- CAN 2013
- 1/4 de finale
- Ghana/Cap-Vert
Julio Tavarès, le bouliste de la CAN
C'est l'aventure d'un amateur de pétanque devenu footballeur professionnel à 24 ans. Bloqué en quatrième division de district il y a encore peu de temps, Julio Tavarès est aujourd'hui un des meilleurs attaquants de Ligue 2. Mieux, il s'apprête à participer au premier quart de finale de l'histoire du Cap-Vert en Coupe d'Afrique des nations.
« Il est arrivé en sélection comme il l’a fait à Dijon(cet été): sur la pointe des pieds. Et dans les deux cas, il a très vite mis tout le monde d’accord. » Pour Sébastien Pérez, ancien joueur de l’Olympique de Marseille aujourd’hui directeur sportif au DFCO, voir Julio Tavarès titulaire en équipe nationale tient presque de la normalité. Remplaçant lors du match d’ouverture de la CAN face à l’Afrique du Sud, l’attaquant bourguignon n’a eu besoin que de quelques minutes pour gagner une place dans l’équipe type. Depuis, il a débuté les deux autres rencontres (Maroc et Angola) sur le terrain et propulsé le Cap-Vert en quarts de finale. « Il n’avait été appelé qu’une seule fois lors de la préparation. Le coach ne le connaissait pas trop. Maintenant qu’il a pris ses marques, ça va être difficile de s’en passer. » Voire impossible. Hervé Della Maggiore, son ancien coach à Bourg-Péronnas, le connaît mieux que personne pour avoir découvert le phénomène. Si Julio Tavarès en est là aujourd’hui, il le doit en grande partie à ce « père spirituel » . Et aussi à un véritable concours de circonstance.
Pétanque et gardien de but
« Au départ, Julio, le foot c’était pas trop ça… Il préférait la pétanque. C’était même un vrai champion dans l’Ain » , se souvient Rédouane Settaout, latéral de Péronnas et « frère » de Tavarès. Pourtant occupé à enchaîner les carreaux, le grand échalas (1m87) va finir par chausser les crampons. Ou plutôt les gants. Le gardien de but de Montreal la Cluse, le club du coin, se blesse. Le coach propose alors à Tavarès (le monde est petit dans ce genre de bled) de venir garder les cages en excellence, la quatrième division de district. Il accepte. Mais évidemment, l’histoire n’en reste pas là. Quelques mois plus tard, c’est au tour de l’attaquant de pointe d’aller faire un tour à l’infirmerie. Alors rebelote. C’est Julio qui s’y colle. Et cette fois, c’est pas les biberons qu’il enfile comme des perles, mais bien les buts. Tavarès régale la chique. Personne ne comprend ce qu’il fout là, surtout Hervé Della Maggiore. « Je l’avais repéré quand j’étais encore entraîneur en district. On avait affronté son équipe en championnat. Il était tellement au-dessus… »
Un garçon attachant et attaché
Alors forcément, quand Della Maggiore a rejoint Bourg-Péronnas en CFA2, le nom de Tavarès sonnait comme une évidence. Il a donc tenté de le faire venir une première fois. Sans succès. Hors de question de partir. Le Cap-Verdien veut se faire plaisir et jouer avec ses potes, pour le moment. « Il m’a fallu deux ans pour le convaincre. C’est un garçon qui marche à l’affectif, il ne voulait pas quitter son environnement. » Les efforts vont finalement payer. À l’été 2008, après plusieurs échanges avec le président et le vice-président, Julio décide de faire le grand saut. « Je lui ai expliqué que Bourg-Péronnas ne sera qu’une étape pour lui. Que s’il travaille correctement, il ira bien plus haut. Comme c’est un gamin sensé, intelligent et bosseur, tout est allé très vite » , confirme le coach du FCBP. Une montée en CFA, des parcours en Coupe de France et une louche de buts plus tard, Julio Tavarès peut en effet rêver du monde professionnel. Mais en ange gardien, le papa poule de Péronnas surveille tout ça d’un œil protecteur. « On avait 2-3 joueurs qui faisaient parler d’eux avec la Coupe de France. Des agents commençaient à traîner autour du club. Je leur ai donc demandé de m’avertir d’éventuelles propositions. Il y a de tout dans ce milieu… » Tavarès vient frapper à la porte dès le lendemain.
Dijon, le club idéal
Un agent lui propose ses services. « Quelqu’un de bien » , selon Della Maggiore, qui a quand même tenu à lui présenter un ami. L’agent d’Éric Abidal. « Il ne cherchait pas ce profil de joueur. Il tapait dans le plus jeune. Il m’a rappelé il y a deux mois pour tenter de l’avoir. Évidemment, c’était trop tard. » Dans le même temps, la cellule de recrutement de Dijon se réunit. Sébastien Pérez veut un nom. « J’ai demandé à Sébastien Larcier(chef de la cellule)quel dossier amateur voulait-il voir aboutir. Il m’a répondu Julio Tavarès. Je lui ai laissé carte blanche. » En contact avec le nouvel agent du buteur de Péronnas, le DFCO conclut rapidement les négociations. Même s’il a fallu « lui mettre un coup de pied au cul » pour qu’il parte, Tavarès le sait : Dijon est le club idéal pour continuer à grandir. Et de la même manière qu’à Bourg-Péronnas, il élève instantanément son niveau de jeu. Après deux mois de découverte du monde professionnel, la machine est lancée.
Une énorme marge de progression
En quatre saisons, l’ancien bouliste est donc passé de la quatrième division de district au championnat de France de Ligue 2. Rien que ça. « C’est un très bon exemple pour un joueur amateur. Il n’a pas fait de centre de formation et il s’adapte très vite aux exigences d’un nouveau championnat » , analyse Redouane Settaout. Décrit comme un joueur pesant sur les défenses adverses, à l’aise dans un rôle de pivot et doté d’un très bon timing, Tavarès travaille sans relâche. Meilleur buteur du DFCO en championnat (6 buts), il manque actuellement énormément au club bourguignon (même si Brice Jovial assure un intérim digne de ce nom). « Bien sûr qu’on aimerait mieux l’avoir. Mais cette compétition va être une grosse expérience pour lui. Il va continuer à progresser et il est très loin de s’arrêter. On va le retrouver encore plus fort » , prévient Sébastien Pérez. Et puis qui sait, il finira peut-être cette Coupe d’Afrique comme gardien de but du Cap-Vert ?
par Anthony Davière