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Karel Zeman : « Papa voulait que je fasse journaliste »
Zdeněk Zeman fête aujourd’hui ses 70 ans en officiant sur un banc de Serie A, à Pescara. Son fils Karel en a trente de moins et vient de maintenir la Reggina en Lega Pro (troisième division). Les deux partagent l’amour du football offensif et une gouaille totalement identique.
Il paraît que votre père ne voulait pas que vous fassiez l’entraîneur ?C’est exact. J’étais plutôt bon élève, il préférait donc que j’étudie, que je fasse une carrière de journaliste parce que j’aime beaucoup écrire. Je l’ai contenté en partie parce que j’ai obtenu une licence en langues étrangères avec la note la plus élevée. Il était content et je lui ai donc dit de me laisser faire ce que je voulais. J’ai commencé à entraîner les gamins, puis j’ai également passé mes diplômes, cette fois pour entraîner les grands.
Et vous, en revanche, vous voulez que votre père exerce encore à 70 ans ?Je suis heureux si lui est heureux, s’il s’amuse encore, je suis content qu’il soit sur le terrain. C’est à lui de décider quand il perdra la force et la motivation, tant qu’il les a, il est normal de continuer.
Vous l’avez suivi partout ?Oui, depuis l’âge de deux ans, j’ai pratiquement été toujours sur le terrain avec lui, je l’ai étudié et je l’ai évidemment encouragé.
Il était du genre à ramener le travail à la maison ou il séparait les deux choses ?Ce n’est pas une personne qui vit de tensions, il est très détendu quand il quitte le travail. Bon, il avait quand même son agenda sur lequel il prenait des notes de temps en temps pour inventer de nouveaux mouvements à proposer à ses joueurs.
Vous lui soumettiez quelques suggestions ? Non, en revanche, je lui suggérais des joueurs à acheter, et c’est même déjà arrivé et ça a fonctionné. Malheureusement, je ne peux pas dire de noms.
Tactiquement, vous avez tout pris de lui ?J’ai cherché à mettre en pratique ce que j’ai appris pendant plus de trente ans, les méthodologies peuvent être différentes, mais c’est pour atteindre le même but sans être sa copie exacte. Après, j’ai eu affaire à des effectifs différents de lui et ai donc dû changer mon système de jeu. Mais ce que je crois être le mieux et sais mieux enseigner est le 4-3-3.
Donc pas seulement le 4-3-3 ?Non, avec la Reggina, on a changé de tactique dans la seconde partie de saison, on est passé en 3-5-2. Mais la philosophie reste la même. Je n’aime pas les matchs qui finissent à 0-0, je préfère ceux où les équipes s’affrontent et essayent de l’emporter l’une sur l’autre, c’est ce que j’essaye d’inculquer.
Le maintien de la Reggina n’a pas été chose aisée.L’équipe a été repêchée en août, elle est partie en retard, on a construit l’effectif quelques jours avant le début du championnat, beaucoup n’étaient pas prêts physiquement et il manquait des joueurs que je voulais. On a souffert en phase aller, mais malgré nos ressources modestes, on a fait trente points en phase retour, un des meilleurs scores.
La Reggina veut revenir aux fastes d’antan ?La situation économique ne permet pas de rêver actuellement, mais dimanche, on a eu plus de 7000 spectateurs, des affluences qu’on ne voit pas chez certains clubs de Serie B. La ville mérite plus, mais il faut trouver les ressources économiques pour le faire.
Quelles ont été les étapes les plus importantes de votre parcours d’entraîneur jusqu’à maintenant ?Il n’a pas été très heureux, dans le foot amateur, il est difficile de trouver une équipe qui honore ses engagements économiques. J’ai payé à cause des clubs et j’ai mis ainsi plus de temps à émerger, mais je suis également content de ça, chaque expérience apporte quelque chose.
Avez-vous souffert de la réputation de « fils de » ?Ce n’est pas une chose fondamentale, déjà parce que j’y suis habitué depuis que je suis né. Maintenant, si on veut appeler ça un poids, je le supporte depuis tout petit. Et puis si une personne est douée, elle y arrive, sinon elle est destinée à disparaître.
Vous êtes fils unique ?Non, j’ai un petit frère, mais il n’est pas mordu de foot, disons que je suis le seul héritier footballistique de mon père.
Avez-vous eu la possibilité de travailler ensemble ?Même s’il a une grande confiance en moi et qu’il aurait probablement voulu, mon père préfère que je suive ma route. De toute façon, je ne le ferai jamais, car je n’aime pas le rôle de collaborateur ou d’adjoint, je préfère être le coach principal d’une équipe amateur. D’ailleurs, on ne parle pas tant que ça de foot entre nous.
Vous vous êtes affrontés lors d’un match amical il y a deux ans, c’était particulier non ?Il était à Cagliari en Serie A et moi à Selargius en Serie D. On avait ouvert le score sur penalty et ensuite, ils nous en ont mis cinq. Avant et après, c’était effectivement particulier, mais pendant le match, on oublie vraiment tout, et ce n’est pas une simple façon de dire.
Quel rapport entretenez-vous avec la Tchéquie, la patrie natale de votre père ?Moi, je suis né à Palerme, petit, je l’ai toujours vu comme quelque chose d’inatteignable, car mon père ne pouvait y retourner jusqu’en 1992. Par exemple, il n’a pas vu son propre papa pendant vingt ans, tandis que sa mère avait pu venir à plusieurs occasions. La première fois que j’y suis allé, c’est comme si j’y avais vécu avant même de naître.
Comment est-il perçu là-bas ?De ce que je sais, c’est la légende des entraîneurs, à chaque fois qu’on parle d’un nouveau sélectionneur, son nom revient toujours en premier parmi les supporters, journalistes et mecs du milieu, même si ça ne s’est jamais concrétisé.
Vous lui offrirez des cigarettes électroniques pour ses 70 ans ?Il a essayé, il les a à la maison, mais il n’aime pas et ne les utilise pas. J’espère qu’il s’apercevra que c’est mieux d’arrêter. De temps en temps, je lui demande s’il ralentit, mais bon…
C’est une autre caractéristique dont vous avez hérité ?J’en fume une seule par semaine, c’est comme si je ne fumais pas !
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi