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Karim Benzema et les Bleus, rendez-vous manqués
Plus de quinze ans après sa première sélection, et au lendemain de la Coupe du monde, Karim Benzema a annoncé qu'il prenait sa retraite internationale. La conclusion d'une histoire qui ressemble à un rendez-vous manqué.
« Je me suis senti bien, et je suis content d’avoir fait gagner l’équipe. J’espère que ça va continuer », lançait un tout jeune Karim Benzema au micro de TF1, le 28 mars 2007. Moins d’un an après la finale perdue au Mondial 2006, l’attaquant lyonnais étrennait, face à l’Autriche, ce maillot bleu qu’il revêtira 96 fois supplémentaires. Cette soirée printanière, au Stade de France, le Gone la marque aussi avec son premier but en sélection, moins de dix minutes après avoir remplacé Djibril Cissé. Trente-six pions plus tard, plus de quinze ans après ce double dépucelage, le Brondillant a annoncé mettre fin à un mariage qui n’a jamais vraiment fonctionné. Pourtant, un pays entier, encore sonné par la défaite aux tirs au but face à l’Italie, comptait sur lui pour incarner, avec Ribéry, la génération succédant à celle de Zidane, Thuram, Henry, Vieira, Makélélé.
Vite dans l’œil du cyclone
Issu de la fameuse génération 1987, il est finalement celui qui a réalisé le plus beau parcours avec les Bleus. Ou le moins moche, question de point de vue. En matière de résultats, son aventure tricolore est une déception immense : éliminé en poules à l’Euro 2008, absent au Mondial 2010 (heureusement), sorti en quarts à l’Euro 2012 et à la Coupe du monde 2014, et crucifié par les Suisses en huitièmes à l’Euro 2021. Le Madrilène n’aura donc jamais joué de demi-finale avec l’équipe de France, elle qui en a disputé trois en six ans. Ce parcours résume finalement bien le rendez-vous manqué entre l’un des meilleurs attaquants français de l’histoire et sa sélection. Comme Éric Cantona, comme David Ginola ou Jean-Pierre Papin. La faute à qui ? Sûrement aux deux. Rapidement pris en grippe par une partie de l’opinion publique pour son look de rappeur, sa tendance à l’exhibitionnisme automobile, ou à certaines frasques maladroites, il a souvent été identifié à la période Knysna 2010. Tournoi auquel il n’a pourtant pas participé.
Un peu avant la débandade sud-africaine, il est mis en cause dans l’affaire Zahia, aux côtés de Sidney Govou, Hatem Ben Arfa et Ribéry. Avec son coéquipier bavarois, il est mis en examen pour sollicitation de prostituée mineure. Bien que les deux joueurs aient été relaxés en janvier 2014, cette affaire médiatique, couplée aux résultats peu reluisants de l’équipe de France, contribue à éloigner Benzema du statut de leader de la sélection. Sur le terrain, il n’affiche pas non plus une attitude qui donne envie de lui filer les clés du camion et de s’endormir paisiblement sur le siège passager. Entre juin 2012 et octobre 2013, il passe 1222 minutes sans marquer en Bleu. Une éternité. Dans le même temps, il souffre de la comparaison avec Olivier Giroud, joueur moins fantasque hors des pelouses, et qui claque en équipe nationale. L’inverse de KB9 à ce moment-là, alors que la génération 1987 se traîne une image dégueulasse.
L’affaire de la sextape, un divorce anticipé
Cette comparaison avec Giroud, franchement peu pertinente tant les profils sont différents, le Lyonnais n’a pas fait grand-chose pour l’arrêter. Au contraire. En 2020, le Ballon d’or 2022 se comparait à une Formule 1 pendant que le Rossonero n’était qu’un karting. Déjà six ans plus tôt, lors du Mondial au Brésil, les deux n’avaient pas montré le signe d’une entente parfaite sur le terrain. Pourtant, chez les Auriverdes, Benzema était en mission reconquête. Après le forfait de Franck Ribéry, et avant qu’Antoine Griezmann n’explose, il était la tête de gondole de l’équipe de Didier Deschamps pour cette Coupe du monde. Après trois buts en phase de groupes, il est même élu meilleur joueur du premier tour, mais il bute ensuite sur Manuel Neuer et sa main ferme en quarts de finale. À l’aune de l’Euro 2016 à la maison, son entente avec Griezmann sur le terrain est prometteuse, en témoigne sa passe décisive pour le Colchonero face à l’Arménie à Nice, puis celle du Mâconnais sur le premier des deux buts de Benzema. Son avant-dernier avant cinq ans et demi.
En novembre 2015, il est mis en cause dans l’affaire de la sextape. Avec Valbuena, contre qui il a été reconnu complice de tentative de chantage en 2021, il est écarté de l’équipe de France. Les politiques s’en mêlent. Patrick Kanner, alors ministre des Sports, et Manuel Valls, Premier ministre, se montrent récalcitrants à l’idée de réintégrer Benzema pour l’Euro. Près de six ans de bagne attendent le Nueve. En mai 2021, alors que le livre semblait définitivement refermé, il s’ouvre subitement. Didier Deschamps le rappelle pour l’Euro 2021 et pour former une attaque de feu avec Kylian Mbappé. Les Bleus échouent en huitièmes. Et cette fois, Benzema n’a rien à se reprocher puisqu’il colle quatre buts en quatre matchs. Il porte l’équipe lors de la Ligue des nations, puis rafle le Ballon d’or. La suite, on la connaît : une mystérieuse blessure juste avant ce Mondial, des rumeurs comme quoi il n’était pas si touché que ça, des messages énigmatiques sur Instagram, et donc une retraite internationale. L’une des clés pour une bonne relation, c’est la communication. Dans celle-ci, personne n’a jamais semblé comprendre l’autre.
Par Léo Tourbe