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Justin, premiers baisers
Annoncé comme une star en devenir du football néerlandais, Justin Kluivert a démontré qu'il était peut-être l'une des plus belles prises du mercato d'été romain, en délivrant une passe décisive à Edin Džeko lors de la première journée de Serie A. Portrait d'un type en passe de s'émanciper de l'ombre de son paternel.
Pas de langue de bois pour lui. Au moment de débarquer à Rome, Justin Kluivert n’a pas cherché à blablater son monde : « Où je me vois dans dix ans ? À Barcelone… La Roma a cette politique de pari sur les jeunes… Désormais, je suis un de ceux-ci et c’est un motif qui explique ma venue. Ici, on peut progresser, et quand cela peut se concrétiser par une vente par la suite, cela avantage toutes les parties… » Un verbatim direct et incisif, comme l’entrée du gamin face au Torino dimanche dernier. Propulsé sur le pré à la 70e minute de jeu, le Néerlandais en a mis 19 pour se mettre en valeur. Un débordement indécent de vivacité sur l’aile droite, un centre dans la surface, une merveille de Džeko plus tard et la Roma empoche sa première victoire de la saison. Et s’enflamme déjà pour son nouveau joujou hollandais.
L’enfant sage
Souvent sollicité cette semaine pour parler du gamin, Eusebio Di Francesco a tenu à rapidement étouffer l’enflammade générale : « Il a encore besoin de beaucoup apprendre, notamment en matière de mouvements entre les lignes. Ce n’est pas encore un champion. » Bonne nouvelle pour le Misterromain, Kluivert a depuis longtemps appris à vivre avec la célébrité. Avec un blase comme le sien, impossible d’échapper au phénomène. Pourtant, nulle trace de sortie de route pour le nouvel ailier de la Roma, qui semble autrement plus discipliné que son paternel au même âge. Si papa Kluivert s’était construit dès ses vingt ans une réputation d’enfant terrible – il avait notamment provoqué un accident de voiture causant la mort d’un directeur de théâtre réputé aux Pays-Bas, ce qui lui avait valu trois mois de prison avec sursis en 1997 – le fiston s’est construit une image beaucoup plus lisse d’enfant prodige. Notamment parce que les erreurs passées de son géniteur constituent un garde-fou efficace : « Mon père a été très important pour mon développement parce qu’il est déjà passé par là. Il a vécu tout cela et vous ne pouvez qu’apprendre. »
Un casier vierge qui se double d’un CV de premier de la classe : intégré dès ses huit ans aux sections junior de l’Ajax, Kluivert signe son premier contrat de sponsoring avec Nike à 15 piges, passe professionnel à 17, se qualifie pour une finale de C3 face à Manchester United à 18 et signe donc à la Roma à 19, moyennant 17 millions d’euros. Le tout sans jamais faire de vagues ni trop faire parler de lui, du moins en dehors du pré.
Kluivert d’un nouveau genre
Le gamin, pourtant, a des choses à dire. Et des cases à cocher pour atteindre ses objectifs. D’abord, celui de se faire un prénom. Quitte à ne pas non plus suivre à la lettre ce que lui dit de faire papa : « Je lui avais personnellement dit qu’il serait mieux de rester un an de plus à l’Ajax, de faire des kilomètres pour être important pour l’équipe, expliquait récemment Patrick Kluivert. Il a 19 ans. Il est encore jeune. » Encore jeune, certes, mais déjà bien charpenté mentalement. « Je suis un type de joueur très différent de mon père » , assène Justin. « Oui, il a un physique et des qualités différentes, confirme le directeur général de l’Ajax, Edwin van der Sar. Il est rapide, il a les deux pieds et joue ailier, alors que Patrick était vraiment attaquant de surface. Justin est plus petit, mais il a aussi l’œil pour le but. Cette faculté de sentir les coups est ce qu’ils ont en commun. »
À écouter Kees van Wonderen, qui a entraîné Kluivert en sélection de jeunes des Pays-Bas, l’ancien Ajacide peut être même bien plus qu’un ailier qui bouffe la ligne de touche. « Il joue souvent à gauche, mais il est aussi dangereux à droite… Additionnellement, comme son père, il peut jouer attaquant axial si besoin. » Dimanche dernier, Di Francesco a choisi de l’utiliser sur le côté droit, même si Justin, interrogé par les médias italiens fin juillet, ne s’était pas privé de déjà s’exprimer sur la question : « Di Francesco veut m’utiliser comme ailier droit ? Je joue toujours à gauche pour rentrer avec mon pied fort. Je crois que cela est mon rôle idéal, mais franchement, peu importe. »
« C’est un garçon effronté, mais dans le bon sens du terme »
Une déclaration culottée, franche et instinctive, qui dessine le profil d’un joueur pas encore tout à fait formaté par la communication prémâchée du football professionnel. À droite comme à gauche, le Néerlandais devrait en tout cas profiter du turnover important pratiqué par Di Francesco, pour tenter de gagner sa place dans le onze type de la Louve. Pas moins de 19 joueurs avaient en effet participé à quinze matchs et plus de la Roma la saison passée. La concurrence pour l’exercice en cours s’annonce en revanche salée. Outre Kluivert, Perotti, Schick, Ünder et El Shaarawy sont en effet susceptibles de postuler une place sur les ailes. « Justin a du flair et c’est sa force, pose Peter Bosz, l’ancien coach de Kluivert à l’Ajax. Il n’a pas non plus peur sur le terrain. C’est un garçon effronté, mais dans le bon sens du terme. Il a ses émotions sous contrôle. » Une belle prouesse pour un môme de pas encore vingt piges, qui voudra prouver à Rome que son heure est déjà venue.
Par Adrien Candau
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