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Kalvin Phillips, jamais à court de batterie
Il porte le blase d'un personnage sorti tout droit d'une série britannique, enchaîne les drôles de coupes de cheveux, et surtout rayonne sur l'Euro avec l'Angleterre après avoir vécu sa première saison en Premier League. À 25 ans, Kalvin Phillips, l'homme d'un club sur la dernière décennie (Leeds), s'est fait une place de choix dans le onze de Gareth Southgate. Il faut dire que Marcelo Bielsa est passé par là.
Si les performances de Kalvin Phillips à l’Euro 2020 devaient être résumées en une seule statistique, il s’agirait sans aucun doute du nombre de pressings effectués. En quatre matchs et 360 minutes jouées, le milieu de terrain des Anglais en a fait 112, soit le deuxième plus gros total dans ce championnat d’Europe derrière l’intouchable autrichien Konrad Laimer (151), mais devant une meute de chiens assoiffés de ballons, y compris l’un des experts en la matière, N’Golo Kanté (94). Impressionnant ? Oui. Surprenant ? Absolument pas, tant cette dimension athlétique est devenue la marque de fabrique du joueur de Leeds depuis qu’il joue sous les ordres d’un certain Marcelo Bielsa. Comme par hasard.
Un diamant à polir
Ces capacités hors normes, Phillips les possède depuis presque toujours. Comme un don de la nature. Élevé dans le quartier de Bramley, au Nord-Est de Leeds, il grandit sans figure paternelle à ses côtés, ce dernier effectuant des passages très réguliers en prison, à quelques centaines de mètres seulement du centre d’entraînement des Peacocks. Et malgré cette proximité géographique, faire un petit détour par la case prison pour voir son père n’est pas la tasse de thé du jeune Kalvin. « Je passe tous les jours devant la prison, mais je n’aime pas trop lui rendre visite, avouait-il au Yorkshire Evening Post en novembre 2020. Je préfère l’appeler. C’est ce que l’on fait toutes les deux semaines. On parle de Leeds, du club, des fans et je sais qu’il est très fier de moi. »
Une situation familiale assez délicate qui n’empêche pas Phillips de montrer ses qualités sur un terrain de football sous le maillot du Wortley FC, un club de la banlieue de Leeds, puis de rejoindre le centre de formation du finaliste de la Coupe UEFA 2001 à l’âge de 14 ans, avant de disputer le premier de ses 211 matchs pros avec le club anglais à 19 ans, en avril 2015, lors d’une rencontre de Championship face à Wolverhampton. Il enchaînera quelques jours plus tard avec son premier but chez les grands, toujours en D2 lors d’une défaite contre Cardiff (1-2). Déjà à l’époque, le jeune joueur impressionne par ses capacités physiques, mais aussi techniques, qui font de lui un excellent box-to-box, rôle très apprécié en Angleterre. Cependant, sa marge de progression, pourtant évidente, tarde à exploser sous le maillot de Leeds. Jusqu’à l’arrivée de Bielsa sur le banc des Peacocks.
Bielsa-Phillips, duo gagnant
Quand le technicien argentin débarque dans le Yorkshire, Leeds est encore une équipe de Championship qui fantasme sur son passé glorieux, tout en végétant dans le ventre mou de l’antichambre de la Premier League. Mais la prise de pouvoir du Loco va transformer le club, ainsi que Kalvin Phillips, élément fondamental dans le système de pressing et de courses incessantes que l’ancien coach de l’Olympique de Marseille met en place. Conscient des qualités physiques de son joueur, le nouveau manager de Leeds décide de replacer Phillips au poste de récupérateur. Bingo, ce dernier s’éclate sous les ordres de son nouvel entraîneur, auquel le numéro 23 des Whites voue un énorme respect. « C’est un acharné, il est tellement passionné par le football, expliquait-il dans les colonnes de l’Athletic il y a quelques mois. Beaucoup de managers sont des passionnés, mais pas autant que lui. Il vit et respire football absolument tous les jours. » D’autant que l’ancien éphémère coach de Lille ou de la Lazio se montre intransigeant avec Phillips, au point de l’inciter à transformer son régime alimentaire pour améliorer ses performances.
Ces dernières n’échappent d’ailleurs pas à Gareth Southgate, le sélectionneur de l’Angleterre, qui le repère alors que Leeds est encore en Championship, avant de l’appeler pour la première fois en équipe nationale en septembre 2020, quelques semaines après le retour des résidents d’Elland Road en Premier League. Mais pas forcément pour jouer au même poste. « On lui demande d’être un peu plus haut que lorsqu’il joue avec Leeds, car nous savons qu’il a la technique de balle pour le faire, détaillait Southgate après la victoire contre la Croatie (1-0) lors de la première journée des poules de l’Euro 2020. Cela nous permet d’avoir plus de solidité au milieu de terrain tout en ayant un quatrième joueur à vocation offensive avec la présence de Mason Mount. » Un léger repositionnement de Phillips qui permet à Maguire et ses coéquipiers d’avoir une première ligne défensive de qualité et plus haute. Conséquence, avant le coup d’envoi des quarts de finale, la sélection anglaise est la seule depuis le début de l’Euro à avoir gardé ses cages inviolées, tout en ayant subi très peu de tirs adverses (6, seule l’Italie fait mieux avec 5 frappes concédées), avec un expected goals against (le nombre de buts encaissés attendus, une statistique qui met en valeur la force défensive d’une équipe) à 0,09, de loin le taux le plus faible des 24 équipes engagées dans le tournoi continental (l’Ukraine, deuxième, n’est qu’à 0,22).
Finalement, peu importe son poste, le « Pirlo du Yorkshire » met tout le monde d’accord sur son apport indéniable au sein d’un collectif, que ce soit avec Leeds ou l’Angleterre, et son intégration express (douze capes avec les Three Lions en moins d’un an) atteste de la qualité du garçon. Une qualité dont ne manquera pas d’user Southgate ce samedi face à l’Ukraine, alors que l’Angleterre pourrait participer à ses premières demi-finales d’un championnat d’Europe depuis 1996, et se met de nouveau à croire à son plus grand rêve : voir le football rentrer à la maison.
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : Retrouvez notre pronostic Ukraine-Angleterre sur le dernier quart de finale de l’Euro !Par Fabien Gelinat