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Kevin Spadanuda (Ajaccio), du foot amateur suisse à la Ligue 1

Par Florian Porta
Kevin Spadanuda (Ajaccio), du foot amateur suisse à la Ligue 1

Débarqué l'été dernier à Ajaccio, Kevin Spadanuda n'est pas du genre à renoncer. En 2016, à tout juste 19 printemps, des douleurs au dos le forcent à mettre sa carrière sur pause. Temporairement ou définitivement, à l’époque personne ne lui apporte la réponse. Six ans plus tard, après être reparti du bas de l'échelle et s'être délesté de ses problèmes, il déboule en Ligue 1 en provenance de D2 suisse. Portrait d'un joueur qui s'est accroché à son rêve.

5 août dernier, l’Olympique lyonnais et l’AC Ajaccio bataillent depuis déjà 71 minutes lorsque Kevin Spadanuda se débarrasse de sa chasuble, achève rapidement son échauffement et vient taper dans la main de Cyrille Bayala. Quelques secondes plus tard, le natif de Bülach foule la pelouse du Groupama Stadium, devenant au passage le premier Suisse à porter le maillot de l’ACA, et ce, malgré la défaite des siens (2-1). Pourtant, six ans plus tôt, impossible d’imaginer que le joueur formé au FC Aarau atteindrait l’élite du football français. À cette époque, le revoir gambader sur les prés, un jour, paraissait déjà compliqué.

Rêve de gosse, problème d’adulte

« Je regardais beaucoup de matchs à la télé, et Kevin disait toujours :« Quand je serai grand, je serai footballeur. »C’était aussi mon rêve plus jeune, je n’y suis pas arrivé, mais je lui ai transmis », retrace Claudio Spadanuda, père de Kevin. Logiquement, il inscrit son rejeton au Grasshopper Club de Zürich. Sa progéniture y use ses premières paires de crampons avant de filer au FC Aarau en 2008. Dans l’Argovie, le milieu de l’ACA progresse, et vite. « Il avait un an de moins que les autres, mais il était toujours titulaire, rejoue Ranko Jakovljević, son coach en U18. Il était petit, maigre et avait du mal à s’imposer en match, mais ses dribbles, ses accélérations et sa créativité étaient déjà évidents. » Autant de qualités qui font prédire au Bosno-Suisse un avenir au sein de la prestigieuse Super League, la première division suisse, pour son jeune protégé. Coéquipier de Spadanuda depuis les U11, Raoul Giger abonde : « Il était le meilleur dans chaque équipe, techniquement, il était au-dessus. »

Il continuait en s’accrochant, mais les douleurs ne cessaient jamais.

Son rêve bascule au moment où sa figure juvénile voit ses premiers poils de barbe apparaître. Au cours de sa deuxième saison en U18, son dos commence à le faire souffrir. « Il continuait en s’accrochant, mais les douleurs ne cessaient jamais », raconte le paternel. Lui aussi aux premières loges, Jakovljević se souvient : « Il est allé voir différents médecins, je l’ai conduit et accompagné plusieurs fois. J’ai beaucoup parlé avec lui, mais j’étais parfois en colère, car il était impatient et n’allait pas régulièrement à la salle de sport pour renforcer son dos. » Pourtant lancé sur les rails d’une carrière professionnelle, celui qui vient de fêter ses 19 ans doit alors se résoudre à faire une pause, sans savoir s’il pourra, un jour, retrouver les terrains. « C’était très difficile pour lui, il ne pouvait pas imaginer sa vie sans football, mais les médecins ne pouvaient pas l’aider. Il a pratiquement fait le tour de la Suisse, mais personne n’a pu l’aider, retrace Arbnor Qerimaj, son meilleur ami, avec qui Kevin a un temps tenu une page, depuis disparue, sur les réseaux sociaux, AK Footballskills, consacrée évidemment au ballon rond. Il a commencé à douter, il savait qu’une période difficile l’attendait et il a passé beaucoup de nuits blanches. »

Logistique et fitness

« En Suisse, les jeunes ne doivent jamais rester à ne rien faire, ils doivent aller à l’école ou faire un apprentissage », précise Claudio Spadanuda. Écarté des terrains, Kevin choisit la deuxième option et se lance pour devenir logisticien. Parallèlement, il commence à visiter les salles de sport pour renforcer son dos. Et le jeune homme y montre même une certaine assiduité. « J’allais à la gym avec lui, parfois nous exagérions et y allions à deux heures du matin », se marre son pote Arbnor.

J’allais à la gym avec lui, parfois nous exagérions et y allions à deux heures du matin.

Et le football dans tout ça ? Le jeune Helvète ne reste pas longtemps éloigné des terrains, ou plutôt de la main courante. « Le terrain du FC Schinznach Bad(club de quatrième ligue, deuxième échelon le plus bas en Suisse, NDLR)se trouvait juste devant son entreprise de formation. J’y jouais pour m’amuser avec quelques amis. Parfois, il venait voir les entraînements et les matchs. Je voyais à quel point il avait envie de jouer, cela me faisait mal au cœur », rembobine Qerimaj. En plus de prendre du poids et des muscles, Kevin sent que tout ce travail de renforcement musculaire porte ses fruits et soulage ses douleurs. Suffisamment pour que son copain lui fasse une proposition : « Un jour, je lui ai dit qu’il n’avait qu’à participer et rester devant, que je lui passerais le ballon et qu’il n’aurait pas besoin de beaucoup bouger. Il a ri, mais a dit qu’il n’avait pas le droit de le faire et que cela ne servirait à rien. Il avait peur que ses problèmes au dos ne reviennent. » Ses inquiétudes finissent toutefois par s’estomper, et l’Argovien se laisse prendre au jeu quelques semaines plus tard. Plus d’un an après avoir arrêté, il rechausse ses crampons au FC Schinznach Bad, presque tout en bas de l’échelle.

Avance rapide

Logiquement, ses débuts sont hésitants, comme le rappelle Arbnor Qerimaj, très heureux de pouvoir jouer sous le même maillot que son pote pour la première fois : « Kevin était prudent, il ne voulait pas prendre trop de risques. Les premiers matchs, il ne jouait que quelques minutes pour voir si son dos tenait le coup. Tout s’est bien passé et à partir de là, il a joué 90 minutes à chaque match. » Comme le vélo, le football ne s’oublie pas. « C’était une machine à buts. Avec lui, nous en avons plus marqué en six mois que nous ne l’avions jamais fait auparavant », se souvient Antonio Gumina entraîneur du club amateur. Surtout, malgré ce contretemps dans sa progression, il n’a jamais lâché son objectif. « Kevin n’était pas frustré, il était très motivé, raconte Gumina. Il savait que s’il voulait revenir au niveau professionnel, il devait repartir de zéro. » Il ne lui faut que six petits mois pour entamer son ascension vers les sommets, direction le SC Schöftland, deux niveaux au-dessus, en février 2018.

Je te laisse un an pour démontrer que tu peux être professionnel. Si ça ne marche pas, tu retournes à ton apprentissage.

« Il s’entraînait le matin et l’après-midi, ce n’était pas compatible avec son apprentissage, rappelle le père. J’ai dit à Kevin :« Je te laisse un an pour démontrer que tu peux être professionnel. Si ça ne marche pas, tu retournes à ton apprentissage. » » Pari gagnant pour l’actuel numéro 27 de l’ACA, qui atterrit au FC Baden l’été suivant et accède à la quatrième division helvète.

Il ne se retrouve pas totalement en terre inconnue puisque l’entraîneur du club situé à 25 kilomètres de Zurich n’est autre que Ranko Jakovljević : « Grâce à notre bonne relation, j’ai réussi à le faire venir au FC Baden, même s’il avait d’autres propositions. » Un choix que celui qui est toujours chez les Rouge et Blanc ne regrette pas : « Dès le début, il a été notre joueur le plus important et le plus dangereux. Après seulement deux mois, j’ai contacté les directeurs sportifs d’Aarau et du Grasshopper Club de Zurich pour signer Kevin. »

D’amour et dos frais

Douze mois plus tard, il fête de nouvelles retrouvailles : celles avec le FC Aarau, club qu’il avait quitté trois ans plus tôt. « J’ai contacté Kevin quand j’ai été sûr qu’il pouvait s’imposer chez nous, rejoue Sandro Burki, directeur sportif des Unabsteigbaren.Il est venu s’entraîner avec nous pendant quelques jours, tout a été très rapide. L’entraîneur a été lui aussi convaincu, et lui s’est plu. » Au courant des problèmes physiques du joueur de 22 ans, l’ancien international suisse lui fait passer une batterie de tests et offre à l’ancien de la maison son premier contrat professionnel. L’occasion pour Kevin d’évoluer à nouveau avec Raoul Giger : « Son corps n’était pas au niveau de la Challenge League(la deuxième division suisse, NDLR). Il a démarré avec deux ou trois blessures, mais dès qu’il a eu rattrapé son retard sur ce plan, il est redevenu le meilleur, surtout techniquement. » Résultat, fin 2021, il se retrouve parmi les trois joueurs nommés pour être élu meilleur joueur du championnat – une récompense que recevra finalement Roman Buess du FC Winterthur, en janvier dernier – et est désigné joueur de l’année dans son club.

Moment choisi par l’AC Ajaccio pour venir frapper à sa porte. Le père peine à le croire : « Mon rêve, c’était que celui de Kevin devienne réalité. Je pensais qu’il découvrirait la Super League(la première division suisse, NDLR), je n’avais jamais imaginé qu’il aille en France. Je savais qu’il avait le potentiel, mais je ne pensais pas qu’il irait à l’étranger. Quand j’ai su qu’il avait l’opportunité d’y aller, je lui ai dit de dire tout de suite oui. »

Un premier contrat professionnel à 22 ans, avant de découvrir l’élite du football français à 25, une évidence pour le paternel, qui en plaisante aujourd’hui : « On a toujours une option A et une option B dans la vie, mais pour Kevin, l’option B, c’était aussi de devenir footballeur. » Une mission accomplie, ne reste plus désormais qu’à savoir jusqu’où il peut aller. Une question à laquelle seul ce mauvais sosie de Nekfeu peut répondre, et ce, dès vendredi soir face à ce qui se fait de mieux en France, le Paris Saint-Germain. Histoire d’entretenir encore un peu plus son rêve.

Dans cet article :
La Suisse et le Danemark dos à dos
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Par Florian Porta

Tous propos recueillis par FP.
Photos IconSport, FC Aarau et FC Baden.

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