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Kashima Antlers, taillé dans un bois brésilien
Le champion d'Asie ne peut pas être présenté uniquement comme l'ancien club de l'ex-Marseillais Koji Nakata. Il est surtout le club pionnier au Japon qui, en misant sur la filiale brésilienne, a entraîné dans son sillage tout un pays vers le professionnalisme. Le Real Madrid a eu droit à un aperçu en 2016, il peut en avoir une confirmation ce mercredi.
Le Real Madrid aurait peut-être préféré prendre une rasade de Chivas, ce mercredi à Abou Dabi, plutôt que de se farcir à nouveau les Kashima Antlers, vainqueurs du club de Guadalajara (3-2). Car en retrouvant en demi-finale de la Coupe du monde des clubs le vainqueur de la dernière Ligue des champions asiatique, il s’offre aussi un remake de la finale 2016 de cette même compétition. Un match où les hommes de Zinédine Zidane avaient sué pour venir à bout du club de l’agglomération tokyoïte, convié sur ce plateau en tant que représentant du pays organisateur de ladite édition, et disposé en un bloc infranchissable et infatigable.
Cette nuit-là, les Espagnols s’en étaient remis à deux buts de Cristiano Ronaldo en prolongation pour empocher un trophée que l’on présente souvent comme un dû pour l’équipe européenne. Deux ans plus tard, les Kashima Antlers se dressent à nouveau sur leur passage. Mais en plus du défenseur international Gen Shōji et de l’expérimenté gardien sud-coréen Kwoun Sun-Tae, les Merengues auront aussi affaire à la bandeira do Brasil de Kashima. À savoir l’ailier Leandro, le milieu défensif Léo Silva et le meneur Serginho. Sans ses bois, le cerf perdrait de sa superbe. Et sans ses Brésiliens, il en serait certainement de même pour les Antlers (soit les « ramures » ) de Kashima (signifiant littéralement « l’île des cerfs » ). Une vraie tradition pour le club le plus titré du Japon, avec ses huit titres de champion.
Zico à la baguette
Depuis le début des années 1990, ce sont 52 joueurs brésiliens qui ont trouvé sur ce port industriel situé à une centaine de kilomètres à l’est de Tokyo une bitte à laquelle s’amarrer. Parmi eux, un bon nombre d’anonymes sous nos longitudes, comme le pionnier Milton Cruz (médaille d’argent aux JO 1984 arrivé au pays du soleil levant en juillet 1990), ou le plus capé Bismarck (182 matchs en 1996 et 2002). Mais on y trouve aussi quelques solides références internationales comme Carlos Mozer, Leonardo, Bebeto et surtout Zico. Cette connexion brésilo-nippone peut trouver ses premières attaches dans les relations économiques centenaires entre les deux pays. Au début du siècle, ce sont des millions de Japonais qui servaient de main-d’œuvre à un Brésil en pleine expansion, au point d’y installer leur plus grande diaspora sur le globe.
Mais des décennies plus tard, c’est un Japon voulant pousser la porte du football professionnel qui demandera la monnaie de sa pièce à l’allié brésilien. La J-League venant d’être créée, c’est en Zico qu’elle trouvera alors son meilleur ambassadeur. Les Kashima Antlers bénéficiant du profond porte-feuille des Sumitomo Metals Industries, implantées dans le coin, ils pourront alors grassement payer le Pelé Blanc et profiter de son propre investissement sur place. Car Zico ne prendra pas son rôle à la légère. Les crampons raccrochés à 41 ans, il devient tour à tour directeur technique du club, puis entraîneur, tout en œuvrant pour le recrutement des autres stars brésiliennes, avant de prendre les rênes de la sélection nationale de 2002 à 2006. Quinze ans après son arrivée, les Samouraïs bleus ont co-organisé un Mondial à domicile et progressé de manière fulgurante.
Ordem e Progresso
Seize ans plus tard, Zico est de retour au pays, retrouvant son fauteuil de directeur technique au moment où son club s’apprêtait à accomplir le plus bel exploit de son histoire : remporter la Ligue des champions asiatique. Sur place, il y a trouvé deux Brésiliens, comme un héritage de ce qu’il avait laissé en partant. En plus du besogneux Léo Silva, c’est l’ancien espoir Leandro Moura, issu de la même génération que Neymar, Marquinhos, Lucas ou Coutinho, qui rempilait une deuxième année en prêt en provenance de Palmeiras.
Mais le bienfaiteur des Antlers a aussi apporté sa pierre à l’édifice en faisant venir Serginho. Un joueur de 23 ans qui est venu se relancer et rencontrer son idole. « Quand vous parlez de Kashima, vous pensez obligatoirement à Zico, expliquait-il à AS. C’est un roi au Japon, la personne qui y a fait progresser le football et l’a mis sur la voie de ce qu’il est aujourd’hui. Et puis, fréquenter Zico au quotidien est quelque chose que peu de footballeurs peuvent apprécier. C’est un peu le football sage. » Formé à Santos, il a été immédiatement décisif dans l’obtention du titre continental, avec 5 buts en 6 rencontres (dont en demies face aux Sud-Coréens des Suwon Bluewings et en finale face aux Iraniens de Persépolis), avant de remettre ça contre les Chivas en quarts de finale du Mondial des clubs. Vinicius Junior, son ancien partenaire au pays et nouvelle pépite du Real, sait d’où le danger viendra.
Par Mathieu Rollinger