- C1
- Gr. G
- LOSC-RB Salzbourg
Karim Adeyemi, la menace fantasque
Double buteur et bourreau du LOSC au match aller (2-1), Karim Adeyemi devrait encore bien embêter la défense lilloise ce mardi. L'attaquant aux trois nationalités, viré par le Bayern dans sa jeunesse, est la nouvelle pépite du RB Salzburg, qui n'en finit pas de créer des monstres.
Si on vous dit : attaquant, gaucher, né dans les années 2000, passé par le RB Salzbourg, qui claque but sur but aussi bien en championnat qu’en Ligue des champions, vous auriez tendance à parler norvégien. Et vous auriez tort. La nouvelle folie de la filière Red Bull est allemande et se nomme Karim Adeyemi. À seulement 19 ans, il marche dans les pas d’Erling Haaland. C’est d’ailleurs indirectement grâce au Viking que le Bavarois est venu s’imposer dans l’effectif autrichien. Arrivé de l’autre côté des Alpes en 2018, il a d’abord été prêté au FC Liefering, succursale de Salzbourg en D2, avant d’être rappelé lorsque Haaland et Minamino ont quitté le navire à l’hiver 2020. Après une petite saison d’adaptation, le germano-roumano(maman)-nigérian(papa) affole les compteurs, tout comme les défenses adverses. Véritable prototype de l’attaquant (très) moderne, il peut compter sur une pointe de vitesse phénoménale, une finition létale et une propension assez hallucinante à supporter la pression. Il en est déjà, cette saison, à 15 buts en 23 rencontres, dont 3 pions (les deux tiers contre le LOSC) en 4 matchs de C1.
Un comportement qui posait problème
Comment diable un Bavarois comme lui a-t-il pu échapper au grappin du Bayern, superpuissance locale ? Adeyemi a bien enfilé le rouge de Munich entre ses huit et dix ans, mais a été remercié à la suite de problèmes comportementaux et de soucis de négociation avec les parents. « Il reste à prouver que le Bayern a estimé que j’avais un manque de discipline. Je ne pense pas que cela ait été le facteur décisif. C’est juste que ça ne collait plus avec eux, expliquait-il à Goal, concernant la fin de son aventure avec l’ogre bavarois. Nous ne nous entendions plus aussi bien. La relation entre mes parents et le directeur sportif de l’époque n’était plus ce qu’elle devait être. » Tout comme la Ruhr, la Bavière, surtout aux alentours de Munich, est une région où échouer dans un club n’est pas une fin, tellement elle regorge d’équipes de haut niveau.
C’est le SpVgg Unterhaching qui le récupère, lui et son bonnet d’âne. Les rumeurs de ses soucis extrasportifs, c’est-à-dire scolaires à cet âge-là, ne contribuent pas à le mettre en valeur, mais le diamant est si brillant qu’on veut bien prendre le risque de le polir. Jusqu’à son départ pour l’Autriche en 2018, il fait donc ses classes dans ce club de la banlieue munichoise, qui a connu l’élite du football allemand entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, aujourd’hui en quatrième division. « Il y avait le fait que l’école n’était jamais facile pour moi. Cela a non seulement énervé mes parents, mais aussi Schwabl », se rappelait-il. Schwabl, Manfred de son prénom, est le président d’Unterhaching, celui qui lui a imposé un cadre. Ancien milieu amoureux de sa région (né en Bavière, a joué 98% de sa carrière au Bayern, à Munich 1860, et à Nuremberg), il menaçait le jeune Adeyemi de le priver de football si son attitude en classe n’était pas exemplaire. Celui qui se décrit comme un hyperactif s’est mis à filer doux et a tapé dans l’œil de grandes formations européennes comme Chelsea, qui l’avait invité à Londres. Ou le Bayern, qui ne l’avait jamais vraiment perdu de vue, mais qui ne voulait sans doute pas s’embarrasser avec sa crise d’ado.
« Schwabl a contacté Uli(Hoeness). Le transfert devait coûter environ trois millions, ce qui était une somme trop importante pour un jeune de 16 ans à l’époque », se souvenait Karl-Heinz Rummennigge, l’ancien PDG du plus grand club allemand. Le temps lui fait aujourd’hui regretter l’oursin dans son porte-monnaie : « Maintenant, cela peut coûter un zéro de plus que ce qu’il aurait coûté à l’époque. » Finalement, Adeyemi a fait le choix de la raison en ne s’exilant pas en Angleterre et en privilégiant une structure qui a aussi fait ses preuves par la qualité de sa formation. Et puis, il n’y a même pas deux heures de route entre Munich et Salzbourg. Cette décision, remplie de sagesse et de maturité, lui a permis d’exploser et d’être appelé en septembre dernier par Hansi Flick avec la Mannschaft, devenant le premier joueur allemand après-guerre évoluant dans le championnat autrichien à être convié en sélection. Il ne lui a fallu que 18 minutes sous les couleurs nationales pour montrer ce qu’il sait faire de mieux : marquer. Si Lille n’est pas assez vigilant, il ne lui faudra pas beaucoup plus pour faire de nouveau sauter le verrou.
Par Léo Tourbe