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Khalid Boutaib : « J’ai failli être technicien dans le nucléaire »

Propos recueillis par Sofiane Boumezbar
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Transféré au Paris FC en provenance du Havre lors du mercato hivernal, Khalid Boutaib a réussi ses débuts avec son nouveau club (un but et une passe décisive en deux matchs). Promis à un avenir de technicien dans le nucléaire et encore joueur de National à 27 ans, l'international marocain a connu une trajectoire hors du commun. Passé par la France, la Turquie et l’Égypte, KB9, 34 ans, revient sur l'ensemble de son œuvre. Entretien avec un homme qui a failli être technicien dans le nucléaire et qui est devenu technicien tout court.

Tu as ouvert ton compteur buts lors de ton deuxième match avec ton nouveau club. Quelle importance accordes-tu aux débuts dans une nouvelle aventure ?Pour tout joueur, c’est important d’être performant d’entrée. Pour mon premier match, je fais une passe décisive et une passe qui amène le penalty et lors du deuxième, je marque. C’est toujours bon pour la confiance. Après, je suis plus un joueur collectif, si je ne marque pas et que l’on gagne, je suis super content quand même. En exagérant, si je marque zéro but jusqu’à la fin de la saison et qu’à la fin, on monte en Ligue 1, je signe !

Quel regard portes-tu sur ton passage au HAC ? J’ai passé un an et demi au Havre. Il y a eu de bons moments, d’autres plus difficiles, mais j’ai toujours tout donné, comme à mon habitude. Après une opération et un an sans jouer, pas facile de revenir tout de suite au top. Au bout de six mois, j’étais revenu presque à mon meilleur niveau et comme je l’ai dit, j’ai tout donné. Maintenant, je suis focalisé sur le PFC.

Quel rôle a joué Thierry Laurey dans ta signature au Paris FC ?C’est la troisième fois qu’on travaille ensemble. Je l’ai connu au Gazélec, puis il a signé à Strasbourg et moi aussi. Aujourd’hui, je le retrouve à Paris. Il a forcément joué un rôle. À la base, je ne devais pas signer au PFC, je me dirigeais plutôt vers la Turquie et au dernier moment, le club s’est positionné. Le coach m’a appelé, le transfert était bouclé en cinq minutes. Quand tu arrives dans un nouveau club, en général, tu te demandes comment sont les joueurs, quelle est la mentalité du coach, sa méthode de travail, est-ce qu’il te veut vraiment, ce genre de choses. Là, j’avais déjà joué contre la majorité des joueurs, donc je les connaissais, et pour ce qui est du coach, je savais très bien à quoi m’attendre. Tous les éléments étaient réunis pour que je signe.

Pourquoi avoir choisi la Turquie ? Pour des raisons financières, mais pas que. Cette année-là, beaucoup de super joueurs ont signé en SüperLig : Nasri, Belhanda, Gomis, Feghouli… Ça a aussi pesé.

Obtenir trois montées avec le même coach, ce serait fou… Ça serait magnifique ! Trois montées avec le même coach et surtout trois clubs différents, ça serait incroyable. Je vais tout faire pour que ça arrive.

En 2017, tu as été transféré au Yeni Malatyaspor. Pourquoi avoir choisi la Turquie pour ta première expérience à l’étranger ?Pourquoi avoir choisi la Turquie ? Pour des raisons financières, mais pas que. À cette époque, j’avais trois offres : une de Turquie, une de Chine et une autre d’Arabie saoudite. Au niveau financier, les trois propositions étaient à peu près équivalentes. J’ai finalement opté pour la Turquie, car il y avait aussi un challenge sportif plus intéressant. Cette année-là, beaucoup de super joueurs ont signé en SüperLig : Nasri, Belhanda, Gomis, Feghouli… Ça a aussi pesé. Je devais déjà aller en Turquie un an plus tôt avant de m’engager avec Strasbourg. J’ai signé une saison avec le Racing, puis je suis allé en Turquie. D’ailleurs, j’ai vraiment apprécié le comportement de Thierry Laurey et du président Marc Keller au moment de mon départ de Strasbourg. Ils ont été très classes ! Beaucoup de personnes me critiquaient et ne comprenaient pas que je puisse quitter le club alors qu’on montait en Ligue 1. Eux sont montés au créneau auprès des supporters pour leur dire que j’avais été réglo et que j’avais dit dès le départ que je ne resterais qu’une saison. Cela faisait seulement trois ans que j’étais professionnel à cette époque. Il faut aussi comprendre qu’à un moment, l’aspect financier compte et que Malatyaspor me proposait beaucoup plus.

Pas trop difficile d’apprendre le turc ?L’année où j’arrive, il y a six joueurs francophones qui signent en même temps, ça aide. Et puis on avait deux traducteurs : un qui parlait anglais et espagnol et un autre qui parlait français, turc et serbe. Après, parfois, c’était freestyle ! Quand le traducteur qui parlait français n’était pas là, Michaël Pereira, qui a joué en Espagne, écoutait la traduction en espagnol et traduisait en français derrière. Même pendant les matchs, on avait toujours besoin de quelqu’un pour traduire les consignes du coach, je n’avais jamais connu ça jusque-là, mais on s’en sortait.

Le championnat turc est réputé partout dans le monde pour l’ambiance de ses stades. Cette réputation est-elle méritée ?Très méritée ! C’est la folie un peu partout, pas seulement dans les grands clubs. Il y a notamment une chose qui m’a marqué. Pendant les échauffements d’avant-match, quand on fait des 5 contre 5, ce genre de choses. Les supporters scandent ton nom, c’est un peu comme une convocation. À ce moment-là, tu dois t’arrêter pour aller les saluer. Ils chantent, te donnent de l’énergie, puis tu retournes à l’échauffement. Là-bas, tout le monde trouve ça normal, c’était trop bien ! Quand ça se passe bien, ils font ça pour tous les joueurs à domicile comme à l’extérieur. Dans les périodes difficiles, ils appellent seulement le capitaine…

Quel stade t’a le plus marqué ?Les trois gros ! Je me souviens qu’un an avant mon arrivée, Werner, qui jouait à Leipzig à l’époque, avait dû sortir lors d’un match à Beşiktaş en Coupe d’Europe. Les sifflets étaient tellement forts qu’il avait mal à la tête et n’arrivait pas à se concentrer. L’ambiance dans ce genre de stades est vraiment particulière. Quand tu joues là-bas, si tu encaisses un but, tu prends quand même quelques secondes et tu te dis : « Ah ouais quand même, c’est quelque chose. »

Quel était le rapport du club avec les supporters ?Là-bas, il y a souvent des personnes qui viennent visiter les installations, assistent à l’entraînement… Parfois, ce sont des hommes politiques, d’autres des étudiants ou des médecins. C’est un peu la guinguette, il y a des baklavas sur le côté du terrain, tu en prends un juste avant de commencer, tout le monde trouve ça normal ! (Rires.)

Tu as aussi joué en Égypte, destination moins fréquente pour les joueurs formés en Europe. Qu’est-ce qui t’a poussé à signer au Zamalek FC ?Le financier ! (Rires.) Non plus sérieusement, au moment où je signe en Égypte, il me reste un an et demi de contrat avec Malatyaspor. Zamalek me proposait trois ans et demi, ce qui m’aurait amené jusqu’à mes 35 ans, si j’avais été au bout de mon contrat. À la base, je n’étais pas très emballé à l’idée de signer en Afrique. Mais quand un club comme Zamalek qui joue le dernier carré de la Ligue des champions africaine tous les ans te propose un beau challenge sportif, accompagné d’un bon contrat de longue durée, c’est difficile de refuser.

Avais-tu d’autres propositions à ce moment-là ?Il y avait des rumeurs d’un intérêt de Galatasaray, mais rien de concret.

Comment évalues-tu le niveau du championnat égyptien ? C’est différent de l’Europe. Les Égyptiens sont très techniques en général. La plupart des joueurs qui ont participé à la dernière CAN avec l’Égypte sont des anciens collègues. J’ai joué avec Gabaski et Mostafa Mohamed, par exemple. Ce sont de vrais bons joueurs. Je dirais que globalement, le championnat est très technique, physique aussi. En revanche au niveau tactique, c’est en dessous de l’Europe.

Beaucoup de clichés circulent sur le fonctionnement des championnats africains. Y a-t-il des choses qui t’ont étonné ?En Égypte, sur les dix-huit équipes, il y en a au moins quatorze au Caire ! Au niveau du calendrier aussi, c’est un peu freestyle. Il n’y a pas de jour prédéfini pour les matchs, ni de stade attitré. Tu peux jouer le lundi, le jeudi, le dimanche… Et dans un même stade, tu peux être considéré comme étant à domicile ou à l’extérieur. Aussi, jusqu’en 2019, la Ligue des champions africaine se déroulait de janvier à janvier. L’année de mon arrivée (en janvier 2019), l’organisation a changé pour passer sur une compétition de septembre à mai. Une édition de la Ligue des champions venait de se terminer et pour pouvoir commencer l’édition suivante en septembre comme prévu, on a joué la compétition en 4 mois, de janvier à mai ! Parfois, on jouait un match de Ligue des champions pendant que le deuxième jouait une rencontre de championnat ou vice versa… Finalement, on a remporté la Coupe de la confédération, l’équivalent de la Ligue Europa. On a aussi été au bout en Coupe d’Égypte. Je me souviens avoir joué le quart de finale, la demi-finale et la finale en une semaine !

En 2018, tu participes à la Coupe du monde en Russie avec le Maroc. Tu avais imaginé un tel scénario quatre ans plus tôt, lorsque tu évoluais encore à Luzenac en National ?Quatre ans plus tôt, je regardais la Coupe du monde à la télé… Au mois de mars 2016, Patrick Beaumelle, l’adjoint d’Hervé Renard, m’appelle et me dit qu’il va venir me voir jouer. Je me suis dit : « Il se fout de ma gueule ! » Je ne m’y attendais vraiment pas. Il y avait Belhanda, Benatia, Boufal en équipe nationale du Maroc, tu te dis : « Qu’est-ce que je vais faire au milieu de ces joueurs ? » Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel de la fédération, et ça a été le début d’une belle aventure.

Piqué et Ramos, c’est le très haut niveau, et Iniesta, c’est la grande classe ! D’ailleurs, je ne me suis pas trompé, j’ai demandé son maillot dès la mi-temps !

Quel est ton plus beau souvenir en sélection : ton but contre De Gea, lors du match de poule de la Coupe du monde 2018 Maroc-Espagne, ou ton triplé face au Gabon en match qualificatif pour cette même Coupe du monde ?C’est trop difficile de choisir ! D’un côté, un but en Coupe du monde contre l’Espagne, c’est quelque chose, mais mon triplé à Casablanca, c’était la folie aussi. Tu joues chez toi, devant tes supporters, dans un stade plein avec une ambiance de fou ! Mes collègues, je les ai saoulés avec ces quatre buts ! Ils me disent : « C’est bon, on les a déjà vus. » L’hymne contre le Portugal en Russie avec tout le stade qui chante, c’était aussi fort en émotion. Allez, si je devais vraiment choisir, je dirais le triplé contre le Gabon. Ce jour-là, j’ai reçu tellement de notifications sur Instagram de personnes qui m’ajoutaient, s’abonnaient à mon compte ou likaient mes photos, que mon téléphone a buggé ! Je ne pouvais même plus utiliser mon portable. Je l’ai laissé dans ma chambre pour qu’il se décharge et j’ai pu désactiver les notifications.

Quel souvenir gardes-tu de ce fameux match contre l’Espagne ? Après coup, tu retiens surtout les faits de match qui peuvent procurer beaucoup de frustration (score final 2-2, l’Espagne avait égalisé dans les arrêts de jeu, NDLR). Plus globalement, Piqué et Ramos, c’est le très haut niveau et Iniesta, c’est la grande classe ! D’ailleurs, je ne me suis pas trompé, j’ai demandé son maillot dès la mi-temps !

Quel regard portes-tu sur les barrages pour la Coupe du monde 2022 de la zone Afrique, lors desquels le Maroc affrontera le Congo ?Il va falloir être solide à l’extérieur, parce que ce n’est jamais facile d’aller jouer là-bas. Essayer au moins d’aller chercher le nul et pourquoi pas placer une ou deux contre-attaques, puis finir le travail à la maison. En Afrique, c’est difficile. On critique sans se rendre compte de la difficulté de jouer là-bas. Parfois, il y a 40 degrés de différence avec l’endroit où tu joues habituellement. Certains hôtels n’ont pas la clim, pas d’eau chaude… Les terrains sont parfois dans un état désastreux. Je me souviens d’un match de CAN contre l’Égypte à Port-Gentil au Gabon. La veille, il y avait un mec qui jetait des brindilles dans l’herbe pour que le terrain paraisse plus vert à la télé ! La pelouse était catastrophique. Pour les équipes techniques ou les joueurs qui ont l’habitude de jouer sur des galettes, c’est compliqué.

Parfois, même les gens dans la rue m’appellent « Nueve ». Ils me disent que Benzema et moi, on se ressemble. On est tous les deux maghrébins, je jouais numéro 9 au HAC, lui aussi a le numéro 9 au Real. Quand on m’appelle comme ça, je réponds souvent qu’on a les mêmes initiales, mais pas la même carrière.

Tes coéquipiers disent souvent de toi que tu es celui qui met l’ambiance dans un groupe, tu es d’accord avec eux ?Je suis un peu un caméléon, on va dire. Je m’intègre vite, m’adapte vite. Mon surnom, c’est Zinzin, parce que je fais tout le temps le fou et j’aime bien rigoler. D’ailleurs, ça me fait bizarre, dans l’équipe, il y a beaucoup de jeunes, ils m’appellent l’ancien, alors que je fais plus de « bêtises » qu’eux.

Tu as un autre surnom : KB9. Oui, des joueurs m’appellent KB9, c’est mon deuxième surnom, on va dire. Parfois, même les gens dans la rue m’appellent « Nueve ». Ils me disent que Benzema et moi, on se ressemble, ça me fait rire ! On est tous les deux maghrébins, je jouais numéro 9 au HAC, lui aussi a le numéro 9 au Real. Après, quand on m’appelle comme ça, je réponds souvent qu’on a les mêmes initiales, mais pas la même carrière !

Tu as la particularité d’avoir obtenu la note de 20/20 au baccalauréat de mathématiques. Vers quel métier te serais-tu orienté si tu n’avais pas été footballeur ?Oui, j’ai eu 20 aussi en maths en BTS. En revanche les matières littéraires, ce n’était pas mon fort. J’ai failli travailler en tant que technicien dans le nucléaire. À 25 ans, j’ai eu une proposition d’embauche, mais je me suis dit que je me laisserais deux ans pour essayer de percer dans le foot et que si ça ne marchait pas, je m’orienterais vers une carrière dans le nucléaire. Beaucoup de personnes de ma famille travaillent dans ce secteur.

Pourquoi le nucléaire ? J’ai un BTS TPIL (Techniques physiques pour l’industrie et le laboratoire), c’est donc un secteur en rapport avec mes études. Dans ma région (il est né à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, NDLR), il y a beaucoup de centrales, donc beaucoup de personnes y travaillent. Et puis, tout le monde me disait qu’avec mes capacités, je pouvais envisager de me former en parallèle et d’évoluer très vite vers un poste de technicien supérieur. J’essaie toujours d’avoir des objectifs élevés, donc ce challenge m’intéressait.

Tu as signé au Paris FC jusqu’en juin 2023. Une fin de carrière au Maroc est-elle envisageable ?Pour ma fin de carrière, ça va être vraiment au feeling selon mon état physique et mon envie de continuer à jouer. Je pense que je peux jouer encore plusieurs années. Pourquoi pas dans des pays un peu plus éloignés. Pour le moment, je ne ferme aucune porte. Une chose est sûre, je vais tout donner pour aider Paris à monter.

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Propos recueillis par Sofiane Boumezbar

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