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  • 18 avril 2001

Karl Power : du fauteuil roulant à Munich

Par Régis Delanoë
Karl Power : du fauteuil roulant à Munich

C’était un soir de C1 comme un autre à Munich. Le Bayern reçoit Manchester United, en quart de finale retour. Mais le si strict protocole précédant le coup d’envoi a été bousculé par un trublion venant s’incruster parmi l’équipe de Manchester pour poser devant les photographes. Son nom : Karl Power. Un drôle d’oiseau.

Un soir de Ligue des champions au stade, comment se passent les minutes avant le coup d’envoi ? Facile à décrire, vu que c’est toujours le même rituel. La musique ronflante pour l’entrée des joueurs, les gamins qui secouent un gros ballon en 2D dans le rond central, les 22 titulaires et le corps arbitral qui font face à la tribune officielle, puis la cérémonie des poignées de main entre les deux équipes, lesquelles se regroupent quelques instants devant les photographes pour poser, avant de se dispatcher sur le terrain pendant que les deux capitaines disputent le toss et échangent les fanions. Tout ça dure quoi, deux, trois minutes, guère plus ? Aucune place n’est faite à la fantaisie ou à l’improvisation. Pourtant, en ce lundi 18 avril 2001, un lad anglais et son grand pote d’enfance vont bousculer le protocole et faire le tour du monde à rendre jaloux notre Rémi Gaillard national. Ce soir-là, le Bayern Munich reçoit Manchester United, avec un avantage d’un but pour les Allemands acquis à l’aller en Angleterre une semaine plus tôt. Les Mancuniens vont donc devoir sortir un très gros match s’ils veulent se qualifier. Ils sont particulièrement concentrés quand ils se regroupent machinalement devant le parterre de photographes. Pourtant quelques têtes se tournent vers leur droite, où vient de surgir un douzième joueur qu’ils ne connaissent pas. Il est habillé comme eux, en combinaison extérieur de MU, maillot blanc siglé Vodafone, short, chaussettes, chaussures. Mais bon Dieu, qui est ce mec qui vient de se taper l’incruste ?

Son nom est Karl Power et d’après ce qu’il racontera peu après aux médias anglais, il a mis pas loin de deux ans à préparer son coup avec la complicité d’un ami d’enfance, un certain Tommy Dunn. Tous deux sont originaires de la grande banlieue de Manchester et des fans hardcore des Red Devils. Des vrais lads de l’Angleterre prolo, façon Shaun et Ed, les deux loustics de la trash-comédie culte Shaun of the Dead. Gamin, Karl a découvert la boxe. Au pays de Ricky Hatton, il aurait même été un bon espoir d’après ses dires, sauf qu’à l’adolescence, vers la fin des années 80, Manchester devient Madchester avec l’émergence d’une nouvelle génération musicale aussi folle que talentueuse, et notre bon gars Karl est pris dans le tourbillon. Il devient ami avec les membres des Happy Mondays, l’un des groupes les plus influents du moment. Plus question de faire du sport, tout juste de le suivre depuis les gradins. Ça tombe bien, à l’époque, un certain Alex Ferguson est sur le point de monter une belle petite équipe. Power est heureux, sa vie est fun. Elle va basculer en 1994, quand il est poignardé par erreur par un mec qui se serait trompé de victime. Sérieusement touché, « Fat Neck » – surnom donné à Karl par ses potes, du fait de son cou de taureau – est hospitalisé et manque de perdre l’usage de ses jambes. Il va passer cinq ans à se morfondre dans un fauteuil roulant. Alors quand il peut enfin se remettre à marcher, il est dans l’état d’esprit du gars qui veut bouffer la vie comme on engloutit un kebab en fin de soirée. Pendant que Shaun Ryder, le leader des Happy Mondays, décide de lui consacrer une chanson avec son nouveau groupe, un autre copain de longue date, Tommy Dunn, fomente avec lui l’idée d’un gros « coup » : pénétrer sur la pelouse avec les idoles de Manchester United.

Mais attention, Karl Power est peut-être un peu cinglé, mais il n’est pas un streaker, le genre à courir comme un dératé le zob à l’air en jonglant entre les membres de la sécurité. Non, sa technique à lui est plus subtile. Elle lui a été inspirée par Dunn, qui avait depuis quelque temps l’habitude de faire les déplacements européens de MU avec sa fidèle caméra. Celle-ci lui permet parfois de se faire passer pour un journaliste et lui ouvre les portes des vestiaires et des conférences de presse. La sécurité est laxiste, assure-t-il à son pote Karl un soir de pub entre deux pintes. Les deux se lancent alors dans leur grand projet. Ensemble, ils observent la manière dont se déroule un protocole d’avant-match et le chronomètre. Ils décident du bon timing pour entrer sur la pelouse et avoir juste le temps de se faire prendre en photo avec l’équipe. C’est au moment où le onzième joueur dans l’alignement, en l’occurrence Andy Cole, sert la dernière main adverse. Quelques secondes de flottement suffisent. Karl Power, 33 ans à l’époque, était arrivé avec Dunn à Munich peu avant avec la tunique complète de Manchester dans son sac. Au cas où, il avait même pris avec lui les deux autres jeux de maillot du club.
« Je le fais pour Eric »

Le soir du match, il se présente au stade, le short et le maillot dissimulés sous les habits d’un technicien de la télé. La sécurité le laisse pénétrer au bord de la pelouse. Il attend les poignées de main, commence à se déshabiller. Quand Andy Cole serre sa onzième main, c’est le moment, il débarque au petit trot et s’approche de l’équipe. Gary Neville le voit en premier, le pointe du doigt. « Tais-toi, je le fais pour Eric » , lui aurait gueulé Power. Son maillot est en effet siglé du numéro 7 de Cantona. Neville laisse faire, Roy Keane aussi, malgré son air méchant et insistant à l’égard de l’intrus. Clic, clac, les photos sont prises, elles vont faire le tour du monde. Le chômeur de Manchester devient une petite célébrité, qui refera le coup de l’incruste lors de diverses autres manifestations sportives par la suite : le Grand Prix de F1 de Silverstone, Wimbledon, un match de cricket, un autre de rugby… Son dernier happening ? À Old Trafford en avril 2003, un jour de match contre Liverpool, où il rejoue un but marqué par Forlán face aux Reds la saison précédente. MU finit par le bannir à vie du stade. Tant pis, Karl Power a cumulé assez de secondes de gloire pour obtenir le fameux quart d’heure de célébrité théorisé par Andy Warhol. Aux dernières nouvelles, il zone toujours du côté de Manchester, entraînant des gamins au foot et touchant un peu à la musique et à la boxe comme manager.

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