Quel est votre rapport au football ?
Tienson : J’ai joué au football quand j’étais gamin…Pyke : Ah ouais ?Tienson : Ouais, quand j’avais neuf ans et jusqu’à mes treize ans. Donc mon premier rapport au foot, c’est ça. Ensuite, je me suis mis à supporter tranquillement l’Ajax. Je ne suis pas un supporter fanatique, mais je suis les résultats, je regarde les matchs quand je peux. Mais attention, j’adore ce sport, mais d’un autre côté, j’aime beaucoup en rire. J’aime les proportions grotesques que ça peut prendre, parfois. Des mecs qui bossent toute la semaine en pensant au match qu’ils vont aller voir le week-end. Ceci dit, j’ai un peu ce même engouement quand il s’agit de l’équipe nationale néerlandaise. Surtout lors des grands tournois.Pyke : Moi, j’ai décroché il y a quelque temps déjà parce que je trouve que ce sport est devenu trop brutal. Trop de personnes qui poussent. Trop de personnes qui en font trop, en fait. Je me rappelle qu’en tournée, on est tombés par hasard sur une rediffusion d’un match de la RFA dans les années 80. C’était assez marrant à voir parce que le jeu était bien différent. Aussi parce que les mecs n’en faisaient pas des tonnes sur les fautes, restaient debout, ne gueulaient pas sur l’arbitre. Ne jouaient pas la comédie. Ça me gâche le plaisir quand je vois toute la négativité qui peut émaner des gens quand il s’agit de football.Tienson : Les arbitres sont moins respectés, aussi. Quand tu prends l’exemple des matchs de rugby, les joueurs ne gueulent pas sur l’arbitre. Pourquoi ? Parce que si tu gueules, tu te prends dix mètres dans la vue. Le football, ça peut vite devenir l’escalade. Celui qui couche un mec au sol sera la prochaine cible d’un gros tacle. Rappelle-toi la finale de la Coupe du monde 2010… Nigel de Jong ? Le mec met littéralement un flying kick à Xabi Alonso ! Pourquoi ? Parce que ça a commencé par de la comédie de la part des Espagnols. Derrière, De Jong est devenu agressif.
En somme, vous aimez pas les pleureuses, c’est ça ?
Tienson : Je crois, ouais ! (rires) Mais c’est à double tranchant. Tu prends Luis Suárez, qui a joué longtemps pour l’Ajax. J’ai été le voir trois ou quatre fois quand il jouait à l’ArenA. Pendant un match, à l’entrée de la surface, le mec plonge après une légère touche du défenseur… Penalty. Sauf que t’es fan de l’Ajax et du coup, t’es content qu’en tant que joueur, Suárez t’ait gratté un penalty. Malgré sa ruse, Suárez reste un grand joueur. C’est grâce à lui que l’Ajax a connu ses dernières heures de gloire. Donc ça dépend de ton point de vue, en fait. C’est un paradoxe. Mais encore une fois, l’arbitre doit être plus respecté. Et surtout, plus strict. Parce que si tout le monde est sur un pied d’égalité en respectant l’arbitre, c’est là qu’on touche la grâce du football. Par exemple, il n’y a rien de plus cool que de voir un but marqué rapidement. Le gardien fait un long dégagement, et, derrière, l’attaquant et le défenseur sont à la course. Deux mecs qui courent l’un à côté de l’autre, et le plus rapide gagne. C’est honnête. C’est pur. Pour moi, ce sont les meilleurs moments dans le football. Quelque chose est vraiment en train de se passer. C’est aussi pour cette raison que j’adore les tirs au but. Parce qu’il n’y a rien qui interfère entre le gardien et la balle.
Pyke : Attends, moi, je déteste les tirs au but ! C’est le truc le plus horrible qui existe dans le foot.Tienson : Non, c’est hyper intense !Pyke : Prends l’exemple du tennis, notamment Wimbledon. S’il y a égalité à la fin du cinquième set, il y a un tie-break et tant que l’un des deux joueurs n’a pas deux points de plus que l’autre, la partie continue. Parfois, c’est interminable et ça s’arrête uniquement lorsque l’un des deux est mort d’épuisement. Je voudrais vraiment voir ça dans le football. Dans les phases à élimination directe, tu peux jouer une prolongation jusqu’à temps que l’une des deux équipes gagne. Que le plus fort gagne. De plus, le football est un sport collectif. Or, les tirs au but sont une épreuve individuelle. D’un seul coup, un sport collectif devient individuel et je n’aime pas voir ça. Je préfère voir ce truc qui se crée ensemble.
C’était la théorie de Van Gaal : retirer un joueur de chaque équipe toutes les cinq minutes de prolongation et ensuite, attendre que l’une des deux équipes marque.
Pyke : Ça, c’est cool ! C’est drôle que tu dises ça parce qu’on aime bien s’imaginer à quoi pourrait ressembler le foot autrement. Faire entrer un douzième joueur pendant dix minutes ? Ça crée de nouvelles opportunités, de nouveaux dangers. Jouer sur un terrain asymétrique ? Ou avec un but plus petit que l’autre ? Ça rend la chose plus divertissante.Tienson : Ce serait marrant, ouais. Mais ça soûlerait vite tout le monde… Et attends, qu’est-ce que tu penses de ce qui s’est passé avec Tim Krul à la Coupe du monde ? C’était quelque chose de différent… Et ça n’aurait pas pu arriver sans les tirs au but. On jouait en festival ce soir-là. Le festival projetait le match en streaming et les deux mille personnes regardaient toutes ensemble. Il y avait ce gros DJ qui passait du son très lourd et, à quatre cent mètres de là, tout le monde qui regardait le match. C’était étrange : tous ces mecs habillés en orange, complètement drogués et qui regardent du foot sur fond d’electro. C’est ça aussi que j’aime dans le foot : ça te rend émotif. Il y a un autre truc que je trouve fascinant dans le football : toutes les discussions que ça génère en avant-match. Sur la dernière Coupe du monde, on nous a bassinés avec le fait qu’il y avait un climat tropical, que ça allait être dur, que le Brésil était avantagé par ça. Mais à la fin, ils se sont fait humilier ! HUMILIER ! Bref, tu as tous ces mecs en avant-match qui vont venir t’expliquer ce qui va se passer, avec des points de vue différents. Ça en devient des ragots. Je me rappelle à l’époque, Pierre van Hooijdonk faisait partie de l’équipe de consultants d’avant-match et il n’arrêtait pas de dire que Van Persie n’était pas assez bon. Bien évidemment, il sait que les joueurs regardent le truc et derrière, t’as Van Persie qui conseille à Van Hooijdonk d’aller se taper un mini-golf. C’est hyper immature et en même temps, très drôle. On parle quand même de la Coupe du monde, et les mecs sont toujours en train de se bouffer le nez ! À cause de ça, le football perd en honnêteté. Je préfère encore quand les mecs saluent le travail de leur équipe à la fin du match. C’est ce que j’ai aimé chez Robben à la fin de la demi-finale. Il a dit : « On a perdu la Coupe du monde, oui, mais il ne faut pas oublier que tout le monde a tout donné. » C’était de la sagesse. Pas du bashing comme Van Persie l’a fait parce qu’il ne pouvait pas se fermer sa bouche. J’adore Robben. Malgré sa tendance à se blesser fréquemment, j’étais super content qu’il puisse faire toute la Coupe du monde.
Pyke : D’habitude, je ne suis pas tant patriote que ça. Pas au point de me réunir avec mes potes et de me dire : « Regardons le match des Pays-Bas ! » Mais cette Coupe du monde est la première où j’ai vraiment suivi parce qu’on y a vu pour la première fois un vrai groupe. Des mecs qui se valaient tous. Avec Van Gaal qui les considère tous comme un élément d’une équipe. C’est tellement plus intéressant que de savoir que la FIFA mène l’enquête sans mener l’enquête. Sérieux ? On sait tous que la FIFA, c’est une grosse firme, donc faudrait peut-être faire quelque chose, non ? On se croirait dans le sketch « Football ! Football ! Football ! » de l’émission Mitchell and Web Look. Le mec devient fou à cause du football. Je ne peux plus regarder du football sans penser à toutes les choses qui le pervertissent. Alors que le jeu en lui-même est beau, notamment parce qu’il est simple. Tu poses deux vestes sur le sol, tu fabriques des buts et c’est parti.
Terminons sur une note plus légère : votre meilleur souvenir de football ?
Tienson : Je suis allé voir un match avec mon colocataire du côté du F-Side et du VAK410 (le kop de l’Ajax, ndlr). Ils avaient tous ces drapeaux, tous ces chants… Il y avait ce mec torse nu avec sa seule écharpe autour du cou. Je n’ai rien vu du match. Tu pouvais te rendre compte que les mecs ne profitaient pas du match parce qu’à un moment, l’Ajax marque et on ne voit pas le but à cause d’un énorme drapeau sur nos têtes. Mais c’était une super ambiance. Tu sens vraiment cette atmosphère, que le football, c’est tout pour eux. Une bonne expérience, entre tous ces mecs hardcore et ses familles qui se retrouvent au même endroit pour la même chose. Il faut absolument regarder le documentaire Superjews pour comprendre tout l’univers que ces mecs ont créé autour d’une équipe. Pour eux, c’est presque une religion.
Revivez Italie-France (1-3)