- Ligue 2
- J23
- Niort-Bordeaux
« J’ai regardé le gardien pendant une seconde et j’ai décidé de frapper »
Le week-end dernier, Junior Olaitan a offert la victoire à Niort sur le terrain de Dijon (0-1) d’un lob de soixante mètres. L’international béninois revient sur ce geste sensationnel et déroule le fil de sa jeune carrière.
Comment as-tu eu l’idée de tenter ce lob fou, le week-end dernier à Dijon ? Je connais bien le gardien de Dijon (Saturnin Allagbé, NDLR), qui est international béninois, comme moi. Je sais qu’il s’avance souvent loin de son but, pour être capable d’arriver en premier sur le ballon si un attaquant est lancé en profondeur. Quand j’ai récupéré la balle au milieu de terrain, j’ai regardé le gardien pendant une seconde et j’ai décidé de frapper.
Juste après, on a eu l’impression que tu ne savais pas vraiment comment célébrer ce but. J’étais très heureux. C’était mon premier but avec les Chamois, mon premier but en Ligue 2 ! Ça veut dire quelque chose pour ma carrière, pour ma vie même, parce que marquer sur un tel lob, c’est rare. Je suis très content, vraiment.
Le magnifique but du prodige béninois @Juniorolaitan15 🤯 notre gardien @SatAllagbe n'a rien pu faire 🙄 pic.twitter.com/NnmEteNRLB
— Bénin Football (@FootballBenin) February 3, 2023
En France, on te connaît encore très peu. Où as-tu grandi et commencé à jouer au foot ? Je suis né à Porto Novo (capitale du Bénin, NDLR). Ma mère est béninoise, mais mon père est nigérian, donc je suis d’abord allé vivre au Nigeria avec lui. J’ai trois grands frères, dont deux qui ont beaucoup joué au football, mais sans signer pro. Moi, je voulais absolument faire comme eux. Même si ma mère et mon frère aîné n’étaient pas d’accord, je m’y suis mis. J’ai commencé à Lagos, puis je suis retourné au Bénin, où j’ai débuté en seniors avec l’Ayema FC.
Qui était ton modèle à l’époque ? Au Nigeria ou au Bénin, les gens qui avaient l’habitude de me voir jouer au milieu me surnommaient « Paul Pogba », car j’avais un peu les mêmes attitudes, je courais comme lui. Mais mon idole depuis petit, ça a toujours été Cristiano Ronaldo. Il nous a montré qu’en travaillant beaucoup, on pouvait réussir de très belles choses.
D’ailleurs, c’est quoi la différence entre le foot nigérian et le foot béninois ? Dans les deux pays, le championnat, c’est comme la guerre, il y a énormément de contacts. À Lagos, j’ai vu beaucoup de joueurs techniquement très forts, mais il y a aussi du talent au Bénin, donc la différence n’est pas là. Je dirais que la dimension physique est plus importante dans le foot nigérian.
Tu as rejoint Niort à la toute fin du mercato hivernal 2022. Qu’est-ce qui t’a motivé à aller là-bas ? Moi, je ne connaissais pas Niort. Quand j’ai commencé à être performant au Bénin, ça parlait pas mal de moi, il y avait des clubs qui me suivaient, comme Lille, Brest, Nantes… Ce n’était pas à moi de choisir, mais à mon président. Je suis arrivé en France courant janvier, sans savoir où je jouerais. Je devais rejoindre un club, mais je ne sais pas ce qu’il s’est passé, je n’ai pas signé. J’ai attendu et, le 30 janvier, on m’a dit : « Tu vas à Niort. » Alors, j’ai pris le train avec mon président pour aller là-bas.
Tu n’es pas le premier joueur béninois à porter les couleurs des Chamois. Tu as appelé tes prédécesseurs pour prendre des informations ? Je n’en ai pas parlé avec David Kiki et David Djigla, mais j’ai posé la question à Saturnin Allagbé quand on était ensemble en sélection : « Grand frère, comment vous vous sentiez quand vous étiez à Niort ? » Il m’a répondu : « C’est une petite ville, mais tu y prendras du plaisir en jouant. » Pour moi, c’est un bon choix, parce que je sais qu’en jouant beaucoup et en étant bon, tout le monde pourra voir ce que je suis capable de faire.
Ça n’a pas été trop dur d’arriver là-bas en plein hiver ? (Rires.) Si, c’était très difficile pour moi ! Au début, je ne jouais pas bien, parce que mon pied était tout le temps gelé. L’entraîneur et mes coéquipiers ne m’ont rien dit, mais je pense que j’étais vraiment nul pendant cette période, il faisait tellement froid… Mais après, c’est allé de mieux en mieux.
Qui t’a aidé à t’intégrer dans le vestiaire ? Celui dont je suis le plus proche, c’est Ibrahima Conté. C’est lui qui m’a pris sous son aile, comme si j’étais son petit frère. Il m’a très vite fait comprendre que si j’avais envie d’être appelé en sélection, il fallait que je continue à travailler en club. Je n’ai pas de permis de conduire, donc je fais les trajets jusqu’au centre d’entraînement avec un coéquipier, Joris Moutachy le plus souvent. Je peux aller au centre-ville à pied, mais en général, je ne sors pas après les séances.
Qu’est-ce que tu penses de ta saison ? C’est plutôt bien. J’ai beaucoup joué, même si je n’ai pas toujours été titulaire. Je pense que je grandis petit à petit. Après le match, quand je rentre chez moi, je regarde mes erreurs et le lendemain, à l’entraînement, je sais ce que je dois travailler. Par exemple, c’est clair que je dois être plus efficace devant le but.
🔙🔛🔝
📸AngersNiort#Amical #DreamsBecomeTrue pic.twitter.com/O3YqNtX5eK
— Junior olaitan (@Juniorolaitan15) December 15, 2022
Niort a connu quatre entraîneurs différents en 2022-2023 (Sébastien Desabre, Ande Dona Ndoh, Rui Almeida et, depuis début février, Oumar Tchomogo). Comment font les joueurs pour s’y retrouver ? C’est un peu difficile. Chaque entraîneur arrive avec sa tactique, ses idées, puis quand il part, on doit tourner la page et assimiler ce que veut son successeur. C’est à nous d’apprendre le plus vite possible. Oumar Tchomogo, c’est un coach que je connais bien. Il a été international béninois, a même été sélectionneur national. Il m’a appelé, on a discuté : « Est-ce que tu es prêt à jouer ? » Je lui ai dit que oui. « Alors, il faut que tu travailles encore plus. » Il nous reste seize matchs. Si on en gagne au moins six ou sept, on devrait se maintenir. Donc on ne lâche rien, et je suis certain qu’on peut le faire.
Qu’est-ce qui manque à Niort (20e) pour enfin décoller au classement ? Sincèrement, tout le groupe travaille beaucoup. On a du talent, c’est évident. Ce qui nous manque, c’est de la confiance face au but. Quand on ne cadre que quatre ou cinq tirs sur quinze, ce n’est pas assez. Il y a des matchs qu’on ne doit pas perdre, lors desquels on ne doit pas faire match nul, mais on n’a pas de chance. C’est le foot.
Tu le sens comment, ce match face à Bordeaux ? On sait que cette équipe est très bien classée, que ses joueurs sont en confiance. C’est à nous de leur montrer de quoi on est capables. À l’aller, ils avaient gagné de peu (1-0, le 13 août, NDLR), on avait manqué de chance. Là, je pense qu’on peut les battre.
En plus, leur gardien doit se méfier d’un tireur longue distance… (Rires.) Si je le sens bien, c’est clair que je n’hésiterai pas à frapper de loin.
Propos recueillis par Raphaël Brosse