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- J10
- Lyon-Saint-Étienne (2-1)
Kadewere, le rêve à moitié plein
Pas forcément brillant, l’OL a remporté le derby face à Saint-Étienne, ce dimanche soir (2-1), grâce à un seul homme : Tino Kadewere, auteur d’un doublé dont il avait rêvé plus tôt dans la semaine. Remplaçant au coup d’envoi, l’attaquant zimbabwéen a inscrit deux magnifiques buts qui permettent à Lyon de pouvoir se regarder dans la glace ce lundi. La Ligue 1 est désormais avertie, la fusée Kadewere est lancée.
Il est trop tôt pour savoir ce dont Tino Kadewere va rêver dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 novembre 2020. A priori, il ne devrait pas y avoir trop de cauchemars, mais il est certain que les supporters lyonnais vont désormais prêter attention aux phases de sommeil de leur attaquant acheté 15 millions d’euros au Havre l’hiver dernier. Pourquoi ? Parce que le joueur de l’OL a annoncé, sur Téléfoot ce dimanche matin, ce qu’il avait vu plus tôt dans la semaine : « C’est fou, mais j’ai fait un rêve il y a deux jours. Je marquais deux buts dans ce derby. Je ne sais pas, mais j’espère qu’il va se réaliser ».
17 minutes, 2 gourmandises
Entré en jeu à la 57e minute à la place de Moussa Dembélé et alors que Saint-Étienne menait au score, Kadewere avait alors 33 minutes pour réaliser son rêve. Il lui en a fallu 17 pour plier l’affaire et faire mordre l’oreiller à la défense stéphanoise. Les rabat-joies diront qu’il n’a eu qu’à pousser le ballon au fond des filets sur le centre de Maxwel Cornet pour l’égalisation ; les esthètes salueront l’appel de balle, la facilité à se démarquer et la délicatesse de la talonnade fatale (1-1, 65e). Le deuxième but, lui, mérite un roman. Sur une nouvelle passe parfaite de Cornet en première intention le long de la ligne de touche, Tino décidait d’appuyer sur l’accélérateur. Un coup de rein pour esquiver Mahdi Camara, puis des choses que des enfants ne devraient pas avoir le droit de voir sans l’accord de leurs parents. Le pauvre Harold Moukoudi, son ancien coéquipier au Havre, réalisait alors un fantasme du Français moyen : être spectateur d’un match de foot en 2020. La fin du show ? Un subtil extérieur du droit dans un angle fermé et alors que Jessy Moulin avait naïvement anticipé un centre (2-1, 74e). Il restait alors 16 minutes à Tino Kadewere pour se retenir, ne surtout pas céder à la tentation du triplé et préserver son rêve.
L’international zimbabwéen, qui sévissait en pointe au HAC et que Rudi Garcia utilise dans un couloir depuis le début de la saison, n’a pas terminé le match en roue libre. Pas le genre. On l’a alors vu s’arracher, défendre comme un chien tout en se montrant disponible sur les contre-attaques que collectionnait logiquement l’OL dans le money time. Et puis M. Letexier a sifflé la fin du match et concrétisé le rêve zimbabwéen.
Votre homme du match, Tino Kadewere a un message pour vous après son doublé lors de #OLASSE ! pic.twitter.com/uPrUYAkAln
— Olympique lyonnais (@OL) November 8, 2020
Prince de Normandie
Le casse-tête ne fait que commencer pour Rudi Garcia qui, après avoir titularisé Kadewere pendant un mois lors duquel il avait alterné l’excellent (Monaco) et le banal (Lille), avait décidé de le mettre sur le banc pour la venue de Saint-Étienne. Le trio Dembélé-Depay-Toko Ekambi ayant échoué pendant près d’une heure, il fallait revenir à la raison et lancer le natif d’Harare. Ce n’est pas la première fois que le buteur de 24 ans – arrivé en France en 2018 en provenance de Suède (Djurgårdens) – excelle dans un derby. La saison passée, il avait offert une masterclass sur la pelouse de Caen (0-3, un but, une passe décisive, mille frissons) qui avait remis toute la Normandie d’accord.
Le plus beau sourire de France, auteur de 20 buts en 24 matchs avec le HAC lors de cette frustrante saison 2019-2020, ne faisait pas encore l’unanimité au sein des supporters lyonnais. Il n’avait marqué jusqu’ici qu’un but (à Strasbourg), et l’époque est à la tendance de ne pas faire l’effort d’aller au-delà des chiffres. Les plus ingrats, pas du genre à aller se salir les yeux sur des matchs de Ligue 2, semblaient carrément ne pas savoir à qui ils avaient affaire. La décence invitait pourtant à faire preuve de patience avec un joueur dont l’arrivée dans le Rhône a été gâchée par un drame familial. En août dernier, le décès de son frère, Prince Kadewere, avait vivement ému ses nouveaux coéquipiers, qui lui avaient dédié la victoire face à Manchester City en quarts de finale de Ligue des champions. Le temps a un peu passé, Tino n’a rien oublié du tout, mais il reste debout. Tino Kadewere est définitivement un homme qui mérite de rêver toute sa vie.
Par Matthieu Pécot