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Kelvin Amian : « En Italie, on mange de la tactique tous les jours »
Après avoir fait toutes ses classes à Toulouse, Kelvin Amian a décidé de quitter son nid pour traverser à l’été 2021 les Alpes et atterrir à La Spezia. Devenu un titulaire indiscutable des Aquilotti, le latéral droit revient sur ses débuts en Italie. Et parle forcément un peu du Téf'.
Ça fait bientôt deux ans que tu es en Italie. Il en est où ton niveau d’italien ?
On va dire que je comprends lorsque l’on me parle. Après pour parler, c’est un peu plus compliqué, je n’arrive pas encore à bien conjuguer. (Rires.) Mais ça va, on se débrouille.
C’est ta deuxième saison à La Spezia, comment jugerais-tu ton aventure jusqu’à maintenant ?
Positive. Malgré ma petite pubalgie au début de saison, j’arrive à jouer la quasi-totalité des rencontres. J’enchaîne et j’espère vraiment continuer comme ça.
Lorsque tu signes à l’été 2021, tu es le transfert le plus coûteux du club à l’époque. Ça t’a mis une petite pression ?
Pas du tout, ce n’est vraiment pas quelque chose que je regarde. Je savais que le club avait énormément investi sur plusieurs joueurs. Je me concentre sur le terrain et mes prestations, le reste ne m’intéresse pas. Ce que je voulais, c’était connaître une nouvelle expérience, dans un nouveau pays. Je ne suis pas arrivé ici par hasard, j’avais la volonté de partir à l’étranger. J’étais vraiment impatient de découvrir l’Italie, que ce soit le championnat ou la vie ici.
Pourquoi ce choix de La Spezia ? Le coach Thiago Motta, en poste l’an passé, t’a séduit ?
Mes agents m’ont très vite parlé de La Spezia qui était très intéressée par mon profil. La saison avant mon arrivée, c’est Vincenzo Italiano qui était en place (maintenant entraîneur de la Fiorentina, NDLR) et il avait validé mon profil. Mais comme il était en instance de départ, on voulait attendre et savoir qui allait être son successeur. C’est finalement Thiago Motta, et lui aussi m’a validé, on va dire. J’étais encore plus motivé. Lui et son staff parlaient français, donc cela a aussi facilité mon intégration. Ils m’ont très vite mis en confiance, c’était top.
Tu découvres un nouveau championnat réputé pour son exigence tactique. Ce n’est pas un peu une légende urbaine ?
Non, non, c’est bien réel. (Rires.) Aux entraînements, on travaille énormément les tactiques, mais aussi l’aspect physique. C’est vraiment physiquement que l’exigence est élevée. On progresse très vite à ce niveau-là. Pour ce qui est de la tactique, on en mange tous les jours. Au début, quand tu arrives, tu trouves ça un peu long, mais ensuite tu t’habitues et tu comprends que c’est important. C’est totalement différent de ce que j’ai connu à Toulouse. En Italie, on insiste beaucoup plus sur les petits détails, que ce soit avec ou sans le ballon.
D’un point de vue extérieur, la Serie A est perçue comme un championnat défensif et ennuyant. Tu avais aussi cet a priori ?
Je ne regardais pas vraiment le championnat italien avant mon arrivée. Mais j’ai débarqué avec mes proches, qui ont commencé à regarder les matchs. Ils étaient impressionnés par la qualité de jeu. Que ce soit les petites ou les grandes équipes, tout le monde cherche à ressortir proprement de derrière. Sur un six-mètres, le gardien ne va pas vouloir dégager. Bien évidemment, sous pression, on aura tendance à le faire, mais la première intention, c’est de jouer proprement, et ça, dans toutes les équipes du championnat. On a un match à venir très important contre la Sampdoria (lanterne rouge de Serie A, NDLR), il ne va pas falloir mettre le bus, il va falloir jouer sans complexe. Mais c’est la même chose contre les plus grosses équipes. On est parvenu à jouer vers l’avant contre l’Inter (victoire 2-1) ou encore contre la Lazio (défaite 3-0). Même si on perd, on a montré de très belles choses dans le jeu.
À quel niveau le championnat italien est-il différent du championnat français ?
C’est au niveau collectif. En Italie, ça joue énormément en équipe, alors qu’en France, ce sont souvent les individualités qui priment, avec beaucoup plus de dribbleurs par exemple. Ici, c’est vraiment tous ensemble : on attaque collectivement, on défend collectivement. C’est un style de jeu totalement différent de ce que j’ai connu en France. Lorsque tu regardes la Serie A, tu remarques très vite cette notion de collectif. On peut gagner contre n’importe qui, même la Juve et le Napoli, la preuve, on l’a fait la saison dernière (victoire 1-0 des Aquilotti au Diego Armando Maradona en décembre 2021).
Sur quel aspect penses-tu avoir le plus progressé depuis ton arrivée à La Spezia ?
Surtout au niveau de la concentration. Vu qu’on travaille énormément, on se doit d’être concentré. Sur le terrain, je suis beaucoup plus sérieux et appliqué. Sinon, physiquement, j’ai senti une nette progression, je suis beaucoup plus costaud, je parviens à multiplier les courses.
Tu es un défenseur polyvalent, capable de jouer en latéral, dans l’axe, mais aussi piston. C’est quoi ta position préférentielle ?
Lorsque l’on joue à cinq défenseurs, je n’aime pas forcément évoluer en piston, je préfère être axe droit. Puis quand c’est une défense à quatre, c’est latéral droit. Ça dépend vraiment du système utilisé.
Justement, en tant que défenseur droit, tu t’es coltiné Rafael Leão, mais aussi Khvicha Kvaratskhelia. Le peuple veut savoir, qui est le plus fort ?
C’est Leão, il l’a montré encore mardi soir (en quarts de finale retours de C1 entre le Napoli et le Milan, NDLR). Il a une véritable puissance balle au pied, lorsqu’il te fixe, t’as beau tout essayer, mettre le bras, il est inarrêtable. Pour Kvaratskhelia, c’est différent, il fixe beaucoup moins que Leão. Techniquement et sur les appuis, il est certainement plus fort. Mais si tu parviens à le serrer, il est en difficulté et va jouer en retrait souvent. Alors que Leão est capable de se retourner et d’accélérer.
Il y a d’autres joueurs comme Rafael Leão qui t’ont fait vivre un calvaire ?
J’ai beaucoup aimé Ademola Lookman de l’Atalanta. Percutant, très vif sur ses appuis et qui est aussi capable de se retourner. C’est un joueur très dynamique, difficile à prendre, car il ne s’arrête jamais de bouger, il rentre à l’intérieur puis part sur le côté.
Pour en revenir à votre saison, vous êtes actuellement 17es avec trois petites longueurs d’avance sur la zone rouge. On aime jouer avec le feu à La Spezia ?
À l’heure actuelle, rien est joué. Par exemple, Lecce avait un matelas confortable, et actuellement, ils n’ont que deux longueurs d’avance sur nous. Il faut se montrer très vigilant dans ce championnat, gagner un match ne veut absolument rien dire. Ceux de derrière, ils ne gagnent pas forcément, mais ils font des matchs nuls et ils recollent petit à petit. Tout va se jouer dans les prochains matchs. Et donc là, le collectif fera la différence. Il faudra être soudé et que personne ne lâche. C’est le maintien ou rien. Maintenant, ça se joue sur des petits détails à chaque fois. Face à la Fiorentina par exemple (1-1), je n’incrimine personne, on a une grosse occasion dans les dernières minutes, mais on ne marque finalement pas. Et là, on perd deux points bêtement. Pareil contre l’Atalanta (2-2) plus tôt dans la saison, on mène rapidement 2-0, mais finalement, on ne tue pas la rencontre et on se fait remonter à la fin. Ce sont des points que l’on ne doit pas perdre. Résultat, on se retrouve à jouer avec le feu.
Après Thiago Motta et Luca Gotti, tu es désormais sous les ordres de Leonardo Semplici, le « Monsieur Maintien ». Comment ça se passe ?
Franchement, c’est top. Il nous apporte beaucoup de confiance, que ce soit au niveau tactique, mais aussi au niveau mental, dans la vie du collectif. Il nous répète souvent de ne pas se prendre la tête, de croire en nos capacités. Et cette confiance nous permet de jouer le football qu’il souhaite développer, Leonardo souhaite qu’on ressorte de derrière, qu’on fasse tourner le ballon et qu’on prenne du plaisir. Et depuis son arrivée, on a beaucoup plus la possession, mais il faut désormais qu’on se montre plus tranchant devant le but (depuis l’arrivée de Semplici, les Aquilotti ont joué sept matchs pour cinq nuls, une victoire et deux défaites, NDLR).
Rembobinons la cassette. Tu as quitté le Téfécé il y a deux ans sur une note négative avec ce barrage perdu face au FC Nantes. Même deux ans après, c’est un souvenir toujours aussi douloureux ?
Bien évidemment. J’avais vraiment à cœur de remonter avec mon club formateur, le club de ma ville. Ça fait toujours mal, mais il faut aussi savoir passer à autre chose. On avait vraiment une superbe équipe, mais Nantes aussi. Et comme dans chaque match, ça s’est joué à des détails, parfois injustes, comme ce penalty non sifflé qui aurait pu tout changer. Maintenant, quand je regarde comment le club s’est relancé, je suis plus que fier.
Si Toulouse était remonté, tu serais resté ?
Si la direction et le staff s’étaient montrés partants, pourquoi pas. Mais j’avais aussi vraiment envie de connaître une nouvelle aventure à l’étranger.
Le Téfécé va se maintenir aisément en Ligue 1 et va surtout disputer une finale de Coupe de France. Comment tu juges cette progression de ton club formateur ?
Je suis toujours de très près les prestations de Toulouse. C’est ma ville. Je regarde tous les matchs, et franchement, le travail réalisé par les nouveaux dirigeants est génial. Déjà, lorsqu’on était en Ligue 2 et qu’ils arrivent, ils se sont très vite montrés ambitieux. Même si on termine troisième de Ligue 2 et on joue ce fameux barrage, la nouvelle direction visait la Ligue 1, on devait viser encore plus haut. Et deux ans plus tard, on voit que le travail paye, sans oublier celui réalisé par les joueurs. Le projet mis en place est vraiment beau.
Est-ce qu’on verra Kelvin Amian dans les travées du Stade de France ?
J’avoue, j’ai regardé pour les billets. (Rires.) Mais pour faire le trajet La Spezia-Stade de France, c’est vraiment compliqué. Surtout, le lendemain de la finale, on a entraînement, étant donné que l’on joue dans la semaine. Je vais me concentrer sur le maintien, c’est mieux je pense. (Rires.) Je regarderais cette finale dans mon canapé.
La saison dernière, lors de la montée de Toulouse en Ligue 1, les caméras de beIN Sports avaient filmé un appel en visio avec Brecht Dejaegere depuis la pelouse. Tu es toujours proche de certains joueurs ?
Bien sûr, je parle quotidiennement avec justement Dejaegere, mais aussi Moussa Diarra avec qui je suis en contact de temps en temps. Mais l’équipe a aussi énormément changé, donc c’est plus difficile forcément de garder le contact. Pour ce qui est d’Amine (Adli) ou Manu (Koné), on discute un peu moins, mais je les suis, et on s’encourage mutuellement. Ce qu’ils réalisent tous les deux en Allemagne, c’est fantastique, mais je ne suis pas vraiment surpris. Quand ils sont partis de Toulouse, je leur avais dit que s’ils avaient la bonne mentalité, ils allaient tout exploser.
On te reverra un jour fouler la pelouse du Stadium ?
Peut-être, si je retourne en France et que je joue contre Toulouse. (Rires.)
Quels sont tes objectifs personnels ?
J’aimerais vraiment passer un cap. Actuellement, je joue le maintien, j’aimerais trouver plus d’équilibre, dans une équipe qui joue entre la douzième et la huitième place par exemple. Cela me permettrait aussi de beaucoup plus m’exprimer offensivement, de montrer mes capacités balle au pied. Quand tu joues le maintien, tu es plus cantonné à des tâches défensives.
Et l’équipe de France, qui se cherche toujours un latéral droit de métier ?
J’ai fait toutes mes classes avec les jeunes (U17, U18, U19 et espoirs, NDLR) de l’équipe de France. Et les joueurs qui sont actuellement en A, je les ai côtoyés, donc, je me dis pourquoi pas. Il ne faut pas brûler les étapes, c’est sûr, mais si j’arrive à aller dans un club intermédiaire en me montrant performant, tout peut aller très vite. On le voit par exemple avec Kolo Muani qui est parti de rien pour, en seulement quelques mois, devenir un titulaire chez les Bleus.
Propos recueillis parTristan Pubert