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Kita, Landreau : au FC Nantes, les inconscients et le collectif
C'est encore une semaine agitée que vient de vivre le FC Nantes. Après un maintien orageux obtenu dimanche et ponctué d'incidents déplorables en coulisses pour clore une saison tempétueuse, un arc-en-ciel du nom de « Collectif nantais », porté par Mickaël Landreau, est venu surplomber le ciel jaune et vert quelques jours plus tard. Et fait revivre l'espoir, à terme, d'un changement de présidence à la tête des Canaris.
Sur les coups de 19h53, ce dimanche, les joueurs du FC Nantes explosent au coup de sifflet de Benoît Bastien. Au prix d’une défaite à domicile contre Toulouse (0-1) mais d’un nombre de buts à l’extérieur avantageux, le club sauve sa peau dans la souffrance, et c’est une vraie libération pour les Canaris, qui se lâchent en après-match devant les micros. Mais dans les heures qui suivent, on comprend aussi que c’est déjà une nouvelle reconstruction qui démarre pour la Maison jaune. À peine remis de ses émotions, le produit maison Imrân Louza a sauté dans un avion et publie une story Instagram à Londres, où il signera un contrat avec Watford dans la journée de lundi ; en conférence de presse, Alban Lafont s’est lui montré très évasif au moment de parler de son avenir : « Je n’y pense pas vraiment pour le moment, on verra cet été ! Je ne sais pas du tout pour le moment. Il n’y a rien de sûr. » Avant de conclure en quittant la salle : « Je pars en vacances, loin, très loin d’ici ! »
Enterrement, alternative et gros sous
Pendant que les joueurs préparaient déjà leur déménagement, la Beaujoire a été animée jusque tard dans la soirée, et pour de mauvaises raisons. Alors que la Brigade Loire, dont les actions contre la direction ont rythmé la saison du FCN, avait organisé « l’enterrement » du FC Nantes de Kita une semaine plus tôt lors de la réception de Montpellier avec un cercueil « FC Kita 2007-2021 » inhumé au pied de la Beaujoire, les deux agents Bakari Sanogo et Mogi Bayat – directeurs officieux du club – n’ont rien trouvé de mieux à faire que de déterrer la relique et la ramener dans le stade en fêtant le maintien, en guise de contre-attaque. Cela n’a fait qu’envenimer les choses, puisqu’une trentaine de personnes cagoulées ont forcé un tunnel de la Beaujoire pour gâcher la fête des salariés (les Kita ayant déjà quitté les lieux), orchestrant des échanges de coups. Six interpellations (du côté des intrus) et un communiqué des associations de supporters (la BL en tête) pour calmer le jeu plus tard, la Maison jaune a enfin pu mettre un terme à cet épouvantable exercice 2020-2021.
30/05/2021 – Stade de la Beaujoire :Fossoyeurs, pilleurs de tombe, nécrophiles…@bakarisanogo5 et @BayatMogi n’ont rien trouvé mieux que de déterrer le cercueil du FC Kita pour lancer la soirée de fête à la Beaujoire pour le maintien du @FCNantes en @Ligue1UberEats.#KitaOut pic.twitter.com/ikOa7Oq2bH
— Rendez-nous le FCN (@rendezleFCN) May 30, 2021
Ce n’est que jeudi que les choses se sont remises à bouger en Loire-Atlantique, même si les facéties de « Waldemar Kiparle » sur Twitter avaient permis de rendre la semaine moins monotone. Alors que les premiers bruits de couloir dataient de février, la mise sur pied d’un projet de rachat du FC Nantes par des acteurs locaux et avec le soutien de la légende Mickaël Landreau a été officialisée, sous le nom « le Collectif nantais », pas dénué de sens dans ce coin de l’Hexagone. Présenté dans le détail et de manière formelle le lendemain pendant plus d’une heure et demie, le plan a de quoi faire rêver ceux qui attendent le retour d’un FC Nantes sain et lumineux. Un projet sous forme de SAS (société par actions simplifiée), qui bouillonnait depuis six mois et porte le sceau de Philippe Plantive, président du conseil d’administration de l’entreprise locale Proginov (éditeur de logiciels de gestion basé à La Chevrolière, au sud de Nantes), connue jusqu’ici pour être l’un des sponsors phares du FCN. L’idée est de réunir des fonds afin de proposer, d’ici quelques mois, « une alternative à Waldemar Kita, pas dans un scénario d’affrontement, mais de succession, avec un projet fondamentalement enraciné à son territoire, a présenté le dirigeant aux faux airs de Sérgio Conceição. On voit que parfois, la passion disparaît, l’engouement du public aussi, on ne se retrouve plus dans les valeurs. Cela a été au cœur de nos discussions avec les supporters. »
Une quarantaine de journalistes présents ! « La prochaine fois qu’on fera un communiqué de presse sur la société, je serai ravi d’avoir autant de monde ! » , plaisante @p_plantive le patron de @Proginov pic.twitter.com/mINUvxZ2F3
— Ouest-France Sports 44 (@OFsports44) June 4, 2021
Par souci juridique, les tickets d’entrée sont à 100 000 euros, « sans limite d’investissement ». On est donc loin de l’actionnariat populaire rêvé par l’association À la nantaise depuis une dizaine d’années. Et ils sont déjà sept entreprises, dont trois autres sponsors des Jaune et Vert (le groupe Millet, Artipole, LNA Santé), à avoir embarqué dans le train. « On a déjà réuni plus de deux millions et demi et ça ne fait que commencer. Vingt millions, ce serait sympa, pour avoir une assise qui nous permettrait d’exister, lâche Plantive. Quand vous entendez qu’une institution comme l’ASSE est à vendre à vingt millions… Mais il faut pouvoir faire un audit des comptes pour savoir la valeur réelle, pour le moment on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Il y a eu des histoires surprenantes avec les Girondins de Bordeaux récemment, donc si Waldemar se retrouve dans une déroute financière, on veut être prêt. »
Landreau et cinq anciens Canaris souscripteurs
Deux cas de figure sont envisagés : « Soit on récolte assez d’argent pour discuter directement avec Waldemar Kita, soit, en cas d’arrivée d’un nouvel investisseur, faire en sorte qu’il puisse s’associer à une union sacrée composée des supporters, des clubs amateurs, des entreprises et des collectivités. Mais il faut que l’investisseur rentre dans notre moule, avec une gouvernance ouverte, un CA auquel on peut siéger, un partage des décisions… Nous avons fait un business plan sur cinq ans. Le rêve, c’est d’être autonome et de n’avoir besoin de personne de l’extérieur. » Pour la partie comptable, Thibault François, président de Fastea Capital qui fait également partie du projet, a tenu à rassurer son monde : « Ça n’est que du cash, des fonds propres. On part sur des investissements sains pour voir sur le long terme. »
Gillet, Savinaud et Landreau
Surtout, c’est lorsque Landreau a pris la parole, non sans émotion, que la flamme s’est allumée. L’ancien portier, qui aurait en charge le volet sportif, a précisé qu’il était lui-même souscripteur, tout comme quatre de ses glorieux anciens coéquipiers à Nantes : Nicolas Ouédec, Nicolas Savinaud, Frédéric Da Rocha, Nicolas Gillet et Christophe Pignol, tous formés à la Jonelière sauf le dernier cité. « C’est ouvert à plein d’autres : c’est le collectif qui parle, ce sont des générations, a-t-il métaphorisé. Je dois beaucoup au FCN, toutes mes histoires profondes sont en interaction avec Nantes. Dans chaque club où j’ai pu aller, jamais je n’ai pu ressentir ce que Nantes m’a fait ressentir. Ce sont les sponsors qui m’ont sollicité, pour que je donne ma vision du club : un projet cohérent, en lien avec la formation et avec des valeurs. On veut respecter l’histoire, ceux qui ont marqué le club. Ça n’est pas le projet de Mickaël Landreau, c’est le projet d’un consortium. Raynald Denoueix, Jean-Claude Suaudeau valident la démarche, j’en ai même des frissons. Je sais que je vais prendre des coups parce que je suis en première ligne, comme quand j’étais leur capitaine(aux joueurs nommés plus haut)et que je protégeais un vestiaire, c’est mon ADN. On se construit à travers ça. »
⚠️Aux côtés de @mickalandreau et d’entreprises locales, voici quelques anciens joueurs impliqués dans « Le Collectif Nantais » , ce projet de reprise du @FCNantes qui est à la recherche d’un investisseur principal :Savinaud, Ouédec, Da Rocha, Gillet, Pignol… ?#FCN95 #FCN2001 pic.twitter.com/bybzaiX71I
— Simon Reungoat (@SimonReungoat) June 4, 2021
Kita n’avait d’ailleurs pas manqué d’égratigner l’ex-entraîneur du FC Lorient lorsqu’il avait eu vent de ce projet il y a trois mois. Dos au mur, l’homme d’affaires franco-polonais s’est montré assez ferme concernant une éventuelle vente, à l’occasion d’une nouvelle interview lunaire dans les colonnes de L’Équipe : « C’est une question qu’on me pose depuis plusieurs années, trois ou quatre fois dans l’année. Pour l’instant, on ne m’a pas donné les moyens, entre le stade qu’on m’a empêché de construire, et les terrains pour agrandir le centre de formation que j’ai attendus pendant deux ans.[…]Je ne peux pas être vendeur. Il n’y a pas de raison aujourd’hui de vendre. » Une chose est certaine : il faudra des épaules solides pour être celui qui le fera changer d’avis.
Par Jérémie Baron, à Nantes et La Chevrolière
Tous propos recueillis par JB sauf mentions