- CM 2018
- Qualifs -Suède-France (2-1)
Kanté remplaçant, une blague ?
Meilleur joueur de Premier League et considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs milieux de terrain de la planète, N'Golo Kanté n’est pourtant qu’une doublure dans l’esprit de Didier Deschamps actuellement. Une situation paradoxale, mais presque logique au regard des idées du sélectionneur.
Sur le papier, la décision ferait presque rigoler. Alors qu’il vient d’être élu meilleur joueur de Premier League 2016-2017, qu’il a permis à Leicester puis à Chelsea de remporter le championnat haut la main, qu’il a enchaîné les prestations de haut vol et que la majorité des spécialistes le considèrent aujourd’hui comme l’un des meilleurs milieux défensifs du monde, N’Golo Kanté est contraint de poser son postérieur – qui déteste l’immobilité – sur le banc quand il rejoint la sélection. Depuis la fin de l’Euro, le Londonien n’a ainsi démarré que deux parties avec les Bleus sur les six rencontres de qualification pour la prochaine Coupe du monde. Soit un peu plus de 33 %. Loin, très loin des 92 % en PL avec les Blues d’Antonio Conte.
Un changement tactique défavorable…
Le constat est donc clair : dans la tête de Didier Deschamps, Kanté est un remplaçant. Comment est-ce possible quand on connaît les exploits de ce substitut de luxe, et les louanges qui lui sont adressées chaque week-end depuis deux ans ? Une des explications remonte au 26 juin dernier, date du huitième de finale de l’équipe de France contre l’Irlande. Après une première mi-temps ratée dans son 4-3-3 traditionnel, Deschamps opte pour un changement drastique à la pause : exitN’Golo, qui venait à peine de s’installer dans la pointe basse du triangle de l’entrejeu (sept titularisations à l’époque, trois durant l’Euro) à la place de Lassana Diarra, et bonjour le 4-2-3-1, avec la doublette Paul Pogba-Blaise Matuidi devant la défense. En bon pragmatique qu’il est, l’entraîneur n’a depuis changé ni d’idées, ni de système, les succès étant au rendez-vous. Jusqu’à la récente défaite en Suède.
Évidemment, la question concernant la concurrence brûle les lèvres : Kanté est-il vraiment inférieur aux deux autres éléments qui squattent son poste ? Ne pourrait-il pas apporter autant, voire davantage que Matuidi ? Il faut avouer qu’un binôme Kanté-Pogba, assez complémentaire en apparence, pourrait avoir de la gueule. Dès lors, il s’agit d’essayer d’emprunter le cerveau de la Dèche pour tenter de comprendre l’option qu’il privilégie. Car vu l’attitude exemplaire de l’ancien Caennais, imaginer un problème de comportement de sa part, qui irait à l’encontre de « l’esprit de groupe » cher à DD, serait faire fausse route. Se pourrait-il que son extrême timidité naturelle, qui contraste avec la médiatisation de Pogba et l’expérience de Matuidi, joue en sa défaveur ? Peut-être. Comme son défaut d’ancienneté par rapport aux deux autres loustics d’ailleurs, qui jouissent forcément des aventures fortes en émotion vécues avec coach Didier (le match nul en Espagne pour Matuidi, le barrage contre l’Ukraine, le Mondial 2014…).
… et des concurrents bien installés
Jean-Marc Furlan, lui, voit une autre explication. Selon l’entraîneur de Brest, qui a eu Matuidi sous ses ordres lorsqu’il évoluait à Troyes, Blaisou est tout simplement indispensable. « Il y a une idée de complémentarité et de leadership qui est fondamentale, parfois plus que le talent, éclaire-t-il. Blaise, c’est le joueur que tu mets le premier sur la liste. Point final. Quel que soit l’entraîneur. Il possède les basiques stratégiques qui le rendent essentiel à n’importe quelle équipe, et a énormément d’influence sur ces partenaires. » OK. Reste que son « rival » constitue tout de même le poumon d’un Chelsea qui a roulé sur l’Angleterre, qu’il est dans une forme inouïe depuis quelques mois et que la réussite lui colle actuellement aux basques. Dommage, donc, de s’en priver.
« Il faut bien prendre conscience d’une chose : on ne connaît pas tout, loin de là, reprend Jean-Marc Furlan. Il faut vivre avec le groupe pour avoir tous les tenants et aboutissants permettant d’expliquer ces choix que chacun d’entre nous se permet de critiquer. » Raison pour laquelle ces critiques doivent être émises « du bout des lèvres » : « Finalement, on ne possède pas les clés pour comprendre. Même moi qui suis entraîneur, je ne comprends pas les décisions concernant l’équipe de France. Pourquoi ? Parce que je suis un simple supporter de l’EDF. Et comme tous les autres fans de la sélection, je me contente de regarder et de juger. Pour comprendre, il faudrait être dedans, et en permanence. » Ou plus simplement que DD nous explique ce qui manque à N’Golo Kanté ?
Par Florian Cadu
Propos recueillis par FC