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Kenny Lala : « Je ne me suis jamais pris pour quelqu’un d’autre »

Propos recueillis par Thomas Morlec
11 minutes

Arrivé libre au Stade brestois lors du mercato hivernal, Kenny Lala a grandement participé au maintien des Ty'Zefs. Un temps aux portes de l'équipe de France, le latéral droit revient sur ses retrouvailles avec la Ligue 1, son expérience contrastée en Grèce et son avenir.

Kenny Lala : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne me suis jamais pris pour quelqu’un d’autre »

Après cette défaite dans le derby breton face à Rennes lors de la dernière journée (1-2), quel bilan tu dresses de ces six premiers mois sous les couleurs du Stade brestois ?

C’est un bilan positif malgré tout, la mission est réussie puisqu’il y a le maintien au bout. Donc satisfait, je suis content, c’était un pari à faire et ça s’est bien passé, Dieu merci.

Tu as joué un rôle important dans ce maintien, notamment en délivrant une passe décisive face à Nantes. Est-ce que l’on peut dire que l’on a retrouvé Kenny Lala ?

Je pense qu’il n’a jamais été perdu, malheureusement quand on fait une bonne saison, on attend toujours que l’on fasse mieux lors des suivantes. Dans mes échéances, ça n’a jamais été facile. À Strasbourg, il ne faut pas oublier qu’on jouait le maintien. Après j’ai fait le choix de côtoyer l’Europe et finalement, je suis revenu parce que ça devenait compliqué avec l’Olympiakos, il fallait que je retrouve du temps de jeu.

Je pense que j’ai su montrer à ceux qui pensaient que j’étais fini que j’étais encore là pour un petit bout de temps.

Ce retour en Ligue 1 a été une renaissance pour toi ?

Aujourd’hui, je suis épanoui. J’ai retrouvé du plaisir, un vestiaire, un collectif avec qui on gagne et on perd ensemble. C’est le plus important, c’est pour ça que l’on joue au foot. Après, une renaissance, c’est un grand mot. J’ai toujours été ce Kenny, un peu nonchalant dans mon jeu avec ce côté rassurant, mais c’est sûr qu’en revenant, on remet de la lumière aux yeux du championnat français, c’est là que l’on m’a découvert. J’ai un certain respect en France, je pense que j’ai su montrer à ceux qui pensaient que j’étais fini que j’étais encore là pour un petit bout de temps.

Si on rembobine un peu, au mercato hivernal 2021, tu fais le choix de quitter Strasbourg. Un club qui t’a révélé et avec qui tu as notamment gagné la Coupe de la Ligue. Pourquoi est-ce que tu as choisi l’Olympiakos ?

C’était un choix d’Europe, je connaissais déjà des joueurs qui jouaient là-bas. J’avais suivi leur beau parcours en Ligue des champions cette année-là. Après, ils avaient terminé troisièmes du championnat, ce qui assurait la présence du club en Ligue Europa. Après ma bonne saison 2019, j’ai cherché à partir dès le mercato estival, finalement il n’y a pas eu d’accord avec le président et les clubs. Après cet épisode, ça a été compliqué de se relever. Je venais de loin, quand on essaye de faire un parcours, de donner le meilleur de soi-même, et que finalement, on n’arrive pas à franchir le cap… Je suis resté sur une déception, pour être honnête, mon début de saison dans la foulée n’est pas bon, dans ma tête je voulais essayer de m’épanouir ailleurs. L’Olympiakos a frappé à la porte au bon moment. Je voulais découvrir l’étranger, jouer une compétition européenne. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret.

 

Tu trouves un vestiaire francophone, avec la présence de Valbuena, M’Vila ou encore El-Arabi. Comment étaient tes relations avec eux ?

Il faut dire que quand je suis arrivé là-bas, tout s’est passé très vite. Trois jours plus tard, j’étais déjà sur le terrain. Mais quand tu arrives dans un vestiaire et qu’il y a M’Vila, qui a joué en équipe de France, Mathieu, Youssef et quelques très bons joueurs de Ligue 2 comme Mady Camara ou encore Ousseynou Ba… Quand tu te mélanges avec ces joueurs-là et que tu es accueilli par des cadres comme Mathieu et Youssef, l’intégration est tout de suite plus facile. J’ai beaucoup discuté avec le coach à l’arrivée, donc ça s’est fait naturellement. C’était une très bonne expérience.

Tu découvres un club qui jouait l’Europe, avec une forte concurrence notamment à ton poste avec Rafinha, Androutsos ou Dräger. Est-ce que tu peux nous raconter tes premiers pas en Grèce ?

Il a fallu ne pas arriver sur la pointe des pieds. Rafinha est parti dans la semaine où je suis arrivé, mais avec Dräger et Androutsos qui est un enfant du club, il fallait faire son petit chemin. L’entraîneur m’a rassuré en m’assurant que je pouvais être numéro 1, mais à partir du moment où les performances ne suivaient pas, mon statut pouvait changer, c’est l’exigence des grands clubs. Il faut des résultats, tout gagner. C’était une bonne chose, l’expérience c’est comme cela que ça vient.

Après 11 matchs joués lors de ta première saison, la seconde est bien plus consistante, puisque tu joues 40 matchs, et puis finalement, au mois d’octobre 2022, tu résilies ton contrat. Comment tu as réussi à le gérer mentalement ?

Je sortais d’une très belle saison, j’étais satisfait de moi, on avait été champions, demi-finalistes de la Coupe et on avait fait un beau parcours en Ligue Europa où on arrive à s’extirper d’un groupe compliqué (Eintracht Francfort, Fenerbahçe, Royal Antwerp, NDLR) avant de tomber en barrages contre une belle équipe de l’Atalanta. Après ça, je pars en vacances. La reprise, c’était vers le 16 juin avec le barrage de la Ligue des champions, et dès le 12, l’entraîneur (Pedro Martins) m’appelle et me dit qu’il ne compte pas sur moi pour la reprise, qu’il souhaite changer l’effectif, alors qu’un mois avant, on parlait d’une prolongation… C’est ce qui fait le charme de l’étranger. C’est une épreuve qui m’a renforcé. Au début, j’ai essayé de me battre, de m’entraîner pour regagner ma place, surtout qu’il y a eu plusieurs de changement coach en peu de temps (trois entraîneurs de juin à octobre, NDLR), deux d’entre eux ont voulu me voir pour me réintégrer dans le groupe, mais on prend de l’âge, de l’expérience, et j’ai fait comprendre que j’étais pas un petit, que je n’avais pas besoin de prouver à ce point. C’était soit j’étais dans un effectif ou je n’y étais pas. Après, on recherche le bonheur de partager une saison, mais je n’ai pas senti que c’était réciproque. Cela a pris un peu de temps parce que d’un côté, j’étais bien là-bas, mais finalement j’ai décidé de retrouver le bonheur ailleurs.

Sur quoi est-ce que tu t’es appuyé dans ces moments-là pour rester positif ?

Mon entourage et ma foi ont été les deux piliers. C’est grâce à eux que j’ai réussi à tenir. Cet épisode m’a permis de couper et de me rapprocher d’eux, mes petites étaient contentes d’être avec moi. Elles étaient heureuses d’avoir leur papa à la maison, alors que d’habitude, je partais jouer un match tous les trois jours. Dans ces moments difficiles, j’ai trouvé mon bonheur comme ça.

Sur Instagram, tu as carrément supprimé tes photos avec le club. Ce n’est pas anodin…

On cherche une certaine forme de respect et de reconnaissance. Quand on ne figure même pas dans un effectif… Après, ça se passait mal pour eux, j’étais toujours un joueur de l’Olympiakos et je recevais sur les réseaux des messages négatifs, alors que je ne jouais même pas, donc j’ai préféré prendre mes distances avec cela. J’avais tout coupé au niveau des réseaux et j’ai préféré m’éloigner de tout ça et le laisser à une autre personne pour qu’il puisse les faire vivre, parce que de mon côté, j’étais vraiment focus sur ma famille et je ne voulais pas entendre parler d’autre chose.

Mon entourage m’a bien fait comprendre que j’avais encore de belles choses à faire en Europe, un certain respect à aller chercher en revenant en Ligue 1.

Quand tout fonctionnait à Strasbourg en 2019, tout le monde parlait de toi en équipe de France, c’est un objectif que tu avais toi-même assumé. Comment tu as fait pour gérer l’après-hype ? 

Je ne me suis jamais pris pour quelqu’un d’autre, de supérieur. La hype, je l’ai sentie au niveau de l’équipe de France, vu mes performances je me disais que ça pouvait le faire. Mais je ne suis pas le style de joueurs à me dire : « Pourquoi je n’ai pas été sélectionné, j’aurai dû y aller. » Je ne me suis jamais placé en tant que victime. Je reste à ma place, et il se passe ce qu’il se passe. J’essaie de vivre mon football au jour le jour, c’est mon destin et je l’accueille les bras ouverts.

La meilleure méthode, c’est donc de se mettre dans son cocon ?

J’ai toujours été comme ça. Même sur mes réseaux, c’est mon entourage qui me force, mais à la base je suis dans ma bulle. Aujourd’hui, ça se passe bien dans mon football, mais je ne lis pas les journaux, ni les sites. Je n’ai jamais été dans cette optique, même si je reste conscient que c’est un outil important dans le football qui permet de s’exprimer et de faire passer certains messages et de créer une personnalité.

Finalement, tu arrives libre en janvier à Brest, sans trop faire de bruit. Qu’est-ce que tu te dis à ce moment-là ?

Honnêtement, à la base je ne pensais pas revenir en France. J’avais plusieurs discussions et des clubs étrangers d’intéressés dont le Moyen-Orient, les pays de l’Est, mais mon entourage m’a bien fait comprendre que j’avais encore de belles choses à faire en Europe, un certain respect à aller chercher en revenant en Ligue 1. Je me suis dit que c’était un nouveau défi. Je crois que ça s’est plutôt bien passé !

 

Certains ont pu se dire que c’était un pas en arrière de signer à Brest…

Ce n’est pas un retour en arrière, j’ai réussi mon pari de maintenir le club en Ligue 1. Après, chacun a une carrière différente, je peux comprendre surtout quand on regarde de l’extérieur, on se dit que c’est facile, que grâce à une belle saison dans une équipe de bon standing, on retrouve un challenge similaire, mais malheureusement, le football, ça va très vite. Quand je vois aujourd’hui le traitement qui est réservé à des joueurs comme Ronaldo et Messi… Il y a trois ans, c’étaient les meilleurs joueurs du monde et aujourd’hui on les met sur le côté pour ne parler que de Mbappé et de Haaland. On voit que ça va vite déjà pour les joueurs qui vont tout en haut, alors pour des mecs comme moi qui sont en bas de l’échelle, c’est encore plus compliqué de mettre les gens d’accord. Le terrain est le seul juge, et ce qui est bien, c’est qu’il ne ment pas.

Il y a trois ans, Ronaldo et Messi étaient les meilleurs joueurs du monde et aujourd’hui, on les met sur le côté pour ne parler que de Mbappé et de Haaland.

On a l’impression que tu as trouvé ici exactement ce que tu cherchais…

Sûrement, les signes ne trompent pas. Quand j’ai été contacté par le directeur sportif (Grégory Lorenzi, NDLR), il a tenu exactement le discours que je recherchais. J’ai parlé avec certains de ses confrères, notamment en Ligue 1, mais on me parlait directement de la performance, alors que lui évoquait le plaisir, de sourire, donc à partir de là, c’était une suite logique que je signe à Brest.

Qu’est-ce que t’a dit Grégory Lorenzi pour te convaincre ?

Il m’a dit qu’il avait besoin d’un joueur d’expérience, qui pouvait se projeter offensivement tout en prenant des responsabilités en défense dans les moments compliqués. Je me suis mis dans la peau d’un cadre, ce qui est tout sauf naturel chez moi, parce que dans un vestiaire, à mon sens, que tu aies 20 ou 30 ans, c’est pareil, mais quand on a de l’expérience, il faut savoir le transmettre, et c’est ce que j’essaye de faire dans le vestiaire.

Brest aura mon respect, et ils ont les arguments aujourd’hui pour que je reste, mais je ne ferme la porte à rien du tout, parce que j’ai encore des objectifs.

Est-ce que tu vas prolonger ton aventure avec le Stade brestois ?

Je reste encore en réflexion. Après, mes conseillers ont déjà commencé à discuter avec Gregory Lorenzi, j’ai dit que je voulais avoir au moins dix jours, profiter en famille et avec les amis, parce qu’un maintien, ça reste éprouvant. Il faut que je me vide la tête un peu, et après, on pourra discuter. Brest aura mon respect, et ils ont les arguments aujourd’hui pour que je reste, mais je ne ferme la porte à rien du tout, parce que j’ai encore des objectifs. Mais il y a moyen de s’entendre parce qu’on sait exactement ce que les deux partis veulent.

Tu parles d’objectifs, quels sont ceux que tu t’es fixés pour la saison prochaine ?

Mon objectif, c’est surtout de retrouver de la stabilité, trouver un projet sur deux années. Quand on sort comme ça d’une saison où l’on a été à gauche à droite et que l’on a des enfants qui grandissent, il faut retrouver un équilibre. La moyenne elle veut bouger, la plus grande veut rester au même endroit pour avoir des amis… Donc on essaye de mélanger tous les arguments entre la famille, le football et le plaisir pour que tout le monde soit heureux.

C’est quoi ton programme pour les vacances ?

Je vais à La Réunion pendant cinq jours avec des amis, et le reste, ça va être de profiter avec les proches. On se rend compte que ça passe vite les vacances, la reprise est programmée pour le moment pour le 3 juillet.

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