovo alors qu’ils étaient étudiants. Aujourd’hui, mon père travaille pour les Chemins de fer fédéraux (CFF) et ma mère est aide-soignante. Ils étaient venus en raison de la situation qui commençait à devenir tendue. Mais ils n’étaient pas les premiers membres de ma famille à venir de ce côté-ci de l’Europe. Mes grands-parents habitent vers Montbéliard depuis plus longtemps encore.

La guerre au Kosovo a éclaté en 1999, alors que vous aviez sept ans. Vos parents en parlaient beaucoup à la maison ?Ils passaient beaucoup de temps à regarder les informations à la télé, à écouter la radio. Et à téléphoner au pays. Ils évitaient de trop en parler devant nous. Mais comme on comprenait l’albanais avec mes deux frères, on savait qu’il se passait des choses graves. Nous sommes originaires de Lipjan, une ville qui n’est pas très éloignée de Pristina, la capitale, mais qui n’avait pas été trop touchée par la guerre. On apprenait que des gens qu’on connaissait avaient perdu des proches, où qu’ils avaient été eux-mêmes tués ou blessés. C’était une période très dure.

Vous avez vu le jour en Suisse, un pays qui a accueilli beaucoup de Balkaniques dans les années 80 et surtout 90. Quels souvenirs conservez-vous de votre enfance ?Mes parents étaient installés – et ils le sont toujours – à Bex, pas très loin de Lausanne. J’y vis aussi. Mon enfance ? Nous avons toujours conservé un lien étroit avec le Kosovo. Tous les ans, on y allait pour les vacances d’été. Et le vendredi soir, on allait à l’école albanaise pour apprendre la langue. Je me souviens qu’à Bex, on traînait seulement entre Albanais et Kosovars. Nous n’étions pas forcément bien vus par les Suisses, qui avaient du mal à s’habituer à notre présence. Les journaux nous dénigraient. Moi, je n’ai pas trop souffert de cette situation, même si je sentais bien que quelque chose n’allait pas.

Les choses semblent moins compliquées aujourd’hui…Oui. Prenez la Nati, la sélection nationale suisse : il y a beaucoup de joueurs originaires du Kosovo, de l’Albanie, de pays africains, de Turquie… Et les Kosovars sont là pour travailler, dans tous les secteurs de l’économie du pays. Certains occupent des postes avec des responsabilités.

Jouer pour le Kosovo, c’était une évidence pour vous ?Je me souviens du jour où le pays est devenu indépendant, en février 2008. Nous avions fait une énorme fête. Et tous les ans, c’est pareil. Même à l’étranger, les Kosovars restent très attachés à leur pays. Ils y retournent dès qu’ils le peuvent. Ceux qui, comme moi, sont nés ailleurs, parlent quasiment tous l’albanais. En sélection nationale, les mecs qui sont nés en Finlande, en Norvège ou en Allemagne parlent quasiment tous cette langue. Moi, je suis arrivé un peu plus tard que les autres au niveau professionnel, à vingt ans, au FC Sion, alors que ceux de ma génération l’étaient déjà. J’ai joué en pro en 2012, mais ensuite, je suis parti jouer en Challenge League (D2), au FC Le Mont puis à Bienne, avant d’aller aux Young Boys et donc à Lausanne depuis juin dernier. Avec la Suisse, c’était compliqué. Ce que je voulais, c’était jouer pour le Kosovo. On m’a souvent posé la question : te sens-tu plus suisse que kosovar, ou inversement ? Je dois beaucoup à la Suisse. Je suis un peu les deux. Ou disons un Kosovar qui vit en Suisse, avec l’accent vaudois (rires).

Revenons à la sélection. Quand autant de joueurs arrivent de pays différents dans une équipe nouvelle, n’y a-t-il pas un peu de défiance, de timidité ?Je me posais un peu la question, avant la première convocation pour le match en Finlande. Il y avait des joueurs qui comptaient plusieurs sélections, avant que le Kosovo ne soit officiellement reconnu. Et donc des nouveaux. Eh bien, tout s’est vite mis en place. Personne n’était mal à l’aise, personne n’était mis à l’écart. Les Kosovars sont des gens plutôt chaleureux. On venait tous par amour du pays. Et puis, c’est bien organisé en sélection. La Fédération est jeune, mais franchement, c’est plutôt bien organisé.

Le Kosovo est indépendant depuis 2008, mais le pays n’est reconnu par l’UEFA et la FIFA que depuis mai 2016…Ouais, et je me demandais quand cette situation allait évoluer. Je ne comprenais pas tout : beaucoup de pays reconnaissaient le Kosovo en tant que tel, mais la sélection ne pouvait jouer que des matchs amicaux ! À un moment, je commençais à m’inquiéter, en me demandant combien de temps ça allait durer. Il était vraiment temps que ça évolue…

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Propos recueillis par Alexis Billebault

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