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Katarzyna Kiedrzynek : « Jeune, je n’ai pas assez profité ! »
Charismatique, enjouée, bavarde et démonstrative, on entend Katarzyna Kiedrzynek arriver à dix kilomètres. Dans cet entretien, la gardienne polonaise du Paris Saint-Germain, 28 ans, se penche sur sa personnalité, son parcours, sa vie de femme, son rapport au football et à la vie.
Si tu devais te décrire en quelques mots…Assez ouverte, pas du tout timide, folle. Je pense être une bonne personne. J’ai un grand cœur, mais j’aime m’énerver, c’est bien de se réveiller parfois !
Quand on grandit, qu’on souffre, difficile de garder son ouverture d’esprit. Moi non plus, je n’ai pas forcément eu une vie facile, mais je suis toujours restée positive. Je n’ai jamais lâché, même dans les moments difficiles. Après, je n’ai pas connu de maladie grave, je n’ai perdu personne. Si ça m’arrive un jour, et je sais que ça va arriver, j’espère rester comme je suis, avec le même état d’esprit.
Tes défauts ?
Parfois, je m’énerve trop vite, de temps en temps avec raison et d’autres fois à tort, mais c’est la plupart du temps justifié. Je ne sais pas si c’est un défaut, mais j’aime faire n’importe quoi. J’ai besoin de me vider la tête, pas avec des narcotiques ou ce genre de chose, mais j’ai besoin de folie dans ma vie. Ça a du bon et du mauvais. De temps en temps, c’est bien de se calmer un peu, de sortir, d’aller boire une bière, profiter, faire comme tout le monde, décompresser.
Qu’est-ce qui te plaît dans le foot ? Difficile à dire. J’y joue depuis que je suis née. J’ai fait du handball aussi, jusqu’à 15 ans, mais j’avais le foot dans le sang. Enfant, j’aimais bien dribbler, marquer des buts, j’étais attaquante. Aujourd’hui, je prends plus ça comme un métier. Ce qui me plaît dans le foot, c’est rencontrer des gens, voyager, même si souvent, on ne voit que l’hôtel et l’aéroport. Sinon, j’aime l’ambiance des stades, les belles parades, l’entraînement. Même si c’est dur, même si je suis fatiguée, je suis contente, ça me plaît.
Ta relation avec le foot a changé depuis que tu es pro ? Avant, c’était aussi un travail parce que j’avais un contrat, mais je pense que c’était plus tranquille, je faisais ce que je voulais. J’avais 18 ans, j’étais folle. Aujourd’hui, j’aime venir à l’entraînement, pour faire du bon boulot, mais parfois c’est compliqué. Les coachs nous disent de prendre du plaisir, mais on sait qu’on doit avant tout faire notre travail. Il nous arrive de voir jouer des mecs à Bougival. On ne sait pas dans quelle division ils sont, mais ça se voit qu’ils prennent du plaisir. Parfois, quand on s’entraîne le soir, à 21h, c’est dur, mais pour eux, c’est du plaisir. Parfois, je les regarde et je me dis : « Putain, j’aimerais bien jouer comme eux » , sans pression, mais bon pour l’instant, je reste professionnelle et j’espère que je le serai le plus longtemps possible.
La Pologne ?
Ah, c’est un beau pays. Il ne faut pas écouter les gens qui disent que « si on est noir, on ne peut pas y aller » . Ce n’est pas vrai. Tout le monde est le bienvenu. Quand je parle avec les Français, ils me disent que c’est le problème de la Pologne, mais c’est n’importe quoi. C’est sûr que si on va dans un coin chelou, comme il y en a aussi France, on peut avoir de mauvaises surprises, mais c’est un beau pays. Ce n’est pas cher, on peut bien profiter de la vie, bien manger, bien boire, faire la fête. On peut visiter, on a la montagne, la mer, plein de villes et des trucs très beaux. Je n’ai d’ailleurs pas eu l’occasion de tout découvrir.
Ton père était gardien de but, comme toi. Oui, mais il n’était pas professionnel. Notre relation a toujours été bonne. Il était le seul à accepter que je joue au foot et il m’a acheté mes premiers crampons. Ma mère était un peu plus réticente. À l’époque, c’était dur pour une fille de pouvoir faire du foot, mais mon père a toujours été d’accord, mais je voulais être attaquante et lui souhaitait que je sois gardienne. On s’est embrouillés plein de fois pendant les matchs, donc une période, je jouais attaquante, et l’autre, j’étais gardienne.
Pourquoi voulait-il que tu sois gardienne ?
J’avais quelque chose, et en plus, j’étais gardienne de hand. Un jour, je suis allée dans les buts pour un match de foot, on a perdu 2-1, mais j’ai peut-être remporté 20 duels. Il était derrière le but et me disait quand sortir ou faire quelque chose. C’était un bon match, mais je ne voulais pas rester dans les buts. Lui me disait : « C’est plus facile de réussir si tu es une bonne gardienne. »
Ton père était tout de même ouvert pour l’époque.Il savait que j’adorais le foot, que j’aimais jouer. Le foot, c’était de 7h du matin à 23h. J’étais tout le temps avec un ballon. Il savait aussi que j’étais meilleure que beaucoup de garçons et il en était fier.
Tout à l’heure, tu as dit avoir vécu des moments difficiles. Mes parents ont divorcé quand j’avais 11, 12 ou 13 ans, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait, et puis ensuite, j’ai grandi et commencé à comprendre. S’ils se sont séparés, ce n’est pas sans raison. Ce n’est pas le papa ou la maman, les deux côtés ont leurs raisons. Quand on a un enfant, on ne prend pas cette décision à la légère.
Tu te vois avec des enfants un jour ? Moi, des enfants ? Oui, j’aimerais bien, mais je ne sais pas si ça sera possible. Je veux profiter au maximum du football. Je ne sais pas si je ne serai pas trop vieille.
Combien idéalement ? Deux, ce serait bien.
Qu’aimerais-tu leur transmettre ?
Leur donner le même exemple que mon père m’a donné : beaucoup d’amour, être ouvert, ne pas juger les gens, respecter tout le monde. Être souriant, mais ne pas cacher ses émotions. Je pense que c’est important, sinon on ne se sent pas bien ensuite. Je ne leur donnerai pas d’Ipad avant 15 ans, ça c’est sûr, pas d’ordinateur, rien ! Quand je vois que dès deux, trois ans, des enfants les utilisent… Dès qu’ils ennuient les parents, qu’ils commencent à crier, on leur donne. Ça va être difficile, mais je vais essayer de ne pas le faire.
Tu serais une maman dure ? Non, ce n’est pas possible. Là, on parle comme ça, mais ça va changer. J’irai dans les magasins et je leur achèterai plein de bonbons. Enfin plein… j’aurai toujours quelque chose de sucré à la maison, mais j’essaierai d’être le maximum possible dehors avec eux pour leur faire faire du sport. Pour tout ce qui est Playstation, ça sera clairement défini : une heure, deux heures par jour, c’est tout ! Je vais essayer, mais je sais que ça va être dur.
Un dernier message ? Yolo ! Vivre, profiter, ne pas avoir peur de faire les choses. On ne sait jamais quand tout ça va finir.
C’est quoi profiter de la vie ? Ne pas avoir peur de voyager, si tu as envie de faire la fête, fais-la. Si tu as envie de boire une bière fais-le, tu veux fumer du cannabis… fais-le, tranquille, lâche-toi, c’est le plus important. Quand j’étais plus jeune, je n’ai pas assez profité. Là, c’est un peu trop tard, je ne peux plus faire trop de conneries. À presque trente ans, ça ne ferait pas très bien. Mais il faut profiter en gardant la tête sur les épaules bien sûr. J’ai mis du temps à le comprendre.
Trop contraignante, la carrière pro ?
Un peu, mais c’est un choix. J’ai beaucoup de copines très attachées à la diète, à la rigueur. Il m’arrive de leur demander si elles sont heureuses… De temps en temps, si j’ai envie de manger un hamburger, je vais le faire. Si on est bien dans la tête, on est bien partout. Oui, c’est tout de même contraignant, on a des objectifs personnels et collectifs. Il faut gagner. Avant, je ne faisais peut-être pas autant attention. Je dis ça, mais en même temps, on ne peut pas dire que c’est dur parce qu’il y a des gens qui travaillent huit, dix heures par jour, sans compter qu’il faut préparer à manger pour les enfants en rentrant. On peut remercier Dieu d’avoir cette chance. Ce n’est pas tout le temps facile : la pression, les voyages… à un moment donné, c’est aussi fatigant. Donner tout chaque jour fatigue le corps et l’esprit. Peut-être que dans les vrais emplois, on peut se relâcher un peu plus, je ne sais pas.
Propos recueillis par Flavien Bories