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« D’ici deux ans, le gardien de l’équipe première aura un casque »
Mieux vaut prévenir que guérir : pour protéger ses jeunes gardiens, Genk leur impose désormais de s’entraîner et de jouer avec un casque. Koen Witters, responsable des portiers de l’Académie du club belge, nous explique cette démarche inédite.
Comment et quand vous est venue l’idée du port du casque ?
On y pense depuis longtemps, le processus a duré plusieurs mois : on a réfléchi à la manière dont on allait l’expliquer, il a fallu réfléchir au casque qui serait le plus adapté et on a échangé avec les personnes qui produisent ces casques. En juin, on a acté que l’on mettrait ça en place au début de la saison. On a organisé une réunion avec les gardiens et le lendemain avec les parents, pour expliquer cette décision. Depuis lundi dernier, ils sont obligés de s’entraîner et de jouer avec les casques pour des raisons de sécurité. Ils ont joué avec dès ce week-end.
Est-ce que vous avez assisté à un accident ou à une action dangereuse qui vous a poussé à prendre cette décision ?
Il ne s’est rien passé dans notre Académie, en revanche, il y a eu plusieurs exemples de sérieuses blessures. Aucun accident particulier n’a pesé dans notre décision, c’est juste par précaution. Si un accident se produit dans notre Académie, ce sera trop tard. En cas de choc, le casque réduit de moitié le risque de commotion. Tout le monde au club – les entraîneurs, les managers, le staff médical – est convaincu que nous avons pris la bonne décision et ce n’est pas seulement un truc d’entraîneur des gardiens, nous sommes tous convaincus qu’il fallait le faire.
C’est aussi lié à votre style de jeu ?
Notre Académie est réputée pour sortir de grands gardiens : il y a quelques semaines, nous avons vendu Mike Penders pour 20 millions d’euros. Thibaut Courtois, Koen Casteels et Maarten Vandevoordt ont tous joué chez nous… Notre Académie est reconnue. Nous voulons un style de jeu offensif, donc nous ne demandons pas seulement à nos gardiens de défendre le but, mais aussi de défendre l’espace sur les longs ballons et en un contre un. Ce style provoque plus de situations conflictuelles et si on ne peut pas réduire le nombre de contacts, on peut limiter les conséquences.
À quoi ressemblent ces casques, est-ce qu’ils sont similaires à celui de Petr Čech ?
Non, nous avons des casques pour gardien Full 90. C’est un modèle américain très léger, à peine 100 grammes. Il y a trois tailles différentes, ça s’ajuste parfaitement autour de la tête.
Est-ce un investissement conséquent, financièrement ?
Chaque casque coûte environ 90 euros, nous en avons commandé 20. Mon fils a joué avec le même modèle pendant quatre ans, donc quand on rapporte le prix à la durée d’utilisation, ce n’est pas très cher.
Votre fils a été victime d’une blessure à la tête ?
Oui, mais pas liée au football. Il a eu un accident à l’école quand il avait 8 ans, il est tombé. Le médecin m’a dit qu’il ne pourrait plus jouer pendant plusieurs mois, mais que le délai serait réduit à quelques semaines en portant un casque. Avec ce qui lui est arrivé, j’ai appris à connaître ce type de casques.
Pourquoi imposer le port du casque jusqu’en U16 et pas plus loin ?
Après les U16, la plupart des garçons entrent dans le football professionnel, donc c’est à eux de décider. Nous espérons que les gardiens qui s’entraînent et jouent avec un casque pendant plusieurs années continueront de le porter après, mais c’est leur choix.
Vos gardiens ont exprimé des réticences ?
Ils n’étaient pas très enthousiastes, ils avaient peur que ça les perturbe et que ça les déconcentre. L’entraînement les a convaincus, la plupart m’ont dit que c’était léger et que ça s’ajustait bien. Dans le vestiaire, un garçon avait même oublié qu’il avait le casque sur sa tête ! Il était quasiment dans la douche, ses coéquipiers ont dû lui dire : « Hé, n’oublie pas ton casque ! » C’est assez vite devenu normal. Après une semaine d’entraînement, ils me disent qu’ils se sentent plus en sécurité et plus sereins avec les casques.
Est-ce qu’ils ont aussi râlé pour des raisons esthétiques ?
Oui, c’était même leur première source d’inquiétude. Ils se préoccupaient de leur look, donc on a dû leur expliquer que la sécurité était la priorité. Quand tu es le seul à porter un casque, c’est bizarre. Mais si d’autres le font, ça devient quelque chose de normal. Il faut aussi savoir que les casques sont personnalisables en jaune, en orange ou en noir. Ils peuvent l’adapter au maillot qu’ils portent et quand on leur a dit dans le vestiaire, c’était : « Oh, cool ! » Ils peuvent rester stylés, malgré tout. (Rires.)
Le but, c’est que le casque soit véritablement considéré dans la panoplie des équipements du gardien, comme les gants ?
Bien sûr. On a organisé une conférence de presse mercredi, et dès jeudi, j’ai reçu beaucoup de messages, principalement de la part de parents. Ils applaudissaient cette décision, me demandaient de quel type de casque il s’agit et où ils pouvaient l’acheter. Je pense que ça va se répandre en Belgique, de plus en plus de jeunes gardiens vont porter le casque.
Est-ce que d’autres clubs vont ont montré de l’intérêt ?
Pas encore, mais je pense que certains clubs suivront notre exemple. Dans le passé, j’ai déjà échangé avec des collègues qui se montraient positifs au sujet des casques, mais le rendre obligatoire dans leur club restait une étape difficile à franchir. Maintenant que nous l’avons fait, peut-être que d’autres vont suivre.
Y compris dans l’équipe première de Genk ?
Aujourd’hui, notre gardien a 22 ans. Il n’a jamais joué avec un casque, ce ne serait pas naturel de lui imposer. Quand tu es habitué en étant jeune, c’est plus facile de le porter en tant qu’adulte. Nous espérons que dans quelques années, quand les gardiens de l’Académie arriveront dans l’équipe première, ils porteront le casque. Mais on ne l’obligera pas car cela reste leur profession, ils doivent être convaincus et décider par eux-mêmes. Je pense que d’ici deux ou trois ans, on verra un gardien avec un casque dans les cages de l’équipe première ou de la réserve.
Propos recueillis par Quentin Ballue