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Julien Stéphan à Rennes, la promesse est dite

Par Clément Gavard
Julien Stéphan à Rennes, la promesse est dite

La semaine a commencé par une bombe sur les bords de la Vilaine : Julien Stéphan n'est plus l'entraîneur du Stade rennais. Le technicien de 40 ans a posé sa démission, finalement acceptée par ses dirigeants au cours d'un week-end agité, mettant fin à une belle histoire qui aura duré un peu plus de deux ans. Moins inspiré cette saison, le Rennais de naissance quitte le club en ayant fait ce que personne n'avait jamais réalisé avant lui : gagner une Coupe de France, la première depuis 1971, et emmener le SRFC en Ligue des champions. Avant que la réalité du métier ne finisse par le rattraper.

La nouvelle est tombée ce lundi matin, sur les coups de 9h50, et elle a fait l’effet d’une déflagration dans le cœur des amoureux du Stade rennais : Julien Stéphan a démissionné du poste d’entraîneur du SRFC, laissant derrière lui une douce mélancolie et les souvenirs d’une parenthèse dorée dans l’histoire du club breton. « Il était intimement convaincu qu’il n’était plus l’homme de la situation pour le Stade rennais, a déploré le président Nicolas Holveck face à la presse. Julien s’identifie complètement au club et il ne veut pas être un problème pour Rennes. Je ne suis pas d’accord avec son analyse, mais c’est lui qui l’a déterminé. » Une décision mûrement réfléchie, paraît-il, et qui aura rythmé le week-end des pontes rennais, qui ont longtemps essayé de retenir Stéphan.

À commencer par François Pinault, l’actionnaire principal, qui était peut-être devant un écran pour assister à la nouvelle défaite de Rennes contre Nice et, sans le savoir, à la dernière de Julien Stéphan. Dans la foulée de la rencontre, le fils de Guy était apparu marqué en conférence de presse, laissant planer le doute sur son avenir en assurant qu’il fallait « laisser tout ça redescendre ». « Après le match, comme toujours, nous avons échangé avec Julien, qui a commencé à nous faire part de notre réflexion, a raconté Holveck. C’était trop tôt pour qu’on ait une discussion saine, on s’est donné rendez-vous plus tard, et Julien nous a confirmé qu’il ne se sentait plus capable de donner la force nécessaire au groupe. Il a toujours dit qu’il mettait l’institution au-dessus de lui, et il préférait ne pas la mettre en danger. » La fin d’une histoire d’amour qui aura duré 819 jours.

Enfant de Rennes

Cette histoire s’est terminée comme elle avait commencé : un lundi matin, à 48 heures d’un déplacement au Groupama Stadium. Un point final soudain et une drôle d’impression à l’officialisation d’un bruit qui avait commencé à courir dans la soirée de dimanche. Celle d’un grand vide. Julien Stéphan a décidé de quitter le navire à onze journées de la fin d’une saison qui aurait dû être l’une des plus belles de l’histoire du club breton, mais qui s’est peu à peu transformée en long calvaire. Sans la présence d’un public qui l’avait peut-être sauvé un soir de défaite européenne contre Cluj au Roazhon Park, le technicien semblait avoir perdu son mojo et son audace ces dernières semaines, enfermant son équipe dans un jeu de possession stérile caricatural. Il restera ces mois de galère, forcément, mais aussi les nombreux moments de bonheur intense.

Deux dates, d’abord. Le 21 février et le 27 avril de l’année 2019. Deux moments fondateurs dans la carrière de Julien Stéphan dans la cour des grands, deux soirées qui seront racontées dans les prochains livres d’histoire dédiés au Stade rennais. Le premier : un succès européen de prestige sur la pelouse du Betis, plaçant Rennes sur la carte de l’Europe et validant le plan tactique du jeune coach face à Quique Setién. Le second : une finale de Coupe de France remportée contre le grand Paris Saint-Germain, permettant à Rennes de soulever son premier trophée majeur depuis 48 ans. Ce soir-là, moins de six mois après son arrivée, Stéphan avait rejoint l’illustre Jean Prouff au panthéon des Rouge et Noir. Arrivé dans la peau d’un intérimaire après le licenciement de Sabri Lamouchi au début du mois de décembre 2018, Stéphan s’était imposé comme une évidence, et certains supporters rêvaient même d’en faire un Alex Ferguson ou un Arsène Wenger à la sauce bretonne. Une sacrée utopie, mais la preuve que le Rennais de naissance n’a pas eu besoin de forcer pour être adopté par toute une ville dont les habitants se sont retrouvés en cet homme agréable, mais avec son petit caractère, bon communicant, mais discret, et pudique, parfois même trop. Stéphan aimait tout maîtriser, que ce soient ses émotions ou ce qui se passait sur le terrain, et ce n’était plus le cas dernièrement. Cette démission, qui lui fait s’asseoir sur dix-huit mois de contrat et un gros chèque, c’est aussi peut-être une façon de reprendre le contrôle.

Le métier qui rentre

Une chose est sûre : Stéphan a besoin de couper. Avant de se retrouver propulsé sur le banc de l’équipe première, l’homme de terrain avait passé plus de six ans dans le rôle de formateur auprès des U19 du SRFC, puis de l’équipe réserve. Un autre monde. Une autre vie, aussi, dont il semblait parfois nostalgique tant les coulisses, les coups bas et l’aspect politique de son nouveau job pouvaient le fatiguer. « J’ai débuté comme coach à 24 ans. Je suis sur les terrains tous les jours depuis 16 ans… et que c’est prenant, usant, confiait-il au Télégramme cet automne. Et, depuis deux ans, tout cela est décuplé. Après, qu’il y a d’autres manières de faire ce métier, d’autres fonctions qui permettent de faire, mais pas au quotidien. C’est ce dernier qui est éreintant : 12/13 heures par jour, 7 jours sur 7, on ne décroche jamais… Quand je sentirai qu’il y a trop d’usure, moins de passion – ce qui est loin d’être le cas -, il sera temps de s’arrêter. Ce métier est aussi difficile qu’il est passionnant. » Un constat plein de lucidité qui débouche sur une question : l’avenir de Stéphan s’écrira-t-il sur le banc de touche d’une équipe première ou reviendra-t-il plus tôt que prévu à son premier amour qu’est la formation ?

Tout est peut-être allé trop vite pour le néo-quadragénaire, et il ne s’en cachait généralement pas. Sans aucun temps d’adaptation, Stéphan aura appris « un métier différent » de celui qu’il connaissait en jouant des matchs de Ligue Europa, une finale de Coupe de France, et même plus récemment une phase de poules de Ligue des champions. 110 matchs en tout, mais jamais une saison complète. « Je le vis comme un apprentissage à vitesse grand V, disait-il encore au Télégramme. J’ai l’impression que tout va très vite, sans avoir beaucoup de temps d’apprécier les bons moments. Avec le sentiment qu’il y a, chaque fois, de nouveaux défis, de nouveaux objectifs qui arrivent devant nous. » Sur le terrain, les fameux plans de Stéphan étaient moins clairs cette saison, ce dernier payant peut-être aussi un dernier mercato estival décevant dans le choix des profils et des caractères (le départ de Raphinha aura aussi pesé sur le jeu rennais, moins fringant depuis octobre). Depuis deux ans, les nuits du coach rennais étaient plus courtes, les journées de travail plus longues, et la pression largement plus grande. « On sait que ce métier est extrêmement dur, a soufflé Nicolas Holveck. Julien se met un degré d’exigence incroyable et il ne pensait pas pouvoir l’atteindre. On a essayé de le convaincre, très sincèrement. Mais je pense qu’il n’y avait plus l’énergie nécessaire. » Et voilà le futur de Stéphan comme celui du Stade rennais bien incertain.

La vie sans Stéphan

L’entraîneur de 40 ans et le club breton, chacun de leur côté, vont désormais devoir tourner la page pour écrire un nouveau chapitre de leurs histoires respectives. L’épilogue s’est déroulé dans la matinée de lundi, quand Stéphan s’est rendu à la Piverdière pour expliquer son choix à un groupe qui ne l’avait a priori pas lâché. « Il a eu des mots très forts, à son image, a confié Holveck. Ensuite, il a fait le tour des bureaux pour dire au revoir à tout le monde. Il est resté le même, des U19 à la Ligue des champions. Ici, j’ai découvert un grand professionnel.(…)Avec Julien, le Stade rennais a eu peut-être les meilleurs résultats de son histoire. » Personne n’avait en tout cas réussi à ramener une Coupe de France et décrocher une qualification en Ligue des champions.

Reste qu’un an après l’éviction d’Olivier Létang, qui a depuis conservé une rancœur contre Stéphan, l’autre homme fort de la période dorée du Stade rennais quitte aussi le navire. La fin d’un cycle et d’un triumvirat (Holveck, Maurice, Stéphan) qui aura duré moins d’un an. « Le Stade rennais a vécu avant Stéphan, Maurice et Holveck, et il vivra longtemps après eux, a tempéré Holveck. C’était un projet à trois dans l’organisation, l’entraîneur va changer, mais pas le projet. » Si l’expérimenté Philippe Bizeul assurera l’intérim, le board rennais s’active déjà pour mettre la main sur le candidat idéal. Les noms de Bruno Genesio et Jocelyn Gourvennec ont vite circulé, alors que Florian Maurice assure avoir reçu « plus de 70 textos avec des propositions d’entraîneur ». Les prochains jours seront déterminants pour le lancement de cette nouvelle ère, alors que cette nouvelle crise institutionnelle (une de plus !) peut faire craindre le retour dans l’anonymat. Mais avant cela, il faut surtout se souvenir d’un homme qui a redonné de la fierté à des supporters, et de l’ambition à tout un groupe. Et rien que pour ça : merci.

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