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Koeman, Klopp et les révolutionnaires

Par Maxime Brigand
Koeman, Klopp et les révolutionnaires

Alors que Southampton et Liverpool s'affrontent ce mercredi en quarts de finale de League Cup, Ronald Koeman retrouvera Jürgen Klopp pour une nouvel affrontement de style. Un symbole du changement d'approche du football anglais lié en partie à l'arrivée massive d'entraîneurs étrangers.

Tout le monde l’a pris pour un fou. La Premier League n’était pas encore ce qu’elle est devenue. À la fin des années 90, ce qu’il vient de se passer est une anomalie. « Au début, j’ai pensé : qu’est-ce que ce Français connaît au foot ? Il porte des lunettes et ressemble à un instituteur. Il ne peut pas être aussi bon que George Graham. Et parle-t-il seulement l’anglais correctement ? » , se demande alors le capitaine emblématique d’Arsenal, Tony Adams. Arsène Wenger vient d’être nommé entraîneur par le président des Gunners, Peter Hill-Wood. Derrière ses lunettes, le philosophe alsacien est un penseur. Un homme qui voit le football au-delà d’une simple assise défensive. Wenger a des idées, un projet et parle le football. Plus fou, il le pense, le réfléchit. L’Angleterre du foot ne comprend pas ce qui lui arrive alors, elle qui n’a connu jusqu’ici que quelques entraîneurs étrangers et très peu de joueurs venus de loin. Depuis l’instauration de la Premier League, seul l’Argentin Osvaldo Ardiles, champion du monde 78 avec le numéro 1 sur le dos, exerce en Angleterre depuis quelques années comme entraîneur. Après être devenu une star à Tottenham. Sinon rien.

La bascule Wenger

Wenger va alors devenir un révolutionnaire. L’homme a appris, beaucoup. L’Alsacien est érudit et est un cruyffien convaincu. Son football se veut libre et étudié. On parle de tactique, on organise des séances vidéo, l’entraînement s’axe également autour du jeu technique, on enchaîne les passes. On joue. L’Angleterre découvre une méthode et une nouvelle façon de penser le jeu. Troisième lors de sa première saison, Arsène Wenger réalise le deuxième doublé Coupe-championnat de l’histoire d’Arsenal lors de sa seconde saison. Son projet est lancé, européen et plus fin. Le club se compose d’esthètes et joue progressivement avec une quantité de joueurs britanniques réduite au minimum. La Premier League se globalise et dégage ses pionniers culturels qui ont forgé son idendité. Elle souhaite offrir du spectacle plutôt que de l’explosion. Elle veut prévoir les émotions plutôt que de les laisser se dégager, au grand dam de ses gueules cassées d’hier comme l’expliquait récemment dans nos colonnes Bobby Gould, tête brûlée du Crazy Gang de Wimbledon : « Mon Wimbledon serait complètement anachronique, c’est sûr, mais il emmerderait beaucoup d’équipes, car plus aucun club ne joue à l’anglaise. »

L’écart est aujourd’hui immense et le football anglais a changé. Aux inconnus du début des années 90 ont succédé les révolutionnaires issus des maîtres penseurs du football moderne. L’exemple de Bobby Robson, revenu à Newcastle comme entraîneur après ses expériences au PSV et à Barcelone, est le plus frappant tant les Magpies vont se transformer sous sa coupe. Cet été encore, la Premier League a prouvé ce changement d’époque, installant toujours plus d’entraîneurs étrangers sur les bancs de son championnat. Actuellement, l’Angleterre compte douze coachs non britanniques et le nouveau « grand huit » (Everton, Tottenham, Manchester United, Manchester City, Chelsea, Liverpool, Southampton, Arsenal) est aujourd’hui dirigé en totalité par des étrangers. Est-ce une simple tendance cyclique ou une conjoncture appelée à s’installer ? « Je ne suis pas sûr que ce soit une simple histoire d’entraîneurs, même si forcément, ça joue, juge Sylvain Distin, aujourd’hui à Bournemouth et arrivé en Angleterre il y a une quinzaine d’années. Le football anglais a changé en même temps que le football moderne. On travaille davantage sur la possession de balle, on ne trouve plus de kick and rush. Le changement a également été physique, et l’arrivée toujours plus importante de joueurs étrangers y est aussi pour quelque chose. »

La métamorphose Stoke

L’influence des entraîneurs étrangers comme Pochettino est alors plus large. Ce changement a touché par exemple le fonctionnement des institutions elles-mêmes avec un retour privilégié aux académies comme l’Argentin a su le faire à Southampton et aujourd’hui à Tottenham. Cette démarche a également été suivie à Arsenal ou plus récemment à Swansea sous Laudrup. Le football britannique a laissé progressivement place à la dimension tactique grâce à de nouveaux regards pour offrir aujourd’hui un jeu plus prévisible et stéréotypé. « On le voit surtout lors des derbys qui, quand je suis arrivé, étaient complètement fous. Aujourd’hui, on assiste plus souvent, notamment entre United et City, a une bataille tactique qui se termine le plus souvent sur un 0-0 ou un 1-1 » , estime Distin.

Reste que les succès récents de Ranieri avec Leicester et du Southampton de Koeman l’an passé ou la réussite annoncée de Jürgen Klopp à Liverpool ont un sens commun : la fin de la culture originelle britannique et l’accent placé sur un football de transition, rigoureux tactiquement avec des supporters plus exigeants pour des matchs dont ils paient le siège de plus en plus cher. La Premier League est aujourd’hui dans une situation qui interroge, car elle est dans un creux de niveau et d’intérêt où la course au spectacle a pris le pas sur la passion. L’arrivée massive d’entraîneurs étrangers, encore récemment avec Rémi Garde ou Quique Sánchez Flores à Watford, contribue à cet effet. Certains entraîneurs comme Eddie Howe ou Mark Hughes ont alors modifié leur méthode pour s’adapter à ce nouveau football. Depuis que Hugues a été observer le travail effectué à la Masia, son Stoke n’a jamais aussi bien joué. Oui, on peut parler d’une petite révolution. Reste à voir sur quoi elle va déboucher.

Dans cet article :
Le chambrage génial des supporters de Bournemouth
Dans cet article :

Par Maxime Brigand

Propos de Sylvain Distin recueillis par MB, ceux de Bobby Gould tirés du dernier numéro de SO FOOT, ceux de Tony Adams tirés de son autobiographie Addicted.

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