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Klopp, une parole et des actes
Il n'aura mis qu'un mois. Arrivé le 8 octobre dernier à Liverpool, Jürgen Klopp a réussi en quelques semaines à faire entrer son groupe dans sa philosophie. Vainqueurs de Chelsea et Manchester City, les Reds reviennent au premier plan. Mais comment Klopp a-t-il changé Liverpool ?
C’était son dernier sommet. Le dernier sourire qu’il aura arraché à Anfield. L’adversaire avait plié au même instant. Dix petites minutes de jeu, et l’héritier Jordan Henderson avait allumé un pétard dans le ciel de Liverpool. Le génie concluera également la rencontre, celui venu du pied de l’ambianceur de foule brésilien, Philippe Coutinho. Ce 1er mars 2015, Manchester City était tombé à Anfield. 2-1. Une dernière lumière, un dernier flash sur Brendan Rodgers. Liverpool se fera gifler à Arsenal un mois plus tard, puis face à Manchester United, à Aston Villa, à Hull, à Stoke, mais aussi contre Crystal Palace. Les Reds termineront la saison à la sixième place, loin de leurs objectifs initiaux. Le peuple ne suivait plus son guide, celui en qui il avait tellement cru quelques mois auparavant, si près du titre. Si près, trop près. Brendan Rodgers avait pourtant tout construit : du jeu, des hommes, une philosophie. En football, on parle de cycle et celui-ci devait se terminer. Seulement deux mois après le début d’une nouvelle saison, le technicien a été viré au lendemain d’un derby partagé face à Everton. La « Sainte Trinité » , liaison sentimentale entre un coach, son club et ses supporters, a été brisée.
Fédérer de nouveau
Peut-être plus que n’importe où, Liverpool marche avec ce lien. Il était alors temps de donner un nouvel élan, de relancer une machine, de faire renaître la passion. Prendre sa place dans les tribunes d’un stade est un exutoire. Le board de Liverpool y attache de l’importance. Depuis toujours. La relation entre le club et les supporters est avant tout sociale. Dès son arrivée, le nouveau leader, Jürgen Klopp, le résumait ainsi : « Notre objectif est de divertir les supporters, on doit rendre leur vie meilleure. C’est ce qu’on doit faire parce qu’au-delà de ça, le football n’est pas aussi important – on ne sauve pas de vie, on n’est pas des médecins. Notre travail est simplement de faire en sorte que pendant 90 minutes, les gens puissent mettre leurs problèmes de côté, qu’ils puissent ensuite parler du dernier match pendant trois jours et du prochain pendant deux. C’est pour ça que je veux vivre. » Anfield a toujours eu cette fonction. Klopp a été choisi avant tout pour fédérer de nouveau le club, les supporters et cette passion si particulière. Le tout avec la volonté affirmée de proposer un football « sauvage » .
Le balancier selon Jürgen
Jürgen Klopp est un alchimiste, et sa conception du football est fine. Elle a déjà montré ses succès, à Dortmund notamment qu’il a porté deux fois sur le toit de l’Allemagne, en 2011 et 2012, et tout proche d’un sacre européen. En quelques semaines à peine, il a déjà réussi à insuffler sa vision à tout un groupe. Il lui a redonné confiance, mais ce dernier a accepté de lui faire confiance à son tour, de le suivre. « L’important est de savoir qui tu es, ce que tu veux faire et si tu veux qu’on le fasse ensemble » , expliquait-il la semaine dernière en conférence de presse. Car le football de Klopp est une histoire de dévotion totale à des principes exigeants. La victoire éclatante samedi à Manchester, face à City (4-1) l’a prouvé. L’image du premier but révèle tout le travail demandé par l’entraîneur allemand. Tout son système ne fonctionne que sur le pressing, la pression incessante pour gêner la relance de l’adversaire comme Coutinho a su le faire sur Bacary Sagna avant de servir Roberto Firmino et de pousser Mangala à marquer contre son camp.
Dans un entretien donné au Liverpool Echo, Pep Lijnders, l’un des assistants de Klopp, expliquait l’objectif final du technicien allemand : « Il appelle ça l’attacking balance– c’est son système de jeu qui s’enclenche dès qu’on perd le ballon. On pense défensif aussi quand on attaque, l’essence de cette méthode est tirée de l’équilibre entre la folie offensive et la solidité défensive. Tout passe par les deuxièmes ballons. Si on les perd, tout s’effondre. » Là est ce qu’on appelle la patte Klopp. Elle s’est dessinée pour le moment à deux reprises : à Chelsea et ce week-end, contre Manchester City. Là où son prédécesseur échouait souvent, lui qui n’avait remporté aucune de ses huit premières confrontations contre des équipes du Big Four.
Le symbole Firmino
Non, Jürgen Klopp n’a pas encore relevé totalement Liverpool, la défaite à domicile lors de la dernière journée contre Crystal Palace l’a prouvé. Reste qu’il a su imposer sa voix et sa voie. Car son football est avant tout un football d’espaces, petits de préférence. Là aussi, le match contre Manchester City a permis de se faire une idée complète du projet de l’Allemand. Klopp a ses soldats, il en a gardé, il en a replacé, il en a lancé. Son premier choix fort a été d’accorder la pleine confiance à Mamadou Sakho. Laissé de côté par Rodgers, Sakho était devenu le relais défensif de Klopp avant sa blessure au genou. Le second, plus naturel, a été de replacer Emre Can à son poste de milieu relayeur alors que Brendan Rodgers le faisait évoluer avant son départ au cœur d’une défense à trois perméable. Un rôle de harceleur aux côtés de Milner qui permet enfin à Lucas Leiva de retrouver son rayonnement défensif.
Klopp a également su libérer les talents. Face à Manchester City, qui avait rarement été autant en difficulté depuis son changement de dimension, le tableau a été clair. Lallana est redevenu le joueur libéré qu’il était à Southampton et permute en permanence avec Coutinho, qui joue depuis de nombreux mois avec un niveau bien supérieur à celui de ses coéquipiers. Le symbole des choix de l’Allemand est également brésilien. Il s’appelle Roberto Firmino. Dès son arrivée, Klopp a décidé de lancer l’ancien buteur d’Hoffenheim. Son utilisation en faux neuf donne de la profondeur au jeu des Reds, lui permet de conserver le ballon avec un rôle de soutien que ne sont pas Benteke et encore moins Origi. En trois semaines, il a déchiré les 29 millions collés à l’étiquette de son maillot. Les échecs de Rodgers sont rapidement devenus les relais de Klopp. De Can à Sakho en passant par Lallana. L’ingénieur Jürgen a joué avec les pions, replacé ses éléments dans les conditions de leur épanouissement et semble en passe de réussir à en tirer le meilleur. Liverpool était son rêve, son « plus gros challenge humain et sportif » . L’Allemand vient de poser les fondations de son idéal.
Par Maxime Brigand