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Kimpembe, roc en stock
Lancé en Ligue des champions pour la première fois il y a un an jour pour jour dans un huitième de finale aller remporté face au Barça (4-0) lors duquel il avait kidnappé Lionel Messi et Luis Suárez, Presnel Kimpembe fêtera mercredi soir, à Madrid, sa première année au plus haut niveau. Détail : malgré une courbe de progression parfaite, l'élève devrait une nouvelle fois se retrouver à l'ombre du tableau. Un choix qui se discute.
Et soudain, la coquille a explosé dans un fracas sublime. La veille, au moment de se glisser dans sa bulle, Presnel Kimpembe, 21 ans et moins de trente apparitions chez les pros, dont aucune en Ligue des champions, a prévenu son père : « Papa, je prépare ce match comme si c’était le dernier. » Ce match, c’est le Barça, un huitième de finale aller de C1 et une manche incertaine depuis que le mollet gauche du capitaine du PSG, Thiago Silva, a définitivement décidé d’abandonner. En se baladant entre les débats, on tombe sur des spécialistes patouillant dans l’inconnu. Forcément, on se questionne : de quoi ce gamin est-il capable ? Puis, on attend la réponse. Brutal : un 100% dans les interventions, 88% de passes réussies, des sorties de balle aussi aventureuses que maîtrisées, un torse bombé et un Parc debout. Il y a aussi ces trois secondes passées entre une passe foireuse de Kurzawa et un tacle dans le vide de Marquinhos : là, Kimpembe recule et croque Lionel Messi en deux temps. Tout ça a quelque chose de fascinant.
Gosse, lorsqu’on lui demandait ce qu’il voulait faire de sa vie, l’allumette de Beaumont-sur-Oise répliquait déjà : « Moi, je veux jouer au PSG, c’est mon club. J’aime Paris. » Mercredi soir, à Madrid, c’est un autre Presnel Kimpembe que l’on retrouvera : un joueur dont plus personne ne doute, qui attend toujours d’accrocher une première cape internationale sur sa veste, mais sur qui le sélectionneur national, Didier Deschamps, serre le marquage, mais surtout « un homme » . Un homme qui fêtera, aussi, le premier anniversaire d’une bascule dans la perception collective, probablement dans la peau d’un remplaçant, même si une titularisation en position d’arrière gauche n’est pas à exclure.
Concurrence biaisée et nouveau-né
Que reste-t-il du Kimpembe du PSG-Barça (4-0) joué le 14 février 2017 ? Tout, ou presque : un mélange de puissance, de relance propre et d’autorité naturelle. Son statut, lui, n’a pas totalement changé, même si Unai Emery l’a définitivement fait entrer dans une concurrence, biaisée par les statuts, que le Basque estime égalitaire avec Thiago Silva et Marquinhos. Cette saison, Presnel Kimpembe a joué autant de matchs de Ligue 1 que le premier (16), deux de moins que le second (18). En C1, c’est une autre histoire : le Français n’a été aligné qu’à une seule reprise – à Anderlecht (0-4), où Thiago Silva était absent – ce qui raconte pas mal de choses. Dès que l’on approche les sommets, Emery préfère faire confiance à ses Brésiliens, pourtant séchés ensemble à Barcelone l’an passé (6-1), à Munich en décembre (3-1) – où Kimpembe est venu remplacer Silva en cours de partie, alors que le scénario était déjà ficelé – ou plus récemment encore à Lyon (2-1). Un chiffre, pourtant : depuis qu’il a posé un premier pied chez les pros en octobre 2014 lors d’une victoire à Lens (3-1), Presnel Kimpembe n’a connu que deux revers avec son club formateur en tant que titulaire toutes compétitions confondues.
Retour au jeu, où Kimpembe apporte des qualités physiques, là où Marquinhos et Thiago Silva parlent avant tout aux techniciens, et où Unai Emery, surtout, peine à gérer le statut particulier que possède son capitaine. À Paris, malgré les secousses, Silva est sacré, il faut s’y habituer. Invité à s’exprimer sur la gestion des bizuths au sein du nouveau XV de France récemment, Denis Troch, moustachu mystique devenu coach mental, expliquait : « Si on ne sort pas un nouveau-né sous prétexte que c’est l’hiver, on ne le rend pas plus fort, mais on le fragilise. » Pas faux, et l’histoire raconte que Presnel Kimpembe a peiné à cacher sa déception au moment d’apprendre sa non-titularisation à Munich le 5 décembre dernier. Compréhensible quand on sait que l’on parle de l’un des joueurs les plus réguliers de l’effectif parisien depuis le début de saison.
« J’ai dû en choquer plus d’un »
Oublions, Kimpembe, c’est autre chose. C’est une courbe d’évolution complexe : le meilleur ami d’enfance de Kingsley Coman, avec qui il partait notamment souvent en vacances, n’a jamais été le plus doué de sa génération. Lui ne dit pas autre chose au moment de s’expliquer dans L’Équipe en septembre 2016 : « Revenir de très loin ? C’est petit par rapport à ce que j’ai vécu. J’ai galéré quand même. Ma génération (95) était surclassée avec les 94, mais moi je jouais avec des plus petits : quand les autres partaient en tournoi, j’allais m’entraîner avec les 97-98. Alors que tout le monde signait pro, moi j’ai dû attendre la dernière année. J’ai vraiment eu du mal à décoller.(…)J’ai dû en choquer plus d’un ces derniers mois. À une époque, personne ne me voyait arriver ici. » Chaque fin de saison, la question se pose : faut-il persévérer avec un joueur dont le physique interroge et les qualités techniques avec ? Un temps, il pense à partir, mais Olivier Létang, alors directeur sportif adjoint du PSG, le rattrape par le col. « Il a été la bonne, et la seule personne, qui a cru en lui, qui a poussé pour lui offrir un premier contrat pro, ce qui n’était pas forcément l’avis des dirigeants, explique un ancien proche du vestiaire parisien. C’est même lui qui a signalé le joueur à la DTN à l’époque où il était approché par le Congo. Sans ça, il n’aurait peut-être jamais joué au PSG et n’aurait jamais été convoqué en équipe de France. »
Blanc a cru en lui, mais lui parlait peu. Unai Emery, lui, a décidé de le construire avec l’aide de certains joueurs, notamment Thiago Silva avec qui Kimpembe bosse l’aspect tactique du jeu. Hier, c’était avec David Luiz : « Il m’a aidé à être ce que je suis aujourd’hui. À la fin des entraînements, il me faisait bosser mon pied faible. Diagonale pied faible, il m’aidait à me positionner au moment du geste. » Aujourd’hui, Presnel Kimpembe est un produit que l’on regarde avec attention et qu’Emery apprécie là où le joueur lui répond en affirmant « qu’une fois sur le terrain, il n’y a pas d’ami, je ne connais personne » . C’est surtout l’histoire d’un changement de monde maîtrisé pour un jeune passé en quelques mois à peine de 8000€ à 180000€ mensuels l’an passé. Ainsi, on a envie de lui donner plus, de le voir dans les grands rendez-vous là où Unai Emery le laisse le plus souvent sous sa couette : pourtant, Kimpembe était du plus beau match de l’ère du Basque et il n’était pas du pire. Un jour, un journaliste a demandé à Julian Draxler quel était le joueur de Ligue 1 qui l’impressionnait le plus : il a donné le nom de son coéquipier. On revient au 14 février, Presnel Kimpembe est clair : « La Saint-Valentin, c’est sur le terrain. »
Par Maxime Brigand