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Khalida Popal : « En Afghanistan, la vie des footballeuses est en danger »

Propos recueillis par Tara Britton
Khalida Popal : « En Afghanistan, la vie des footballeuses est en danger »

Ancienne capitaine de l’équipe nationale afghane, Khalida Popal est aujourd’hui très inquiète. Après la prise de pouvoir des talibans, la jeune femme de 34 ans craint pour toutes celles qui ont, ces dernières années, osé défier les coutumes locales en tapant dans le ballon rond. Depuis le Danemark où elle a obtenu le droit d’asile en 2016, cette militante et pionnière du développement du football féminin en Afghanistan élève sa voix pour demander de l’aide afin de ses protéger ses « sœurs ».

Quelle est la situation à l’heure actuelle pour les footballeuses en Afghanistan ? Je prends régulièrement des nouvelles des joueuses et elles sont très inquiètes pour leur futur et leur sécurité. Avec le retour au pouvoir des ennemis des droits de l’homme, leur vie est en danger. Elles se demandent ce qui va leur arriver. Alors elles se cachent car les talibans sont partout. La plupart sont parties de chez elles et se sont réfugiées ailleurs, chez des proches car leurs voisins savent qu’elles jouent au foot.

Le compte Twitter de l’équipe nationale féminine afghane a notamment été effacé. Est-ce une volonté de votre part ? Oui, nous avons décidé de le supprimer afin de protéger les joueuses pour que les talibans ne puissent pas les identifier. Je leur ai également conseillé de supprimer tous leurs réseaux sociaux, effacer leurs photos, leur identité en fait. Ça me brise le cœur de devoir aller à l’encontre de tout ce qu’on a défendu ensemble ces dernières années, de voir tout ce que l’on a construit et ce pourquoi on s’est battues disparaître soudainement. Mais nous n’avons pas le choix.

Nous ne savions pas qu’un jour les militantes des droits de l’homme et les athlètes seraient abandonnées. C’est honteux et triste. Aujourd’hui, tous les rêves sont brisés.

Vous attendiez-vous à revoir un jour les talibans au pouvoir ? Jamais nous ne pensions qu’ils reviendraient si vite ! Nous sommes complètement sous le choc. Nous savions que notre ennemi n’était pas très loin, mais nous faisions confiance à la communauté internationale. Elle disait être là pour les Afghans avec l’envoi de soldats de l’OTAN et le soutien apporté au gouvernement. Nous ne savions pas que notre peuple serait trahi et oublié. Nous ne savions pas qu’un jour les militantes des droits de l’homme et les athlètes seraient abandonnées. C’est honteux et triste. Aujourd’hui, tous les rêves sont brisés. L’histoire se répète.

De votre côté, avec les quelques joueuses qui vivent à l’étranger et vos contacts, avez-vous le pouvoir d’aider vos consœurs à fuir ? À l’heure actuelle, aucune joueuse n’a pu se réfugier dans un autre pays. Je me sens impuissante car je n’ai pas d’avion pour les sortir du pétrin. Alors j’essaye d’attirer l’attention pour trouver du soutien et des moyens de protéger mes joueuses.

Les talibans voient dans le foot un marqueur occidental. C’est pourquoi ils nous ont toujours menacées et qu’ils risquent de tuer des joueuses parce que ce sont des personnalités publiques.

Pourquoi les footballeuses font-elles concrètement partie des cibles des talibans ? Avec quelques filles, nous voulions utiliser le football comme un outil d’émancipation des femmes. C’est ainsi qu’en 2007 est née l’équipe nationale féminine. À travers le football, c’est un mouvement que nous avons lancé. Un mouvement qui milite pour les droits des femmes et s’oppose frontalement aux talibans. Nous les avons d’ailleurs ouvertement désignés comme des ennemis, eux qui interdisaient aux femmes toutes activités, dont la pratique sportive, lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. En plus, ils voient dans le foot un marqueur occidental. C’est pourquoi ils nous ont toujours menacées et qu’ils risquent de tuer des joueuses parce que ce sont des personnalités publiques.

Au début, vous avez notamment commencé en jouant sur le stade où les talibans procédaient à l’époque à des exécutions publiques. C’est un acte militant extrêmement symbolique. C’était pour nous un moyen de leur montrer que nous ne les laisserions plus faire, eux qui ont exécuté tellement de femmes. On jouait là-bas en mémoire de nos sœurs assassinées.

Jusqu’à la semaine dernière, avant que les talibans ne reprennent le contrôle du territoire, nous étions presque 4000 femmes et filles à jouer partout en Afghanistan.

On imagine que développer la pratique du football pour les femmes en Afghanistan a dû être une tâche particulièrement compliquée, seulement quelques années après la fin du système de la charia sous l’ère des talibans. Bien sûr, faire évoluer les mentalités est un combat très difficile. Au début, nous n’étions que quatre ou cinq et nous avons fait beaucoup de sacrifices dans le but d’offrir un avenir meilleur aux prochaines générations de femmes et filles. Nous voulions qu’elles puissent avoir accès à l’éducation et à toutes sortes d’activités sociales. Nous les avons donc encouragées à s’émanciper en tapant dans le ballon rond. Une fois qu’on a été assez nombreuses, nous avons créé la première équipe nationale féminine. Je suis aussi devenue la première femme employée par la fédération afghane de football. Et jusqu’à la semaine dernière, avant que les talibans ne reprennent le contrôle du territoire, nous étions presque 4000 femmes et filles à jouer partout en Afghanistan. Et nous aurions pu continuer à développer tellement d’autres projets, comme encourager les femmes à devenir entraîneur ou arbitre, le tout malgré des menaces régulières.

Vous avez d’ailleurs été l’une des principales cibles de ces menaces au cours des dernières années. Des menaces qui vous ont forcée à tout quitter du jour au lendemain et à vous réfugier à l’étranger pour la deuxième fois au cours de votre vie.J’ai fui une première fois en 1996 quand les talibans sont arrivés au pouvoir. Ma famille avait alors reçu des menaces de mort parce que des membres faisaient partie du gouvernement. Nous sommes donc partis au Pakistan dans un camp de réfugiés, où nous sommes restés plusieurs années. La seconde fois, j’ai fui seule après avoir reçu des menaces de mort de la part des talibans. J’ai même été physiquement attaquée. Ils voulaient me tuer ainsi que mes proches. À cette époque, j’étais politiquement très active dans le pays pour défendre les droits des femmes et ça ne leur plaisait pas. J’ai donc été contrainte de m’enfuir. Après de longs mois, j’ai finalement obtenu l’asile au Danemark en 2016.

Comment se sent-on quand, comme vous à deux reprises, on est obligé de fuir de son pays ? Quand tu quittes ton pays, tu n’as aucune idée de ce à quoi ton futur va ressembler. Tu ne rigoles pas quand tu es réfugiée. Tu dois repartir de zéro et tu dois constamment soulever des montagnes. C’est très dur, ça marque.

Aujourd’hui voyez-vous un futur pour la pratique féminine du football en Afghanistan et les droits des femmes de manière générale ? Il n’y a plus aucun motif d’espoir, surtout dans une société dictée par le système de la charia que les talibans vont de nouveau appliquer. Je ne vois plus aucun futur pour la liberté et les droits des femmes.

J’encourage toutes les personnes qui veulent nous aider à mettre la pression sur leur gouvernement à travers les réseaux sociaux. Demandez leur : qu’en est-il des femmes en Afghanistan ?

Avez-vous un message à adresser aux personnes qui souhaitent aider d’une quelconque manière les Afghans et les Afghanes face aux talibans ? J’encourage toutes les personnes qui veulent nous aider à mettre la pression sur leur gouvernement à travers les réseaux sociaux. Demandez leur : qu’en est-il des femmes en Afghanistan ? Qu’en est-il de toutes ces fausses promesses envers les Afghanes ? Pourquoi avoir prêché de si belles paroles à propos des droits des femmes si c’était pour déguerpir juste après ? Pourquoi avez-vous décidé de vendre les Afghanes ?

Dans cet article :
Khalida Popal, capitaine de l’Afghanistan : « Notre crime ? Taper dans un ballon »
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Propos recueillis par Tara Britton

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