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Karl héros
Dix-septs buts en Ligue 1, en attendant celui qu'il a prévu de claquer à Toulouse ce samedi soir. Ce ne sont pas les statistiques de Mariano Diaz ou Radamel Falcao, qui comptent un pion de plus, mais bel et bien celles de Karl Toko Ekambi, attaquant du SCO Angers. Une saison majuscule, récompensée par un gros transfert en fin de saison, qui s'annonce déjà comme le record du club.
« En février dernier, on a eu des offres qui ont dépassé les 20 millions d’euros. On fera le record de vente du club, c’est une quasi-certitude » , expliquait il y a peu Olivier Pickeu, le manager général d’Angers. C’est désormais acté. À la fin de la saison, Karl Toko Ekambi va quitter le SCO, et voler vers d’autres défis. Courtisé cet hiver, notamment par des clubs de Premier League, le Camerounais aurait pu rapporter plus de la moitié du budget du SCO en un seul transfert. Mais Angers a bien compris que sans son attaquant de 25 ans, la course au maintien n’aurait pas été aussi facile. Alors Toko Ekambi est resté, et il remplit aujourd’hui parfaitement son contrat.
Véritable fer de lance de l’attaque angevine, il est aujourd’hui le cinquième meilleur buteur du championnat de France derrière Cavani, Falcao, Mariano et Neymar. « Dix-sept buts avec Angers, ce n’est pas évident. On n’a pas la possession, et on a moins d’occasions que Paris dans un match (Rires.) » , s’amuse Stéphane Moulin, épaté par son poulain. Avec ses dix-sept pions auxquels on peut ajouter cinq passes décisives, KTE est impliqué directement sur 58 % des buts de son équipe. En Ligue 1, il est même le joueur qui ouvre le score le plus souvent (douze fois). De quoi mériter son ticket de sortie pour services rendus à un club qu’il a rejoint en 2016. « Il mérite un club plus huppé » , assure son actuel entraîneur.
Moulin : « On a compris qu’on ne pouvait plus se passer de lui »
La saison dernière, pour sa première dans le Maine-et-Loire, le Camerounais est contraint d’évoluer sur un côté pour faire de la place à Famara Diedhiou, choisi pour assurer le rôle de buteur. Il inscrit tout de même sept buts depuis son couloir. Cet été, Angers décide de compenser le départ de Diedhiou en enrôlant Enzo Crivelli et Baptiste Guillaume. Mais la mayonnaise ne prend pas, et Toko Ekambi doit vite enfiler le costume de buteur. « C’est son poste de prédilection. Je l’ai toujours préféré dans l’axe. L’année derrière et au début de cette année, il a été amené à jouer à ce poste et a été performant à chaque fois. Au bout d’un moment, on a compris qu’on ne pouvait plus se passer de lui dans ce rôle-là » , expose l’entraîneur du SCO.
À partir du moment où il est replacé en pointe, Toko Ekambi enfile les buts comme des perles. Au regard de la confiance accumulée par son buteur, Angers commence à articuler son jeu autour de lui, pour lui. « Notre équipe est constituée en fonction de qualités de Karl, on joue pour le mettre dans les meilleures conditions, concède Moulin, avant de tempérer. Mais il faut aussi qu’on soit extrêmement vigilant à ce qu’il n’y ait pas l’équipe d’un côté et Karl de l’autre. Karl fait partie de l’équipe. Pour que les individualités ressortent, il faut que le collectif soit fort. Et ça, il l’a très bien compris. » Même avec l’importance qu’il a dans le succès de son équipe, Toko Ekambi a le mérite de ne pas surjouer, de ne pas jouer simplement pour sa pomme. « S’il y a une passe à faire, il la fait » , valide Moulin.
« On trouvera moins bien quoi qu’il arrive »
Hormis son talent face au but, où il a énormément progressé cette année, le Camerounais a d’autres qualités qui le rendent indispensable pour le SCO au-delà du plan comptable. Rapide, doué pour sentir les espaces à prendre, bon dribbleur, adroit dans le jeu combiné dos au but et travailleur, il présente une palette très complète. Alors, au moment où il va falloir franchir un cap en quittant le SCO, aura-t-il les capacités pour éviter de se perdre dans un club de bas de classement de Premier League comme bon nombre de joueurs de Ligue 1 ? Pour Stéphane Moulin, deux choses peuvent lui permettre d’éviter ce piège. D’abord, il a de l’ambition, « mais ce n’est pas quelqu’un d’impatient. Il continue son petit bonhomme de chemin, comme il dit. Sans se mettre de pression qui pourrait être négative » .
Ensuite, il a encore une marge de progression intéressante. « Il peut travailler son jeu de tête et être encore plus efficace devant le but. Il peut mettre encore plus de buts, car il se crée beaucoup d’occasions. Il a un énorme potentiel. Aujourd’hui, je ne lui vois pas de limites et il a la capacité mentale pour hausser son niveau de jeu sans problème » , poursuit Moulin. En tout cas, s’il progresse encore, ce ne sera pas au SCO. Et le club angevin sait très bien qu’il sera compliqué d’assurer « l’après-Karl » . « On ne pourra pas trouver un parfait copier-coller car ces joueurs-là sont uniques. C’est à nous de trouver quelqu’un qui rentrera dans le schéma, mais je pense qu’on trouvera moins bien quoi qu’il arrive. » Avec huit points d’avance sur le barragiste, Angers est quasiment sûr d’être sauvé, mais a déjà l’assurance qu’il faudra repartir au combat l’année prochaine. Avec un autre chef de guerre.
Par Kevin Charnay
Propos de Stéphane Moulin recueillis par KC