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Klopp, empereur de Mayence
En match avancé de la 21e journée de Bundesliga, Dortmund reçoit Mayence. Un club que connaît particulièrement bien Jürgen Klopp, pour l'avoir écumé 17 années durant, en tant que joueur puis en tant qu'entraîneur.
Ne dites pas à Jürgen Klopp qu’il ne connaît pas la lutte pour le maintien. Ce serait un mensonge, une erreur quant à la carrière du coach des Schwarzgelben, car il était un temps où Kloppo usait ses poumons et ses cordes vocales en 2. Bundesliga, à Mayence, d’abord en tant qu’honnête buteur, puis en position de jeune coach qui n’a pas même eu le temps d’arrêter sa carrière. Klopp a commencé à entraîner pour jouer à l’Abstiegskampf (la lutte pour le maintien, ndlr). À l’hiver 2001, son équipe peine en championnat et peut craindre une relégation en Regionalliga. Suite à une défaite 1-3 face à Greuther Fürth, le manager des 05ers Christian Heidel n’a plus le choix. Il ne reste que 11 journées. Quelque chose doit être fait. Un miracle doit venir.
À jamais en deuxième
Klopp signe à Mayence en 1990. En provenance du petit club de Rot-Weiß Frankfurt, qui a mangé son accession en 2. Bundesliga lors des barrages, Klopp signe un bail à long terme. Il ne quitte plus le FSV… ni la 2e division allemande. Pendant 325 matchs, le blondinet porte son équipe dans le ventre mou et n’atteint jamais la promotion au plus haut niveau. Pire, en 97, Mayence est sur le point de réussir, mène contre Wolfsburg à la 34e journée… Et s’effondre. Le VfL finit deuxième, Mayence à la place du con. La Bundesliga passe, Klopp est en pleurs. Toutefois, il peut compter sur le public de Bruchswegstadion, qui l’apprécie à sa juste valeur. Car si Klopp n’est pas le plus débrouillard balle au pied, la technique lui faisant parfois défaut, il se défonce sur le terrain et donne tout ce qu’il peut donner, quitte à reculer au poste de défenseur s’il le faut.
Quitte donc à donner de sa personne et arrêter brusquement sa carrière. En une demi-heure, à l’appel de son manager, il raccroche les crampons et prend possession du banc. À 38 ans, Klopp devient le deuxième plus jeune entraîneur en Allemagne derrière… Matthias Sammer, à Dortmund. Kloppo transforme son équipe en un clin d’œil. Ses fines lunettes rondes lui donnent le surnom de « Harry Potter » , un surnom justifié par les résultats obtenus : à la fin de la saison, Mayence a réussi son pari du maintien sans problème et peut le célébrer avec ses supporters. Ceux-ci entonnent alors un « Jürgen ! Jürgen ! » , auquel le fraîchement entraîneur répond du tac au tac : « Je n’ai pourtant pas joué » . Sa nouvelle carrière a d’ores et déjà débuté, son leitmotiv est dans la place : de l’envie, du jeu, une communion entre lui, les joueurs et les supporters. Être une équipe, en somme. Sa marque de fabrique pour le montrer est déjà là, confirme Francis Laurent, passé sous ses ordres, au Courrier Picard : « Quand un joueur marque un but, il vient lui sauter dans les bras. » Tous ensemble.
Harry, un ami qui vous veut du bien
Klopp séduit et fait mieux : il poursuit sa marche en avant. Dans la foulée, Mayence démarre sa saison 2001-2002 en boulet de canon. Après 12 journées, les 05ers cumulent déjà 31 points. Jürgen découvre le métier avec plaisir, avec joie quand il s’agit « de mettre en place des tactiques et de les expliquer » . Dans ces tactiques, les principes fondamentaux sont simples, mais exigeants : « Il aimait le redoublement de passes, le jeu rapide au sol vers l’avant. Il demandait beaucoup d’efforts et de rythme tout le temps » , explique Francis Laurent. À son image sur le terrain, Jürgen veut des morts de faim prêt à tout pour faire progresser le club. Pourtant, si son équipe est séduisante, il lui manque encore un quelque chose. En deux saisons successives, les Rouge et Blanc échouent à la quatrième place, aux abords de la promotion. D’abord pour un point, puis pour un but. « Harry Potter » ne dose pas encore parfaitement bien sa magie.
C’est alors qu’il trouve son autre recette, la meilleure : transformer certains joueurs moyens en cadres solides de l’équipe. Manuel Friedrich, Neven Subotić, Mohamed Zidan ou même Antônio Da Silva passent entre ses mains et gagnent en confiance. Jürgen Klopp tisse une relation à part avec ces hommes-là. Proche d’eux, il les modèle, il en tire le meilleur. Alors, Mayence grossit : la Bundesliga est enfin acquise, l’Europe s’incruste même en 2005, et rien n’indique que Jürgen puisse partir un jour. « Trouvez-moi une équipe, trouvez-moi des supporters qui peuvent se remettre ainsi des blessures des dernières saisons. […] Il n’y a pas de club comme Mayence » , s’exclame Kloppo sur scène, devant des milliers de fans. L’idylle est totale. Mais la machine s’enraille quelque peu. Mayence descend et Klopp fait son choix : son contrat prendra fin si la remontée n’est pas là ; elle n’y est pas. Il est temps pour Klopp de partir. Dortmund est un candidat idéal et emporte la mise. En manque de répères depuis sa catastrophe financière, il faut un petit génie pour redonner le sourire au Westfalenstadion. Un choix du cœur, à l’assimilation parfaitement réussie. Car si vous demandez aujourd’hui à Klopp qui il veut voir gagner, il dira Dortmund. Ce n’est plus l’heure des cadeaux pour son ancien amour, pas même une veille de Saint-Valentin.
Par Côme Tessier