- Serie A
- J12- Naples-Lazio
Keita Baldé, un éclair dans le ciel
Alors que la Lazio passait un été mouvementé, notamment à cause du refus de dernière minute de Marcelo Bielsa de prendre les rênes du club, Keita Baldé en a rajouté une couche en s'engueulant avec sa direction, scellant, semble-t-il, son avenir du côté de Rome. Une habitude pour l'ailier sénégalais, qui a toujours entretenu une relation orageuse avec le club romain lors des périodes de mercato, avant de s'apaiser, pour continuer à faire profiter les siens de ses accélérations foudroyantes.
C’est un refrain que les supporters de la Lazio commencent à connaître par cœur, comme un vieux chant de supporters scandé inlassablement, semaine après semaine. Une petite musique qui se fait entendre à chaque période de mercato et dont les paroles restent inchangées depuis trois saisons : « Keita Baldé, mécontent, serait sur le point de quitter la Lazio. » Cet été, bien entendu, n’a pas fait exception. Et l’ailier sénégalais a été à deux doigts d’aller au bout de la drôle de relation d’amour-haine qu’il entretient avec la Lazio depuis son éclosion en Italie. Une idylle qui commençait pourtant sous les meilleurs auspices. Produit rebelle de la Masia, Keita Baldé débarque à Rome en 2011, où il ne joue que deux saisons en Primavera avant d’intégrer l’équipe première, à dix-huit ans seulement. Il y flambe immédiatement, alignant vingt-cinq matchs en Serie A et inscrivant cinq buts, confirmant ainsi sa réputation de Wonderkid. Car Keita Baldé n’est pas tout à fait un joueur comme les autres. À même pas vingt ans, le joueur s’affirme alors comme l’un des atouts provocateurs de la Lazio, où son goût du un-contre-un, sa vitesse de course et ses dribbles éclair, magnifiés par un coup de rein et un crochet extérieur démoniaque, font de lui un joueur de rupture unique.
Des éclairs avant la tempête
Sauf que, rapidement, la relation idéale que le jeune prodige entretient avec le club romain se gâte : Stefano Pioli, nommé à la tête de la Lazio en 2014, lui préfère le duo Felipe Anderson-Candreva sur les ailes. Si Baldé ne se démonte pas et se met en valeur lors de chacune de ses entrées, il n’hésite pas, du haut de ses dix-neuf piges, à demander plus de temps de jeu au technicien italien : « Si je m’entraîne aussi bien qu’il le dit, j’espère jouer plus dans l’avenir » , déclare-il ainsi en février 2015, après une victoire de la Lazio contre Palerme, où il a délivré une nouvelle prestation convaincante. Une sortie sans effets probants. Le Sénégalais termine la saison avec vingt-trois matchs au compteur en Serie A pour seulement six titularisations. L’orage gronde et la foudre Baldé frappe encore quand, début août 2015, Pioli le snobe royalement en ne le faisant même pas entrer en jeu en finale de la Supercoupe d’Italie. Le Sénégalais, excédé, demande à son agent un départ immédiat et est rapidement placé sur la liste des transferts… avant de mettre dix jours plus tard une misère monumentale à la défense de Leverkusen, en barrages de C1. Baldé, qui profite alors de la blessure de Klose, finit ainsi par s’apaiser, rassuré par ses titularisations à la pointe de l’attaque laziale.
Une accalmie une nouvelle fois éphémère, qui laisse donc place cet été à une tempête d’une force inédite. Baldé, échaudé par une prolongation de contrat et une revalorisation salariale qui se font attendre, entre cette-fois directement en conflit avec sa direction, dans une opposition qui ne cessera de gagner quotidiennement en férocité. Le Sénégalais commence par se fendre d’un communiqué tapageur à la mi-juillet : « J’aime et je respecte ce maillot, mais je ne peux plus accepter le traitement qui m’est réservé. Des promesses faites et jamais tenues. J’ai parlé plusieurs fois avec le président et le directeur sportif : mon point de vue, toutefois, ne semble intéresser personne. » Il sèche ensuite dans la foulée le début du stage de pré-saison, avant de revenir dans le groupe pro les nerfs à vif, ce qui lui vaudra même d’en venir aux mains avec son coéquipier, Senad Lulić, à la fin du mois. Le point de non-retour semble finalement atteint quand Simone Inzaghi, qui a pris la tête de la Lazio en avril dernier, reproche au jeune homme de simuler une blessure pour ne pas être intégré au groupe qui disputera la première journée de Serie A face à l’Atalanta fin août. Une accusation à laquelle Keita répond par un message incendiaire sur les réseaux sociaux : « Je ne laisserai personne douter de ma parole. J’ai bien un problème au genou… Il est étrange que quelqu’un qui a été joueur et a donc ressenti ces sensations ne puisse pas comprendre mon problème… » La réaction de la Lazio est à première vue au moins aussi épidermique : le club, qui ne croit pas à la version de son joueur, annonce dans un communiqué son intention d’assigner son attaquant hispano-sénégalais en justice : « La S.S. Lazio considère inacceptable le comportement du joueur Keita Baldé, qui a décidé de déserter le premier match de championnat en prétextant l’existence d’une blessure au genou gauche… »
Un câlin avec Simone
Le club du Latium continue néanmoins d’éconduire les offres de transfert qui pullulent pour son joueur, convoité selon les médias italiens par West Bromwich, Monaco et même le Real Madrid. La Lazio, une fois de plus, laisse passer l’orage. Keita, qui semble comprendre que son entêtement l’emmène droit dans le mur, finit aussi par se calmer. L’ailier retrouve donc les terrains, où son implication séduit immédiatement Simone Inzaghi, qui s’offre un gros câlin devant les caméras avec son ailier à l’entraînement le 6 septembre, avant d’enterrer une bonne fois pour toute la hache de guerre quatre jours plus tard. « On a beaucoup parlé de lui ces derniers temps, mais il est retourné sur les terrains avec un excellent état d’esprit. Il s’entraîne très bien, ce qui est très apprécié par le staff et ses coéquipiers. il est revenu de la meilleure des façons, maintenant, tout dépend de lui… »
Message reçu. Le lendemain, Baldé, entré en jeu à la cinquantième minute face au Chievo Vérone, claque une passe décisive de la tête pour son coéquipier Stefan de Vrij lors de la troisième journée de Serie A. Puis s’offre un débordement subluminique pour servir Immobile lors de la victoire des Biancocelesti face à Pescara la semaine suivante. Après une nouvelle entrée en jeu face au Milan, le joueur intègre le onze type face à Empoli lors de la sixième journée, une place de titulaire qu’il a depuis conservée. Bilan : quatre victoires, deux nuls en six matchs, le tout saupoudré des trois buts, déjà. Keita Baldé peut enfin savourer. Et semble temporairement prêt à oublier ses soucis extrasportifs : « Mon contrat ? Je ne parle plus de cette histoire de renouvellement, je veux uniquement penser au terrain et à l’équipe » , déclarait-il ainsi le premier octobre. La Lazio, elle, peut se féliciter de pouvoir compter à nouveau sur les fulgurances de son ailier sénégalais, mais se voit toujours contrainte de s’activer pour contenter d’une manière ou d’une autre son petit prodige. Sous peine de s’attirer une fois de plus les foudres de Keita Baldé, qui serait bien capable de strier d’éclairs le ciel sans nuages sous lequel la Lazio s’épanouit depuis le début de la saison. Une fois de plus.
Par Adrien Candau