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Kamil Glik, cœur de Toro
Le défenseur polonais n'est pas qu'un surprenant co-meilleur buteur de son club. C'est aussi l'âme d'un Toro en manque de joueurs représentatifs ces dernières décennies.
C’est un peu le lot de trop nombreux défenseurs : on se met à parler d’eux quand ils font bien ce qu’on ne leur demande même pas de faire. Pour la grande majorité, Kamil Glik est donc un défenseur central qui excelle sur les coups de pied arrêtés offensifs avec des coups de casque imparables. Déjà auteur de cinq buts en un demi-championnat, cela fait de lui le meilleur buteur du Torino avec Fabio Quagliarella. Avant la victoire à Cesena dimanche dernier, il avait même inscrit à lui tout seul les quatre derniers pions de son club. Satanée dictature du but. Pourtant, à 26 ans, il s’impose également comme un des meilleurs défenseurs centraux de la Serie A. Pas un mince exploit dans un championnat qui n’a peut-être plus les mêmes exigences par rapport à ses grandes années, mais dans lequel il faut toujours posséder certaines qualités pour y tenir solidement son rang à ce poste.
Aller-retour Real Madrid-Pologne
Glik, c’est avant tout un bourlingueur à la trajectoire inhabituelle. Polonais certes, mais qui n’a jamais évolué dans les clubs phares de son pays, pas de Wisla, Polonia ou de Legia, mais des premiers pas au Wodzisław Śląski et Silesia Lubomia, dans les divisions inférieures avant de partir très tôt… en Espagne. À 18 ans, il se retrouve en effet au Real Madrid C alors en « Tercera Division » , soit le quatrième niveau espagnol. Une neuvième place après une année passée à affronter également la C de l’Atléti, mais aussi Torrejón, Las Rozas, Ciempozuelos et Rayo Majadahonda. L’expérience est sympathique, Glik connaît tous les coins et recoins de la Communidad de Madrid, mais le retour dans la Pologne natale est acté dès la saison suivante. Le voilà au Piast Gliwice, une équipe qui va le marquer à vie au point d’en porter toujours les protège-tibias lorsqu’il évolue avec la sélection : « J’y ai planté mes racines professionnelles et je serai lié à ce club pour toujours. J’ai même eu la satisfaction d’être le premier joueur du Piast à endosser le maillot de la Pologne » , confia-t-il à la presse italienne lors de son arrivée. En effet, la Botte sera sa prochaine étape.
Palerme d’abord, mais seulement pour six mois et quatre apparitions en Ligue Europa. Bloqué par la concurrence de Bovo, Muñoz et même le Roumain Goian, il file à Bari en prêt où il croise pour la première fois Giampiero Ventura, qui se fera cependant licencier après quelques matchs. Cette fois titulaire, ça se finit sur une relégation, la deuxième consécutive pour lui puisqu’il avait quitté le Piast sur une place de lanterne rouge. De retour en Sicile, il n’est même pas convoqué pour le stage de pré-saison. C’est à ce moment-là que Ventura se souvienne de lui et le fait signer au Torino. Le plus célèbre des bovins italiens a alors le moral dans les sabots et court après un retour en Serie A qui lui échappe depuis deux ans malgré les gros moyens investis. Un Toro qui a grand besoin d’être pris par les cornes pour être remis dans le droit chemin. Glik est l’un de ceux qui se chargera de cette mission délicate.
Nouveau condottiere granata et polonais
Le Torino court aussi après un passé glorieux qui le fuit depuis bien trop longtemps. La belle saison dernière n’a pas fait longtemps illusion, le club est vite retombé dans l’anonymat comme c’est régulièrement le cas depuis bientôt quatre décennies et le dernier Scudetto de 1976. Entre allers incessants entre Serie A et Serie B, les joueurs passent, mais marquent rarement l’histoire du club. Les tifosi granata sont en manque de joueurs représentatifs, et leur cœur est à prendre. Les deux derniers capitaines sont partis même sans qu’on cherche à les retenir : Bianchi en fin de contrat et Ogbonna carrément vendu à la Juventus. Et puis, il y eu ce tacle assassin sur Giaccherini lors d’un derby de l’automne 2012. Rouge direct et une cote de popularité qui grimpe en flèche malgré la défaite finale. Spécialiste en la matière, « l’animal » Pasquale Bruno déclara : « Fabuleux, en Angleterre, tout le stade aurait applaudi. Entre le tacle de Glik et Ogbonna qui échange son maillot avec les adversaires au coup de sifflet final, je choisis le premier. » Derrière cette tête de repris de justice… se cache bel et bien un véritable boucher.
C’est ce soir-là qu’on l’affuble du splendide surnom d’Assassin’s Glik. Pour l’honorer, il remet ça au match retour avec cette fois deux cartons jaunes. D’ailleurs, s’il devait marquer dans le derby, Kamil sait déjà comment fêter son but : « Je me mets à courir jusqu’à l’extérieur du stade et je pars faire le tour de Turin en maillot, chaussettes et crampons ! » Le brassard lui revient donc de droit à l’été 2013. De la rudesse certes, mais aussi de la solidité et des performances qui vont crescendo, au point de s’imposer également en sélection. Titulaire indiscutable de cette nouvelle génération polonaise qui domine son groupe de qualif de l’Euro avec un nul et trois victoires dont une contre l’Allemagne championne du monde. En attendant, il continue de porter fièrement le brassard du Toro, dont un de ses plus fervents supporters, le rappeur Willie Peyote, lui a dédicacé cette chanson et ce refrain : « Glik Glik Glik, je rentre chez toi avec un crick, soyons hardcore comme Kamil Glik. »
Par Valentin Pauluzzi