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Jusqu’où ira la hype Dimitri Payet ?
En France, c'était avant tout un joueur qui avait besoin d'un an pour s'installer dans un club. En Angleterre, Payet est tout simplement devenu la plus belle alternative aux superstars Messi et Neymar, l'antihéros qui a la cote.
Au départ, il n’avait pas vraiment la gueule de l’emploi. Cette saison, ce devait être pour Nabil Fekir, Ross Barkley ou Kevin De Bruyne. Mais le roi des hipsters du football cette saison, c’est Dimitri Payet. Comprendre le joueur que l’on n’attendait pas, qui ne joue pas au Real Madrid ou à Barcelone, mais qui est une bonne raison de regarder un match de foot à lui seul, tout simplement parce qu’il se passe toujours quelque chose quand le ballon se trouve à proximité de ses pieds. Cette saison, Payet régale avec les Hammers. Roulettes, petits ponts, coups du sombrero, le meneur de jeu ne se refuse rien alors qu’il marque autant qu’il fait des passes décisives. Anti-héros parfait, Payet est pour l’instant aux portes du groupe France, alors qu’il fait bien plus frissonner que la plupart des éléments offensifs appelés. C’est qu’il ne serait pas un homme qui rentre facilement dans le moule, ayant même des problèmes relationnels avec Mathieu Valbuena. Ne manque plus grand-chose pour qu’un biopic soit consacré au joueur le plus cool du moment. Le pire, c’est qu’il était là, en Ligue 1, sous nos yeux, pendant des années, et personne ou presque ne l’avait vu aussi haut.
Prière de ne pas lui faire d’ombre
Car si Payet marche aujourd’hui sur l’eau à West Ham, il faut se rappeler les conditions de sa venue en Angleterre en juin dernier. Le club londonien était le seul véritablement sur les rangs pour le recruter. Au départ, le joueur comptait se servir de la proposition pour négocier un salaire à la hausse à Marseille. Mais Labrune, qui voulait passer serein devant la DNCG, le prend au mot et l’invite à rejoindre Londres. Désormais, le Réunionnais n’a plus les mêmes soucis de négociations. Après quelques mois seulement, les dirigeants des Hammers ont décidé de l’augmenter considérablement pour qu’il ne fasse pas trop vite le forcing pour rejoindre les plus grosses écuries, qui commencent évidemment à le regarder avec appétit. Bilić, son entraîneur, n’a aucune gêne pour dire publiquement qu’il est le meilleur joueur de son équipe et de loin. Dans l’histoire, le président de l’OM passe pour un joli dindon, mais il y a peut-être pire que lui. Car Labrune a fait une plus-value de près de sept millions sur un joueur qui avait déjà montré de sacrés choses avec le LOSC. En 2013, Payet sort en effet une saison canon avec un « double-double » peu commun : plus de 10 passes décisives et 10 buts sur une saison en Ligue 1. Mais il n’a alors pas la cote sur le marché du fait de la présence de Cabella, Thauvin ou Alessandrini. Il faudra l’insistance d’Élie Baup pour le voir débarquer à Marseille. Il faut dire qu’en France, on préfère alors se concentrer sur une autre de ses spécificités : Payet ne réussit que lors de sa deuxième saison dans un club. Pour Benoît Pedretti, qui l’a connu à Lille, il fallait un peu plus creuser pour trouver l’explication : « C’est juste qu’il a besoin de sentir que c’est à lui qu’on donne les clés du jeu et personne d’autre. À Lille, il a explosé une fois qu’Eden Hazard est parti. À Marseille, pareil avec Mathieu Valbuena… Il marche à l’affect. »
La bonne publicité Marcelo Bielsa
Ce que Bilić a bien compris. Au premier contact téléphonique, le Croate lui a bien expliqué qu’il comptait le faire jouer dans l’axe, à la pointe d’un losange. Et là, plus question de temps d’adaptation. Époustouflant pour son baptême du feu en Premier League à l’Emirates, Payet n’est toujours pas redescendu de son nuage. Les fans des Hammers en sont à pousser leurs enfants à se coiffer comme lui. Mais comme il faut aussi soigner son image en France, le milieu offensif prouve qu’il sait aussi distiller les bonnes passes dans les médias. Lors de son dernier passage au Canal Football Club, il a par exemple bien fait comprendre qu’il n’était effectivement pas copain avec Valbuena. Vu la dynamique des deux joueurs, il est en position de force. Il ne manque également pas une occasion de remercier Marcelo Bielsa. Sa reconnaissance tombe à pic pour les nombreux aficionados du Loco. Mais dans les faits, l’entraîneur argentin ne peut s’empêcher de trouver que Payet aurait pu être encore bien plus performant lors de leur saison commune à l’OM. Le natif de Rosario ne supportait pas de voir son meneur s’économiser autant à l’entraînement, conscient qu’il n’avait pas besoin de faire plus pour être le meilleur.
Uniquement grand chez les petits ?
Et si c’était là la limite du phénomène Dimitri Payet ? Si cette définition du « joueur qui marche à l’affect » ne cachait en réalité que la fainéantise d’un élément qui a besoin d’un environnement où il est en pantoufles ? C’est bien peut-être pour ça que Didier Deschamps ne le sélectionne pas, plus que pour des rapports frais avec Valbuena, qui en laisseraient alors d’autres sur la touche. S’il n’est pas titulaire, Payet saura-t-il se transcender ? « À Lille, il n’avait pas trop joué la première année, mais il était pourtant facile à vivre, heureux, super content d’être là, témoigne Pedretti. Après, comme il l’a dit lui-même, si tu te satisfais d’être remplaçant, c’est qu’il y a un problème. » Comme il a besoin de confiance pour donner la pleine mesure de son talent, à lui de forcer la décision avec des performances toujours aussi croustillantes. Parce qu’à l’Euro, il ne pourra pas rejoindre au dernier moment une autre sélection pour déjouer les pronostics. Même si le scénario enchanterait sûrement tous ses hipsters de fans.
Par Romain Canuti