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Juve-Barça: quand c’est flou, il y a un loup
Auteurs d'un début de championnat mitigé et encore en phase d'expérimentation tactique, la Juventus et le Barça se retrouvent ce mercredi en Italie. Un duel qui voit s'opposer deux formations qui ne sont actuellement plus au sommet de leur art et que les Catalans vont par ailleurs aborder délestés de leur président, Josep Maria Bartomeu, qui a démissionné ce mardi.
Andrea Pirlo n’a même pas essayé de s’en cacher : il a fini la rencontre agacé. Tenus en respect par le Hellas Vérone, ses joueurs, d’abord menés au score, ont arraché un terne match nul à Turin, dimanche dernier. Le second de suite en Serie A, après celui que les Bianconeri avaient concédé face à Crotone, le 17 octobre. Alors, le néo Mister turinois s’est décidé à mordiller les mollets de ses gars dans les médias pour la première fois de la saison : « Notre première mi-temps n’a pas été assez agressive, nous les avons attendus… Nous avons bien réagi après qu’ils ont ouvert la marque, mais nous ne devrions pas avoir besoin d’une gifle pour nous réveiller et jouer avec intensité. » Encore mal accordé, l’orchestre turinois n’avait alors plus beaucoup de temps pour bricoler une partition qui tienne la route : ce mercredi, c’est le Barça qui vient déjà toquer à la porte de l’Allianz Stadium. Un adversaire illustre, qui, comme la Juventus, se cherche encore collectivement et tactiquement.
Pirlo, les failles du système
De fait, ce choc-là voit s’affronter deux colosses qui ont temporairement perdu en dimension. Côté bianconero, l’échec cuisant de la saison dernière en huitièmes de finale de C1 face à Lyon a secoué les fondations d’un projet initié en 2018, dont Cristiano Ronaldo était l’un des piliers matriciels : le Portugais, positif au coronavirus et absent ce soir, devait être l’arme ultime qui allait permettre à la Juve de remporter une C1 qui lui échappe depuis 1996. Deux ans plus tard, Massimiliano Allegri et Maurizio Sarri ont successivement été évincés du banc juventino et le rendu collectif des prestations piémontaises ressemble encore à une bouillabaisse un peu fade, seulement pimentée par les inspirations sporadiques de ses individualités. Pour casser la routine et dépoussiérer son logiciel tactique, la Vieille Dame a donc fait confiance à Andrea Pirlo, dont le projet, que ce dernier veut structurer autour d’un 3-5-2 résolument offensif, est tout à fait alléchant dans l’idée.
La pratique est évidemment une chose plus complexe, comme en attestent les débuts poussifs de la Juventus en championnat : s’il a convaincu face à la Sampdoria lors de la 1re journée de Serie A (victoire 3-0), le 3-5-2 bianconero s’est encrouté face à Crotone et au Hellas. Entre-temps, Pirlo avait tenté de varier ses schémas de jeu en optant pour une défense à quatre face à la Roma et au Dynamo Kiev, avec un succès mitigé. Contre la Louve, la Juve n’avait pas particulièrement convaincu, l’utilisation de Ramsey sur l’aile gauche comme de Cuadrado au poste de latéral pouvant notamment susciter des interrogations légitimes. Face à Kiev en C1, la Vieille Dame, plus cohérente, mais jamais brillante, a aligné une formation en 4-4-1-1, avec Kulusevski et Chiesa sur les ailes, Ramsey en numéro 10 et Morata en pointe. Mais plus que le système, c’est l’animation qui pèche, comme le démontrent les dernières déclarations de Pirlo, agacé par le manque de rythme et de prise d’initiative des siens. Le retour de Paulo Dybala, titularisé face au Hellas le week-end dernier (il avait été auparavant ménagé par Pirlo, qui ne le jugeait pas encore au point physiquement), devrait permettre à terme de fluidifier le jeu juventino et de faciliter le liant entre le milieu et l’attaque. Reste qu’il faudra logiquement du temps et du boulot à cette Vieille Dame-là pour trouver les automatismes et circuits préférentiels qui lui permettront de gagner en épaisseur offensivement.
Koeman versus wild
Le Barça de Ronald Koeman se trouve a priori dans une situation encore plus complexe, où les incertitudes sur le pré se doublent d’une instabilité institutionnelle. Après avoir empilé les humiliations ces dernières saisons en Ligue des champions, les Catalans sont enlisés dans un projet sportif qu’on qualifiera au mieux de chancelant, au pire de décadent. L’entraîneur néerlandais le sait : l’équilibre du club blaugrana est particulièrement fragile. Surtout après le départ avorté de Lionel Messi cet été, qui n’avait pas caché vouloir dire adios à la Catalogne. Handicapé par un mercato atone, le Batave doit composer sans numéro 9 de métier, le club n’ayant pas pu compenser le départ de Luis Suárez à l’Atlético de Madrid. Dans de telles conditions, la formule tactique composée par Koeman n’a rien de magique : ce dernier table systématiquement sur un 4-2-3-1, avec De Jong et Busquets devant la défense, Coutinho (absent pour cause de blessure ce mercredi) en meneur de jeu, Ansu Fati à gauche et Messi en avant-centre de fortune.
Le poste d’ailier droit, un temps alloué à Griezmann, pose, lui, notoirement problème : le Français, condamné à évoluer dans un rôle qui n’est pas le sien, a commencé le Clásico sur le banc, puisque Pedri lui a été préféré dans le onze type. Mi-octobre, contre Getafe (défaite 1-0), l’ex-phénomène de la Real Sociedad avait été aligné dans une position d’avant-centre, sans davantage de succès. Face au Real ce week-end, c’est Messi qui a retrouvé la pointe de l’attaque. Un repositionnement qui n’est pas encore payant sur le plan statistique, l’Argentin n’ayant inscrit qu’un pion en cinq matchs de Liga cette saison. Le groupe catalan va enfin devoir composer avec les changements qui vont intervenir au sein de sa direction, Josep Maria Bartomeu, pressurisé de toutes parts, ayant démissionné mardi soir. En attendant que les choses se stabilisent en coulisses, Koeman va devoir quoi qu’il arrive assurer sa survie sur le banc blaugrana. Nul doute qu’une victoire à Turin lui permettrait de s’offrir une bouffée d’air frais bienvenue, au sein d’une saison déjà éprouvante mentalement côté catalan. Une respiration dont a aussi besoin la Juventus de Pirlo, dans une baston qui verra s’opposer deux clubs en quête de stabilité, comme de continuité.
Par Adrien Candau
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