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Klopp va s'en aller, et les larmes des Reds n'y pourront rien changer

Par Quentin Ballue
6 minutes

Arrivé à Liverpool le 8 octobre 2015, Jürgen Klopp quittera son fauteuil en fin de saison. Une longévité qui lui a apporté joies, trophées et postérité, au prix d'un investissement total. Neuf ans après, l'Allemand a annoncé son souhait de prendre une pause bien méritée. Toutes les bonnes choses ont une fin, mais forcément, ça pique un peu.

Klopp va s'en aller, et les larmes des Reds n'y pourront rien changer

The End. Ce vendredi, Jürgen Klopp a prononcé les onze mots que redoutaient tant les supporters de Liverpool : « Je vais quitter le club à la fin de la saison. » Assis sur une chaise au premier étage du centre d’entraînement de Kirkby, dos aux terrains, le manager des Reds a annoncé la fin de ce glorieux chapitre, à deux ans du terme de son contrat. Un tremblement de terre sur la planète football, qui a pris tout le monde à contre-pied. « Je peux comprendre que ce soit un choc pour beaucoup de gens », reconnaît l’Allemand dans la vidéo publiée par le club. C’est peu de le dire, tant Kloppo est devenu une idole dans le Merseyside et un repère, presque un point cardinal, dans un milieu où le renouvellement des bancs est incessant.

Le garage plutôt que la casse

Jürgen Klopp avait déjà fait part de son intention de refermer le livre rouge et de faire une pause en 2024. Mais ça, c’était avant qu’il prolonge, en avril 2022, pour étirer son bail jusqu’en 2026. Depuis, rien n’avait filtré quant à un éventuel changement de cap. Personne ne soupçonnait ce que le quinqua avait annoncé à sa direction dès le mois de novembre. Encore moins maintenant, alors que Liverpool fait la course en tête en Premier League et reste en lice dans trois autres compétitions. « Quand j’ai appris que Jürgen Klopp allait faire une annonce majeure vendredi, je me suis dit : “Génial. Il doit signer un nouveau contrat” », écrit Jamie Carragher, « le cœur serré » quand il a réalisé à quel point il était loin du compte. « Si vous aviez demandé à ma version plus jeune il y a dix ans de prendre en charge cette équipe, j’aurais couru à travers un mur de briques pour le faire, confie Klopp. J’aime absolument tout de ce club, j’aime tout de la ville, de nos supporters, j’aime l’équipe, j’aime le staff. J’aime tout. Le fait que je prenne cette décision malgré tout ça vous montre que je suis convaincu que c’est ce que je dois faire. Je suis à court d’énergie. Je sais que je ne peux pas faire le job encore et encore et encore et encore. Mon coaching, mon style de management est basé sur l’énergie. Si je n’ai pas cette énergie, je ne suis pas le même. […] Parce que personne ne me virera, je dois prendre cette décision de moi-même. La responsabilité que j’ai ici me dit que je ne suis pas la bonne personne pour l’avenir. »

Depuis sa prise de fonctions à Mayence en février 2001, l’Allemand n’a jamais levé le pied, en dehors d’une petite pause de trois mois entre son départ de Dortmund et sa signature en Angleterre. Il a eu l’occasion d’appuyer ses motivations devant les journalistes vendredi après-midi. « J’ai eu six conférences de presse par semaine pendant quasiment neuf ans ! Je n’ai rien contre vous, mais je suis impatient de ne plus avoir à faire ça, a-t-il balancé, provoquant les rires dans la salle. Ce job demande tellement, vous devez être la meilleure version de vous-même, encore plus dans un club comme Liverpool. » Et d’enfoncer le clou, pour ceux qui ne voudraient toujours pas l’accepter, avec l’implacable métaphore automobile : « Je suis comme une voiture de sport – pas la meilleure, mais une assez bonne. Je peux encore rouler à 160, 170, 180 miles par heure, mais je suis le seul à voir que la jauge du réservoir baisse. Le monde extérieur ne le voit pas, c’est bien, alors vous continuez aussi longtemps que nécessaire, mais ensuite vous avez besoin d’aller à la station-service. » Ou tout du moins de ne plus avoir à gérer une cinquantaine de matchs par saison, des stages de préparation, les sollicitations médiatiques et tout ce qui compose la vie bien remplie d’un coach de son rang.

Je ne vis pas une vie normale depuis trop longtemps maintenant. Je ne veux pas attendre d’être trop vieux.

Jürgen Klopp

En quête de normalité

Immédiatement annoncé dans le viseur de la Mannschaft, Klopp a calmé les ardeurs en assurant qu’il ne reviendrait pas avant une année complète de coupure. Si jamais il revient. « Je ne vis pas une vie normale depuis trop longtemps maintenant, explique celui qui soufflera ses 57 bougies en juin. Je ne veux pas attendre d’être trop vieux. Je dois au moins essayer à un moment donné, voir comment c’est et si cela me manquera. C’est le bon moment pour moi, et le club est entre de bonnes mains. » Klopp a loué le développement du LFC, ses infrastructures, la qualité et la jeunesse de l’effectif actuel pour rassurer quant à l’après. Liverpool s’apprête tout de même à perdre son phare, ainsi que ceux qui lui servaient de gardiens – Pep Lijnders, Peter Krawietz et Vitor Matos s’en iront eux aussi. Ce qui change largement la donne.

Pour toute une génération, Jürgen Klopp est Liverpool, et Liverpool est Jürgen Klopp. Des milliers de gamins n’ont connu aucun autre entraîneur sur le banc des Reds. S’il demeure loin de Tom Watson, resté 19 ans aux manettes (1896-1915), le natif de Stuttgart affiche 466 rencontres au compteur en tant qu’entraîneur du plus titré des clubs anglais. Au minimum, il en aura 21 de plus, histoire de s’approcher de la barre des 500 matchs et de conforter son rang de quatrième manager au mandat le plus long à Liverpool derrière Bill Shankly (783), Tom Watson (742) et Bob Paisley (535). En presque neuf ans, Klopp a soulevé tous les trophées majeurs à sa portée, de la Ligue des champions à la Premier League, en passant par la Coupe du monde des clubs, les deux coupes nationales, la Supercoupe de l’UEFA et le Community Shield. Ne manque que la Ligue Europa, où il avait échoué en finale en 2016, et qu’il pourrait aller chercher cette saison. Il a aussi, et surtout, redonné de la fierté et de l’éclat à un club qui pataugeait dans la morosité à son arrivée.

Ce que les gens pensent de vous quand vous arrivez n’est pas si important. Ce qu’ils pensent de vous quand vous partez l’est beaucoup plus.

Jürgen Klopp lors de sa présentation en 2015

Avant de se quitter, Klopp et les Reds ont encore quatre mois devant eux. Jusqu’au 19 mai, pour la dernière journée de championnat, à Anfield qui plus est. Peut-être jusqu’au 22 mai, à Dublin, qui accueillera la finale de la C3, voire au 25 mai, jour de la finale de la Cup. Quatre mois pour profiter, aller chercher les 300 victoires (283 actuellement) et d’autres trophées, histoire de terminer en beauté. « Il n’y a pas lieu de faire une fête d’adieu maintenant, la saison est encore longue, martèle Klopp. Je veux être à 100 %, et c’est le cas. Personne ne doit s’inquiéter de mon état d’esprit. Tirons le maximum de cette saison et ayons une raison supplémentaire de sourire plus tard lorsque nous regarderons en arrière. » Les voix réclamant une statue à son effigie ou que son nom soit donné à une tribune d’Anfield se font déjà entendre – et ça ne date pas d’hier. À force de passion et de patience, Klopp a gagné sa place au panthéon du club, sur les façades des maisons et dans les cœurs. « Ce que les gens pensent de vous quand vous arrivez n’est pas si important. Ce qu’ils pensent de vous quand vous partez l’est beaucoup plus », disait-il lors de sa présentation, le 9 octobre 2015. Au regard de tout ce que l’Allemand a réalisé, en faisant une totale unanimité, il n’y a pas besoin d’en rajouter.

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